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Actualités - CHRONOLOGIE

SPORT - Le « gohseki » aurait été introduit en Amérique par les Arméniens Quand les Turcs jouaient au base-ball

Dans le sud-est turc tout juste sorti de quinze ans de guérilla séparatiste kurde, la petite ville montagnarde de Sirnak vient de remettre au jour un très ancien sport local, le «gohseki», probable ancêtre du base-ball. Sous une neige qui rappelle qu’à 1 500 mètres d’altitude, le printemps est encore loin, deux équipes de sept joueurs chacune s’affrontent avec enthousiasme en un jeu presque oublié, dont le nom kurde signifie «frappe la balle», ressemblant étrangement à son cousin d’outre-Atlantique. À une extrémité du terrain, un lanceur jette une balle à un adversaire qui tente de la frapper en plein vol et l’expédier le plus loin possible, puis il s’élance vers l’autre bout de l’aire de jeu, espérant que la balle ne soit pas interceptée, puis lancée contre lui. «Les Américains disent que ce sport leur appartient, mais ce n’est absolument pas vrai !» affirme Mehmet Emin Kavur, 30 ans, capitaine de l’équipe «Ruisseaux», qui vient d’être dominée par celle des «Noyers». Celui-ci a une théorie expliquant l’implantation de ce sport aux États-Unis : «Les Arméniens qui habitaient dans la région ont sans doute emmené les règles avec eux quand ils sont partis», avance-t-il. Reste que la renaissance du «gohseki» a connu un succès immédiat, et que les règles sont immédiatement revenues à la mémoire de chacun. De Gaziantep à Agri «C’est mon père qui m’a enseigné la manière de jouer, qui la tenait de son père, qui lui-même l’avait appris de son père et de son grand-père, c’est donc bien que le “gohseki” vient de chez nous !» clame Necmettin Islek, le capitaine des «Noyers». Quand, en février, le directeur des sports de la province tombe par hasard sur ce qui semble être du base-ball, il découvre en effet que ceux qui connaissent le «gohseki» sans plus le pratiquer sont nombreux. «Ce jeu est connu de Gaziantep à Agri, de la frontière syrienne à la frontière arménienne, mais était tombé en désuétude depuis plusieurs décennies», raconte Abdulhamit Kanagi, très fier de sa découverte. «J’ai immédiatement pensé que l’on pouvait faire de ce jeu un sport national, permettant de faire connaître la province de Sirnak sous un meilleur jour que pour son sombre passé : pour son base-ball», explique-t-il. En février, il lance un appel à constituer des équipes dans la région, et le premier tournoi de «gohseki», regroupant 16 équipes, a lieu le mois suivant – il se terminera le 27 mars. Dans cette province à la géographie ingrate, connue pour la violence des actions de la guérilla séparatiste kurde et de la répression du mouvement par l’armée turque, l’événement semble une aubaine, tant pour le directeur des sports qui se sentait ici comme «banni» que pour les joueurs. Sirnak est, en effet, la seule province du pays à ne posséder aucune salle de sport, aucune équipe de foot ou de basket, sports les plus populaires de Turquie, et où toute activité pastorale ou agricole avait disparu au nom du maintien de l’ordre. Cette inactivité se traduit même dans les performances du «gohseki» retrouvé : «À l’époque, nos aïeux lançaient la balle beaucoup plus loin, ils étaient beaucoup plus forts que nous car, eux, ils promenaient le bétail, trayaient les bêtes, mangeaient du fromage et avaient des avant-bras gros comme ça», dit Mehmet, 18 ans. Pour gérer ce succès fulgurant, Abdulhamit Kanagi a inspiré la création d’une fédération turque de base-ball, le 6 mars dernier, et tenté de définir des règles précises pour une activité que l’on pratiquait à ses heures perdues, sans contrainte aucune. «La balle était faite de crin noué autour d’une pierre à l’époque, par des femmes, il nous faut trouver une façon de recréer une balle digne de ce nom», conclut Ismet Tatar, du comité d’organisation du premier tournoi de «gohseki» de Sirnak.
Dans le sud-est turc tout juste sorti de quinze ans de guérilla séparatiste kurde, la petite ville montagnarde de Sirnak vient de remettre au jour un très ancien sport local, le «gohseki», probable ancêtre du base-ball. Sous une neige qui rappelle qu’à 1 500 mètres d’altitude, le printemps est encore loin, deux équipes de sept joueurs chacune s’affrontent avec enthousiasme en un...