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Actualités - REPORTAGE

Métiers insolites ... Serveuses, la bonne humeur en plus(PHOTO)

Elles ont vingt ans à peine effleurés, des rêves plein la tête, un gentil minois, un sourire de rigueur et un métier autrefois exclusivement masculin dans notre société encore très orientale. Tous les jours, Aline, Myrna, Nada et les autres offrent leur bonne humeur et leurs services à des consommateurs venus siroter un thé, déguster une salade ou absorber un rayon de soleil à la terrasse de ce café du centre-ville. EElles se battent à leur façon pour l’émancipation de la femme libanaise, même si elles ne le savent pas vraiment. Envers et contre toutes les idées reçues, comme un cadeau empoisonné offert à la naissance, et envers et contre leur famille, voisins, amis, qui ne comprennent toujours pas, ces jeunes filles font un métier nouveau au Liban. «Un an que nous travaillons dans ce café, par ailleurs très respectable, et nous avons droit, tous les jours, à une réflexion désobligeante de la part de nos proches. C’est surtout, je crois, le fait de rentrer tard le soir». Équipes de jour ou de nuit et avec leurs – seulement – trois collègues masculins, elles se partagent la semaine et les horaires équitablement, chacun ayant sa part de «jour» et de «nuit». «Mon père m’a même proposé de me payer un salaire pourvu que je reste à la maison», avoue la plus jeune des «militantes». Pour connaître le prénom de ces jeunes filles en fleur, étudiantes en hôtellerie, mais aussi décoration, sociologie, éducation ou graphisme, il faut le leur demander. Aline, Myrna et les autres ont préféré ne pas l’afficher sur leur très agréable costume, chemise en jeans, pantalon beige et tennis. «Les clients peuvent facilement devenir familiers ou encore nous contacter par téléphone au café». La familiarité est sans doute le premier des maux que subissent ces huit jeunes filles, et l’éviter avec le sourire n’est pas toujours facile. «On en voit de toutes couleurs, s’exclament-elles en chœur. «Tu as de beaux yeux, quel âge as-tu ?» Passe encore. Mais «que fais-tu après le travail ?» ou encore, «tu as dû passer des heures devant le miroir pour être aussi belle», et elles en appellent à leur directeur ou à son assistante, Cosette, 23 ans. «Je suis le trait d’union entre les serveurs, les clients, et les serveurs et la direction. Étant moi-même une femme, je comprends mieux leurs problèmes». Cosette reçoit «en civil», « je n’ai jamais eu de remarques désobligeantes. Je crois que, avec, moi, “ils” n’osent pas». Elle asseoit les derniers arrivés, supervise la bonne marche des choses et s’occupe du recrutement, avec une équipe de professionnels. «Nous demandons à nos employées d’être patientes et de bonne humeur, et puis, bien-sûr, qu’elles soient présentables, car le personnel “sur le terrain” représente la façade du café-restaurant». Ce sont en effet elles qui subissent les foudres du client s’il y a un retard dans les cuisines, un plat raté ou encore une salade mal assaisonnée. «Les femmes sont souvent beaucoup plus exigeantes et impatientes que les hommes». Certaines, accompagnées de leur conjoint, préfèrent être servies par… la gent masculine. Aline, 22 ans, se ronge les ongles entre deux services, «d’autres viennent pleurer sous les escaliers et puis elles se calment». Tout n’est pas forcément aussi dramatique. Certains clients demandent à être servis par leur favorite, remercient, apprécient et laissent un pourboire conséquent. Des bons souvenirs ? Il y en a quelques-uns, malgré la fatigue des soirées chargées, «un politicien venu prendre un café avec un groupe de collègues. La facture s’élevait à 20 000 LL, se souviennent Aline et Myrna, il a laissé un pourboire de 500 $». Ou cette soirée de Nouvel An, «un client a exigé, à minuit, que l’on s’arrête de travailler pour sabler avec lui le champagne». La vie privée de ces jeunes demoiselles qui rêvent encore du prince charmant devient difficile, faute de temps. «En général, précise Myrna, fiancée et fière de l’être, il doit faire le même métier pour pouvoir comprendre et accepter notre choix». Le fiancé de Myrna est lui-même serveur dans un restaurant proche. Myrna, Aline et les autres, en fonction ce soir, ont à peine le temps de dîner avant l’arrivée des premiers impatients. Bientôt l’été, «on va enfin pouvoir mettre des jupes !» au grand bonheur des clients, «ils l’ont souvent proposé», et des trois serveurs complices. Elles ont l’air heureuses, ces «garçons» qui ne le sont plus, donnant à l’air du temps une légèreté qu’on leur envierait presque. Carla HENOUD
Elles ont vingt ans à peine effleurés, des rêves plein la tête, un gentil minois, un sourire de rigueur et un métier autrefois exclusivement masculin dans notre société encore très orientale. Tous les jours, Aline, Myrna, Nada et les autres offrent leur bonne humeur et leurs services à des consommateurs venus siroter un thé, déguster une salade ou absorber un rayon de soleil à la...