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Actualités - INTERVIEWS

Interview - L’ambassadeur Richard Murphy à « L’Orient-Le Jour » « Il y a des conditions pour la normalisation, elles doivent être négociées »

Face à l’escalade continue de la violence et l’enlisement du processus de paix au Proche-Orient, l’initiative de l’émir Abdallah de règlement du conflit israélo-palestinien apparaît plus que jamais comme un enjeu essentiel du prochain sommet arabe fin mars à Beyrouth. Cette initiative qui, d’emblée, a été favorablement accueillie par les pays de l’UE, suscite également l’intérêt grandissant de l’Administration américaine. L’ambassadeur Richard Murphy, qui a été en poste en Syrie et en Arabie saoudite, connaît parfaitement la région du Moyen-Orient. Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour, il livre ses impressions. Q. : Le Proche-Orient se trouve aujourd’hui dans une phase extrêmement dangereuse. D’une part des Palestiniens qui n’ont «plus rien à perdre», de l’autre des Israéliens qui ont «tout à perdre». Existe-t-il une stratégie pour la paix ? R. : Le mot stratégie est probablement trop lourd à utiliser dans la situation actuelle. Je pense que l’initiative saoudienne est un encouragement palpable dans une situation difficile. Elle apporte une lueur d’espoir dans un tableau sombre, car elle offre aux Israéliens tout ce qu’ils ont voulu depuis l’indépendance, jusqu’à ce que certains en Israël soient devenus ambitieux au point de vouloir garder les gains territoriaux accumulés pendant la guerre des six jours. Moshé Dayan, lui-même, en tant que ministre de la Défense à cette époque, avait considéré les territoires arabes conquis comme une monnaie d’échange pour la paix. Le prince Abdallah a parlé de normalisation en échange d’un retrait d’Israël de tous les territoires arabes occupés en 1967. Les Saoudiens n’ont pas de plan, du moins nous n’avons pas vu encore ce plan, ni comment ils comptent procéder. Mais ils ont rappelé à la région – la cible la plus importante – et aussi au monde que la question de la terre contre la paix est critique. Et le résultat final sera la normalisation. Le mot “normalisation” est chargé de sens en anglais et il l’est aussi dans le vocabulaire politique des Arabes. Il y a des conditions pour la normalisation et elles doivent être négociées. Ces négociations doivent se faire entre Israéliens, Palestiniens, Syriens et Libanais. Mais entendre l’Arabie saoudite exprimer le concept de normalisation est, à mes yeux, un développement très encourageant. Cette initiative ne va pas transformer magiquement, du jour au lendemain, un conflit amer et brutal, mais elle devrait rappeler à toutes les parties que ce qui peut être réalisé est dans l’intérêt de tous à long terme: le retour à une vie normale pour les peuples de la région, une acceptation de chacun des États de la région, y compris l’établissement d’un État palestinien. Q. : L’idée de la normalisation des relations entre Israël et la Syrie sera-t-elle acceptée par les Syriens ? R. : Préférant attendre le temps qu’il faut, l’ex-président syrien Hafez el-Assad a toujours affirmé qu’il ne se souciait pas du temps et des étapes que cela allait prendre, tant qu’il sait que le résultat final est le retour de tous les territoires arabes occupés. Il a parlé, en 1981, de la “paix des braves”, et a toujours maintenu sa position. Je pense que son fils, le président Bachar el-Assad, est engagé dans cette voie pour réaliser l’objectif de son père au sujet du Golan. Il ne voit pas de contradiction entre cette position et les ambitions de la Syrie pour le retour à une vie normale, tant qu’il n’aura pas obtenu le retour de la terre perdue en 1967. Q. : Mais qu’en est-il du droit au retour des réfugiés palestiniens, un des objectifs de la position syrienne ? R. : Tout ce que je sais est ce que j’ai lu dans la presse cette semaine, qui souligne que le président Bachar el-Assad s’est déclaré satisfait de la position saoudienne. Et nous sommes tous informés de l’orientation du débat concernant la situation des réfugiés qui était débattue lors des négociations entre Israéliens et Palestiniens à Taba. Q. : Lors de sa visite à Washington, le président égyptien Moubarak a demandé aux Américains une plus grande implication au Moyen-Orient. Depuis son arrivée au pouvoir, le président Bush semble jouer un rôle mineur. Est-ce une erreur ? Les États-Unis devraient-ils montrer un engagement plus musclé pour trouver une solution ? R. : Je pense que l’engagement américain est critique. Cette année a été terrible en terme de pertes humaines et de perte de confiance entre les Palestiniens et Israéliens. Mais comme dit la vieille expression, “On ne peut pas faire des miracles”. Aussi, les plans Tenet et Mitchell n’ont pas résolu le problème. J’espère que l’initiative du prince Abdallah constituera ce miracle qui incitera les Américains à s’engager davantage pour réaliser la paix. Ce n’est certes pas une tâche aisée. Pour l’instant, il est difficile de voir quelle direction pourrait prendre un plus grand engagement américain. Q. : Quelles sont les concessions les plus critiques qui devraient être prises pour permettre d’éventuels compromis ? R. : Toute la question est là. Les compromis ou ajustements qui doivent être faits sur ce qu’on appelle le statut final des territoires sont là : colonies de peuplement, réfugiés, sécurité, question de l’eau et Jérusalem. Il n’y a rien de nouveau dans ce domaine. Q. : Ariel Sharon serait-il prêt à approuver ces concessions ? R. : Pour le moment, non. Il perdrait sa coalition. Je ne pense pas que M. Sharon admette que les Arabes soient sérieux au sujet de la paix. Q. : Quel rôle les Nations unies pourraient-elles jouer ? R. : Il y a de la place pour toute partie désireuse de contribuer à la paix. L’Union européenne a montré un grand intérêt. M. Javier Solana a déjà manifesté une volonté de jouer un rôle. Il est certain que le secrétaire général des Nations unies bénéficie d’un grand respect personnel, mais en tant qu’institution, l’Onu ne jouit pas de la confiance d’Israël. Propos recueillis à New York par Sylviane ZEHIL
Face à l’escalade continue de la violence et l’enlisement du processus de paix au Proche-Orient, l’initiative de l’émir Abdallah de règlement du conflit israélo-palestinien apparaît plus que jamais comme un enjeu essentiel du prochain sommet arabe fin mars à Beyrouth. Cette initiative qui, d’emblée, a été favorablement accueillie par les pays de l’UE, suscite également l’intérêt grandissant de l’Administration américaine. L’ambassadeur Richard Murphy, qui a été en poste en Syrie et en Arabie saoudite, connaît parfaitement la région du Moyen-Orient. Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour, il livre ses impressions. Q. : Le Proche-Orient se trouve aujourd’hui dans une phase extrêmement dangereuse. D’une part des Palestiniens qui n’ont «plus rien à perdre», de l’autre des Israéliens...