Toxédo et Fripouille ont toujours existé, mais Serge Bergeron et Anne Olivelli ne l’ont compris que lorsqu’ils se sont rencontrés en 1993, à Montréal. L’un, Canadien et guitariste de blues, travaillait dans le bar où il a connu la journaliste française. Ils boivent des bières pendant des nuits entières et finissent par s’installer ensemble dans la métropole canadienne. «Quand je rentrais du travail, je jonglais un peu, pour me détendre», raconte Anne Olivelli. Son compagnon s’y met aussi jusqu’au jour où il perd son travail. Comme par hasard, ils habitent à deux pas d’un atelier de jonglerie dont les professionnels investissent régulièrement les rues alentour. Magnifique concours de circonstances Le couple d’«amateurs éclairés» qu’ils étaient alors décide rapidement de passer à la vitesse de jonglage supérieure. Et comme pour tous les arts du cirque, le travail est de rigueur : ils s’entraînent ensemble dans leur loft plus de huit heures par jour. L’habilité se révèle chez Serge Bergeron tandis qu’Anne Olivelli développe ses acrobaties. «En 1994, pendant le festival de jonglage annuel de Montréal, les organisateurs nous proposent de participer à la “scène ouverte”, réservée aux amateurs, racontent-ils. Nous avions dix jours pour préparer notre spectacle». Le résultat est un succès : vingt minutes de passage sans fautes, avec pour thème une dispute pour le chapeau qui, dans les spectacles de rue, sert à collecter la participation pécuniaire des spectateurs : Toxédo et Fripouille sont nés, grâce à deux ou trois magnifiques concours de circonstances. En 1995, ils deviennent des professionnels sous le nom de Passagers du temps et continuent d’explorer ensemble leurs potentiels, qu’ils intensifient par un travail conjoint quotidien. Amuseurs généralistes Toxédo et Fripouille «défient les lois de la gravité» dans un répertoire assez impressionnant : en jonglant avec tout ce qui leur tombe sous la main : feu, glaçons, etc., en faisant tourner un ou deux ballons sur le bout du doigt, en faisant rouler une balle sur tout le corps sans la détacher, en se perchant sur des échasses (les tours d’Anne Olivelli) ; en pouvant placer n’importe quel objet (planche à repasser, drapeau, poussette, etc.) de moins de 20 kilos sur le nez, le menton ou le front – technique appelée «manipulation de jonglerie» et dans laquelle Serge Bergeron est passé maître. Les Passagers du temps se qualifient modestement d’«amuseurs généralistes» qui relèvent tous les défis que leur lancent leurs «bookeurs» : «Pour chaque demande, un spectacle, ajoutent-ils. Nous l’élaborons à partir de 35 séquences déjà prêtes et auxquelles nous ajoutons de nouvelles créations». Le tandem franco-canadien était attendu pour le sommet de la francophonie de 2001 ; leur spectacle, comme pas mal d’autres, a été remis sine die, mais Anne Olivelli et Serge Bergeron ont décidé de passer leurs «vacances» au Liban jusqu’au 23 avril. Ils se produisent bénévolement dans des orphelinats et dans des écoles devant des enfants qui en redemandent toujours. Fripouille et Toxédo leur offrent une heure de spectacle où se mêlent humour, magie et jonglerie. Ou plutôt, pour parler leur langue, «jonglerire, pestacle et animaction». D.G.