La Tunisie, pays vinicole et producteur de fromages, cela se sait peu, et pourtant, qui a goûté un vieux Magon rouge dont les raisins ont mûri sous le chaud soleil tunisien, ne peut que s’en souvenir longtemps, surtout s’il accompagne un camembert de marque Le Calife. Nombre de touristes de passage en Tunisie passent à côté des vins car, si ceux-ci figurent sur les cartes des restaurants ayant une licence spéciale, on ne les trouve pas dans les rayonnages des magasins. Ils sont vendus comme en cachette, dans de petites remises dissimulées au fond des boutiques, où l’on va acheter sa bière ou son vin, sauf le vendredi, jour de prière en pays musulman. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas les colons qui ont importé la vigne en Tunisie : elle prospérait déjà dans ce pays depuis la plus haute Antiquité. La Tunisie produit entre 300 et 500 000 hectolitres annuellement, classés en trois catégories : AOC premier cru, AOC et consommation courante. Il s’agit de vins rouges, blancs et rosés dont le degré d’alcool est assez élevé (12). Les vins tunisiens sont généralement bons, mais pâtissent parfois d’une mauvaise conservation, en raison de la chaleur et de l’absence de caves pour l’entreposer et le laisser se bonifier. S’agissant des rouges, outre le vieux Magon – pour lequel 1994 fut une excellente année –, on peut citer le Haut-Mornag (dont on peut voir les vignes en bordure de la route menant de Tunis à Hammamet), tandis que dans les blancs, les Coteaux de Carthage secs et l’Ugni, léger et fruité, sont assez prisés. Apéritif et digestif À noter aussi quelques rosés (Tyna, Sidi Raïd, Koudia) et même un Gris de Tunisie. Pour le dessert ou l’apéritif, la Tunisie produit même son muscat de Kelibia, au cap Bon. Ce cap, situé à l’est de Tunis, concentre une grande partie des vignobles tunisiens qui, à 85 %, sont situés dans cette région. Les digestifs ne sont pas oubliés, loin s’en faut, avec en premier la célèbre Boukha, un alcool de figue, particulièrement prisé par les juifs tunisiens. La Thibarine est un alcool de datte très sucré, aromatisé avec différentes plantes, tandis que le Lagmi est à base de sève de palmier, vendu au sud du pays, dans les ruelles de Houmt-souk (île de Djerba), notamment. Servi dès qu’il est recueilli, il est particulièrement désaltérant, mais devient alcoolisé lorsqu’on l’a laissé fermenter. Question fromages, souvenir du Protectorat français oblige, la Tunisie a ses fromages aux appellations françaises, qu’il s’agisse du camembert, du brie, du gruyère, ou même du roquefort (appelé bleu de Numidie). Les Italiens étant encore nombreux à vivre en Tunisie, la Sicile n’étant qu’à 150 kilomètres des côtes tunisiennes, on y fabrique un très honnête mozzarella, qui peut être accompagné de gressins (tiges de pain croustillantes) vendus par des marchands ambulants dans les rues de Tunis. Parmi les fromages plus tunisiens, on peut citer le carré de Mateur (Nord-ouest de Tunis), un fromage de brebis dénommé barbarin, des fromages cuits dénommés Béjà ou Amilcar. Le printemps est, en Tunisie, la saison des fromages, les agneaux nés l’automne précédent sont sevrés, et les produits laitiers font leur apparition. Le fromage blanc est obtenu en ajoutant de la présure d’agneau au lait caillé, puis en chauffant celui-ci à feu doux jusqu’à consistance. On le laisse ensuite égoutter dans un panier jusqu’à ce qu’il prenne forme. Le liquide est récupéré, cuit avec du lait frais et il donnera la ricotta, qui fut introduite en Tunisie par les Italiens et que l’on nomme ici le gouta, un délicieux fromage blanc frais et léger.