Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

ÉCONOMIE - Les assurances de Hariri contestées par des professionnels L’opinion publique ballottée entre confiance et scepticisme

La livre ne risque rien. La Banque centrale se porte bien. Les établissements privés de même. La croissance redémarre. Le président du Conseil, M. Rafic Hariri, s’est montré très catégorique dans ses assurances télévisées. Mais l’opinion publique reste perplexe. Car elle entend, du côté des spécialistes, un son de cloche tout à fait différent, bien plus morose et alarmant. Et elle aurait tendance à leur prêter plus de crédit qu’aux hommes politiques, loyalistes ou opposants, dont les prises de position ne sont généralement pas dénuées de parti pris intéressé. Cependant, force est de laisser au gouvernement le bénéfice du doute. Quitte à l’attendre au tournant des résultats concrets. En d’autres termes, les Libanais ne seraient rassurés pour de bon qu’une fois le pays clairement sorti du pétrin. C’est-à-dire lorsque la dette publique se trouvera allégée de fait. Par le biais notamment de privatisations réussies comme par un moratoire assorti d’aides étrangères et d’un afflux de capitaux. La réactivation de l’économie de production se trouvant alors marquée par un taux de croissance notable comme par un bond en avant du tourisme. Un essor qui ne peut prendre corps sans un regain de confiance. Ce qui nécessite, avant tout, une coopération resserrée des pôles du pouvoir, principalement au sujet du dossier économique. Et, par voie de conséquence directe, un arrêt définitif des zizanies, des luttes d’influence. Si le traitement proclamé portait des fruits palpables dans les mois à venir, M. Hariri aurait prouvé qu’il a raison contre ses détracteurs. Qu’effectivement les appréhensions, les rumeurs qui minent le moral de la population sont infondées, comme il le soutient aujourd’hui. Dans le cas contraire, il est évident que le président du Conseil perdrait la confiance des gens. Les loyalistes pour leur part affirment que ce test de crédibilité a déjà été passé avec succès. Ils rappellent en effet que cela fait des mois, voire des années, que les mauvais augures autochtones ou étrangers, les oiseaux de malheur, les propagateurs de rumeurs, annoncent l’effondrement total. Et qu’à chaque fois, M. Hariri leur oppose des dénégations que le cours des jours, et des changes, confirme. Il a du reste lui-même souligné, dans son intervention télévisée, que lors de son premier exercice de six ans, puis maintenant depuis un an et demi, il n’a cessé d’être confronté à une désinformation qu’il devait démentir. Ajoutant que sa longue expérience dans le domaine des relations avec les Libanais lui a appris à ne jamais avancer que ce dont il est absolument certain, sans faux-fuyants. Il garde foi, a-t-il précisé, dans la confiance qui lui est populairement dévolue. Et il a juré ses grands dieux que la livre est solide, les rumeurs à ce sujet n’ayant pour but, à son avis, que de nuire au pays. En tout cas, comme le veut l’adage, qui vivra verra. En principe, c’est dans le courant de cette même année que la vision devra se clarifier dans le domaine économique et financier. Autrement dit, les Libanais jugeront aux actes et à leurs résultats, sans trop s’arrêter aux promesses. Car malgré le préjugé favorable dont bénéficie sans doute M. Hariri, la pression est actuellement trop forte, le marasme trop marqué pour que la population ne soit pas tentée de jouer les saint Thomas. D’autant que les engagements pris par le président du Conseil lors de son retour au pouvoir ne se sont pas traduits par des percées réelles. Il avait déclaré en octobre de l’an 2000 que l’on allait redresser la barre sans tarder, par l’obtention d’aides et de prêts privilégiés destinés à alléger l’endettement public. Son gouvernement avait de fait pris rapidement des mesures comme le ciel ouvert, la modification du code des douanes, la loi sur l’appropriation des étrangers, la baisse des taxes agricoles ou industrielles, pour en arriver à la TVA. Sur le papier, le déficit budgétaire s’est trouvé réduit par des dispositions de compression des dépenses. Mais la dette publique, dont le service (paiement des intérêts) ruine le Trésor, s’est encore alourdie ces dix-huit derniers mois. Et la conférence de Paris II, à laquelle M. Hariri lie tant d’espérances, ne semble pas assurée de se tenir. Les privatisations font également l’objet de questionnements et d’incertitudes. La malaise persiste donc. Et l’intervention télévisée même du président Hariri y contribue. Car ses assurances économiques se sont doublées d’une sortie politique agressive qui a suscité des remous certains. Ce qui ne va pas du tout dans le sens de la consolidation d’un climat stable, propice à la reprise. On sait en effet que le chef du gouvernement a cru devoir accuser des parties, en majorité chrétiennes à l’en croire, qui annoncent l’écroulement économique, affirment que le redressement est lié à la conclusion d’un accord politique et poussent les jeunes à s’expatrier. Il a ajouté que le pays ne peut se fonder que sur l’égalité entre musulmans et chrétiens, appelant à une participation réelle, pour conclure que celui qui démolit ne peut pas prétendre à une part du pouvoir. L’opposition a réagi vivement, en refusant de se voir taxée de négativisme destructeur et en soulignant que la crise frappe tous les Libanais. Que de son côté M. Hariri invite à coopérer comme un seul homme avec le pouvoir, pour faire face aux défis que lui seul ne peut relever. Le président du Conseil a de même répondu aux opposants qu’il n’avait pas voulu attaquer une frange déterminée, à savoir les chrétiens, et qu’il a été mal compris. Car son but était de mettre en garde contre les campagnes orchestrées de temps à autre pour stimuler l’émigration libanaise en général et chrétienne en particulier. En bonne logique cependant, pour faire face aux épreuves communes, il faut une solide solidarité nationale. Ce qui implique la réalisation d’une entente politique permettant à tous de participer à l’élaboration, à la prise des décisions. À travers un dialogue permanent actif. Sans compter, soulignent des pôles indépendants, que la critique constructive est nécessaire. Et qu’il faut savoir l’accepter quand on est au pouvoir, pour ne pas persister dans l’erreur. Émile KHOURY
La livre ne risque rien. La Banque centrale se porte bien. Les établissements privés de même. La croissance redémarre. Le président du Conseil, M. Rafic Hariri, s’est montré très catégorique dans ses assurances télévisées. Mais l’opinion publique reste perplexe. Car elle entend, du côté des spécialistes, un son de cloche tout à fait différent, bien plus morose et alarmant. Et elle aurait tendance à leur prêter plus de crédit qu’aux hommes politiques, loyalistes ou opposants, dont les prises de position ne sont généralement pas dénuées de parti pris intéressé. Cependant, force est de laisser au gouvernement le bénéfice du doute. Quitte à l’attendre au tournant des résultats concrets. En d’autres termes, les Libanais ne seraient rassurés pour de bon qu’une fois le pays clairement sorti du pétrin....