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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Les taux d’intérêt élevés découragent l’investissement et accroissent la dette L’économiste Élie Yachoui dresse un bilan négatif de l’ère Hariri

«Les gouvernements Hariri ont toujours été bons dans les slogans, mais, jusque-là, ils ont été défaillants dans leurs réalisations». Élie Yachoui établit un bilan assez négatif de la politique économique appliquée au Liban depuis les années 90 en mettant surtout l’accent sur les erreurs commises durant la décennie haririenne. Voilà bientôt plus de cinq ans que cet économiste prêche lors de conférences, sur les ondes des médias et dans les colonnes de la presse ses théories de relance de l’économie libanaise. Les gens au pouvoir lui ont accordé peu de crédit et pour cause : il fut et continue d’être un fervent opposant à la politique économique et monétaire qui a été appliquée depuis la fin de la guerre civile. Parmi les reproches qu’il adresse au Premier ministre, c’est principalement d’avoir échoué dans sa reconstruction de l’économie libanaise. Ayant été appelé au pouvoir avec pour mission de ramener la stabilité monétaire et de reconstruire le pays, le Premier ministre Rafic Hariri a préféré adopter un moyen à effet rapide, souligne l’économiste. Sa stratégie consiste à attirer les épargnants par le biais de taux d’intérêt élevés qui ont fini par décourager l’investissement et accroître l’endettement. «Au lendemain d’un long conflit interne, le Liban avait des résultats financiers nettement meilleurs que les résultats d’aujourd’hui», estime M. Yachoui. Après 12 années de paix civile, la dette publique totale a atteint les 30 milliards de dollars (contre 2,5 milliards au début de 1990) et le ratio de la dette sur le PIB est estimé à 175 % (alors qu’il était de l’ordre de 70 % à l’époque), poursuit l’économiste. Élie Yachoui pointe un doigt accusateur sur la politique des taux d’intérêt exagérés appliquée par M. Hariri. «Il s’agit d’un moyen à court terme qui consiste à récompenser fortement tous ceux qui demandent la monnaie nationale en leur payant des taux d’intérêt élevés. Bref, une façon d’attirer les épargnants libanais par l’argent facile et non pas au moyen de la confiance», déplore cet économiste antiharirien. Ainsi se présente «l’effet boule de neige», explique M. Yachoui : déficit causé par un taux d’intérêt élevé dans le secteur privé et accroissement du service de la dette publique, surendettement du secteur public en raison du financement des projets d’infrastructure, endettement supplémentaire, nouveau service de la dette qui vient s’ajouter au principal de cette dette. «C’est ce qu’on appelle l’effet cumulatif que l’on a très bien observé depuis quelque temps», dit-il. Outre le slogan de la stabilité monétaire qu’il était censé rétablir, l’arrivée de Hariri était marquée par un autre grand slogan, celui de la reconstruction. Or, par reconstruction, il fallait comprendre la réédification de l’économie nationale par des moyens à long terme, à savoir «une politique de longue haleine que Hariri n’a pas su adopter». «Comment opérer cette relance économique sinon au moyen de projets spécialisés, qui favoriseraient une meilleure production, notamment par l’aménagement de zones industrielles modernes, par la réalisation de grands projets d’irrigation, par la sauvegarde de l’environnement surtout que le Liban a un cachet touristique très accentué, et enfin grâce à la propagation de la formation technique et professionnelle, en formant une main-d’œuvre de cadres compétitifs et performants. C’est ainsi que l’on réédifie une économie ravagée par 20 années de guerre». Le mauvais timing de la TVA Les solutions apportées par le gouvernement au problème du déficit par le biais de l’augmentation de la charge fiscale sont-elles appropriées ? Elie Yachoui rappelle qu’entre 1999 et 2002, la charge fiscale s’est accrue de 50 % sur le contribuable entre impôt direct et indirect. Pour cet économiste, les recettes fiscales ne peuvent en aucun cas être un moyen de réduire le déficit lorsque l’économie est en difficulté. «Les charges fiscales peuvent être un moyen au cas où l’économie enregistre une croissance. Mais il est inadmissible qu’un gouvernement puisse recourir aux charges fiscales en période de récession économique, car celle-ci ira en s’amplifiant, du fait des répercussions négatives sur l’état de la demande et, par voie de conséquence, sur le revenu», affirme Élie Yachoui. C’est dans cet ordre-là que s’inscrit son opposition, non pas au principe de la TVA dans l’absolu, mais contre son timing. «On ne peut pas être contre un impôt moderne et non cumulatif tel que la TVA. Mais l’on est en droit de se poser la question de savoir si la nouvelle imposition, qui touche riches et pauvres de la même manière, a été prise au bon moment», s’interroge l’économiste. Car depuis 1999, dit-il, l’économie libanaise n’est certainement pas en train de croître. Sachant que la croissance requiert une augmentation de la demande, peut-on encore espérer une augmentation de la demande après cette nouvelle taxation ? Ce qui n’est pas non plus justifié dans l’application de cette taxe, c’est le taux unique adopté. En Europe par exemple, on différencie entre les produits et les catégories sociales qui consomment ces produits. Les produits de luxe vont être soumis à une TVA élevée de 10 % par exemple, les produits courants de 5 %, et les produits de première nécessité de 3 %, 2 % ou zéro. «Pour rendre une taxe plus juste, il faut l’individualiser», poursuit M. Yachoui. Et pourtant, la valse des slogans se poursuit. «Faire baisser les prix», tel est le grand titre de la dernière campagne haririenne sur l’abolition des agences exclusives, affirme M. Yachoui. Toutefois, dit-il, ce projet avait également un autre objectif, «celui d’apaiser le mécontentement populaire à la suite de l’adoption de la TVA». «Une absurdité», s’exclame l’économiste qui affirme que le monopole n’est certainement pas celui de la marque, mais plutôt celui du produit. Quand on a un certain nombre de marques pour le même produit on ne peut plus parler de monopole, dit-il. «Or, le vrai monopole est celui constitué par les deux grands géants de la téléphonie mobile dans une petite économie comme la nôtre. S’il veulent (le gouvernement) vraiment réduire les prix, qu’ils essayent d’abord de contrecarrer ce type de monopole». Le droit élémentaire du consommateur est de se procurer des produits valables non avariés, des produits de qualité, même quand le produit est à bas prix, commente l’économiste. Élie Yachoui craint enfin l’avènement de grands capitaux qui viendraient s’implanter à Beyrouth, surtout au centre-ville pour ramener des actions dans Solidere. Ils adopteraient des stratégies de pénétration pour enfin régner sur le marché après quelques années. «N’ai- je pas le droit d’imaginer un tel scénario ?» dit-il. Jeanine JALKH
«Les gouvernements Hariri ont toujours été bons dans les slogans, mais, jusque-là, ils ont été défaillants dans leurs réalisations». Élie Yachoui établit un bilan assez négatif de la politique économique appliquée au Liban depuis les années 90 en mettant surtout l’accent sur les erreurs commises durant la décennie haririenne. Voilà bientôt plus de cinq ans que cet économiste prêche lors de conférences, sur les ondes des médias et dans les colonnes de la presse ses théories de relance de l’économie libanaise. Les gens au pouvoir lui ont accordé peu de crédit et pour cause : il fut et continue d’être un fervent opposant à la politique économique et monétaire qui a été appliquée depuis la fin de la guerre civile. Parmi les reproches qu’il adresse au Premier ministre, c’est principalement d’avoir...