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NUTRITION Le sel, cet ennemi(PHOTO)
Par GEBEYLI Claire, le 16 avril 2002 à 00h00
En janvier passé, un colloque tenu à Paris s’ouvrait dans un climat de polémique, fait exceptionnel dans les annales scientifiques. Mais cette rencontre, organisée par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, devait se pencher sur un problème particulièrement épineux, l’ajout excessif de sel dans les produits agroalimentaires mis en conserve... Les travaux scientifiques sur le sel représentent, en effet, une menace pour cette industrie, d’où l’intérêt économique majeur que représentent ses conclusions. L’avènement de la réfrigération ayant permis la conservation des aliments autrement que par salaison a entraîné une baisse de la consommation de sel qui s’est reflétée positivement sur la santé. En revanche, le développement de la cuisine industrielle, en compensant l’absence de saveur des plats cuisinés par une augmentation en sel, aboutit à un surdosage qui n’est pas sans conséquences sur la santé des consommateurs. Les recommandations internationales fixent un taux de 6 à 8 gr par jour à ne pas dépasser. Or dans certains pays européens, la consommation se situe déjà entre 10 et 12 g de sel par jour. L’effet du sel sur la tension artérielle est connu depuis longtemps. L’hypertension artérielle dans les îles du Pacifique – où la consommation en sodium est inférieure à 4 g/j – est rare. Tandis qu’au Japon, où la consommation est de 20 g/j, le taux de l’hypertension est de 39%. Plusieurs études ont été axées au cours de ces dernières années sur la définition des recommandations en matière de sel. L’unanimité confirme que «la réduction des apports “sodés” (riches en sel) diminue la tension artérielle de manière non négligeable». Le sel joue-t-il ce rôle seul ou avec des «cofacteurs», c’est-à-dire des substances dont l’association renforce l’action ou les effets du sel? Selon Alexander Logan, de l’hôpital Mount Sinai de Toronto (Canada), «certains chercheurs estiment qu’au-delà d’un certain seuil, l’apport en sel est la cause principale de l’hypertension. Pour d’autres, il constitue un complice notable, dépendant des facteurs induisant la sensibilité au sel. La preuve serait la variation de la tension artérielle face à l’apport en sel dans le régime alimentaire». Toujours selon ce chercheur, il existerait une plus grande sensibilité au sel chez les sujets âgés, les Africains et les individus présentant une prédisposition à la pression artérielle élevée. Calcium et potassium, un rôle indirect On sait aujourd’hui que le régime pauvre en potassium réduit l’excrétion du sodium et accroît en conséquence la tension artérielle. Par ailleurs, la sensibilité au sel dépendrait aussi de la consommation de potassium. Celle du calcium interviendrait dans la régulation du sodium et la pression artérielle. Ces études, on le constate, mettent en évidence l’importance de certaines carences alimentaires dans la survenue de l’hypertension. Elles illustrent, si besoin en était, le rôle et les avantages d’une prise globale dans l’approche thérapeutique de l’hypertension plutôt qu’une intervention sur des nutriments particuliers. Une prédisposition génétique à la sensibilité au sel ? Un domaine en voie d’exploration scientifique serait celui d’une prédisposition génétique à l’origine de la sensibilité particulière envers le sel. Selon Xavier Jeunemaître, de l’hôpital Georges Pompidou, à Paris, participant actif à une étude ayant pour but particulier la sensibilité au sel, depuis 1988, «la plupart des gènes considérés comme modifiant la tension artérielle codent pour des protéines impliquées dans la régulation du sel et de l’eau...» L’étude américaine «Dash Sodium», portant sur 412 participants auxquels 30 jours durant étaient fournis des aliments et des boissons composant trois régimes calibrés minutieusement, a montré que ceux qui recevaient la plus faible portion de sodium présentaient la plus importante baisse de tension artérielle. Selon les travaux d’un chercheur de l’Institut de la santé de Helsinki (Finlande) réalisés sur 2400 personnes, une consommation accrue de sel serait un facteur de risque de mortalité cardio-vasculaire, sans lien avec la hausse de la tension artérielle... Plus récentes, certains études laissent entendre que la surconsommation importante de sel augmenterait l’excrétion du calcium et, de ce fait, le risque d’ostéoporose. Cependant, comme le signale le Dr Francesco Cappucio, du St George’s Hospital de Londres, «peu d’actions ont été engagées, en dépit de tout, pour réduire la consommation de sel». Pour Graham MacGregor (St George’s Hospital) «cela n’est que la conséquence directe du pouvoir de l’industrie alimentaire et de l’industrie du sel qui sont en général opposées à de telles recommandations». «Entre 70 et 80% de notre consommation proviennent d’aliments industriels. Le sel améliore le goût et rend mangeable, donc achetable, des aliments insipides, tout en permettant d’ajouter de l’eau aux produits à base de viande, ce qui augmente leur poids, sans coût supplémentaire», conclut-il Le dernier mot revient au consommateur. Si la combinaison d’intérêts occultes le pousse vers l’abîme, c’est à lui de briser sa salière et de surveiller ses goûts et son menu...
En janvier passé, un colloque tenu à Paris s’ouvrait dans un climat de polémique, fait exceptionnel dans les annales scientifiques. Mais cette rencontre, organisée par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, devait se pencher sur un problème particulièrement épineux, l’ajout excessif de sel dans les produits agroalimentaires mis en conserve... Les travaux scientifiques sur le sel représentent, en effet, une menace pour cette industrie, d’où l’intérêt économique majeur que représentent ses conclusions. L’avènement de la réfrigération ayant permis la conservation des aliments autrement que par salaison a entraîné une baisse de la consommation de sel qui s’est reflétée positivement sur la santé. En revanche, le développement de la cuisine industrielle, en compensant l’absence de saveur...