Actualités - CHRONOLOGIE
SOCIÉTÉ - Pour 7,5 dollars par mois, les parents peuvent voir leurs petits même sur l’écran de leur portable Surveiller sur l’Internet son enfant à la crèche
le 06 mars 2002 à 00h00
«Mesdames, vous parlez trop fort», chuchote une puéricultrice à des femmes déguisées en serveuses de cantine, petit tablier blanc noué autour de la taille et masque chirurgical sur le visage, qui épient un groupe d’enfants tout occupés à jouer. Ce sont les mamans des petits habitués d’une crèche publique du centre de Tokyo, qui permet certains jours aux parents de passer toute la matinée à observer secrètement les activités de leurs enfants : les jeux, les repas, la sieste. Certaines mamans finissent par dévoiler leur identité, tandis qu’un père, qui n’était pas informé de ces journées portes ouvertes, s’exclame éberlué : «Comment se fait-il que j’aie été accueilli ce matin par toutes ces femmes de service ?». Ces séances d’observation ne devraient bientôt plus avoir cours, avec l’usage de plus en plus répandu de caméras numériques installées dans les crèches, permettant aux parents de garder un œil sur ce que font enfants et puéricultrices, par l’Internet. Difficile de s’arrêter Le ministère japonais de l’Éducation, de la Culture et des Sports a ouvert en octobre dernier une crèche principalement destinée aux enfants du personnel et a dépensé plus de deux millions de yens (15 000 dollars) pour installer un système de surveillance entré en ligne en novembre. Pour 1 000 yens par mois (7,5 dollars), les parents peuvent voir en temps réel des images animées de leurs petits, sur l’écran de leur ordinateur ou celui de leur téléphone cellulaire. «À un moment, mon fils vacillait en haut d’un toboggan, que s’est-il passé après ?... J’ai dû changer d’écran parce que mon patron s’approchait», a demandé une mère en venant chercher son enfant, raconte une des puéricultrices, Harue Shimoda. «Je me sens soulagée quand je vois qu’il va bien, même s’il était grognon le matin», se félicite Yuko Nagano au sujet de son fils d’un an, Shogo. Mais cette fonctionnaire du ministère est à présent devant un dilemme : «J’essaye de ne pas regarder car une fois qu’on a commencé, c’est difficile de s’arrêter», avoue-t-elle. Même si elle assure faire confiance aux puéricultrices, Mme Nagano trouve néanmoins «rassurant de pouvoir se dire que les enfants ne seront pas brutalisés». Les services de surveillance vidéo ont fait leur apparition au Japon en 2000, année où il fut découvert que des enfants avaient souffert de mauvais traitements derrière les portes closes d’une crèche de la région de Tokyo. En juin 2000, la directrice de la crèche «Smile Mom» (la maman au sourire), ouverte 24 heures sur 24 heures, avait été arrêtée pour homicide après la mort d’un petit garçon de deux ans souffrant d’une fracture du crâne. Cet établissement avait connu un taux d’« accidents» anormalement élevé dans l’année qui a suivi son ouverture en février 1999. Un garçon d’un an était mort en février 2000 d’une hémorragie cérébrale. Des critiques L’installation de caméras ne fait pour autant pas l’unanimité. «Je doute que cela soit une bonne chose pour les enfants et les parents», déclare Kazuko Imai, spécialiste de l’éducation enfantine à l’Université Tokyo Seitoku. «Les puéricultrices elles-mêmes ont constamment conscience d’être surveillées... je me demande combien d’entre elles se sentent le courage de gronder un enfant lorsque cela est nécessaire, au risque de déplaire aux parents», s’interroge-t-elle. De plus, les «parents ne vont remarquer que des choses immédiatement perceptibles telles que “mon enfant est encore en train de jouer seul” alors que se produit une multitude d’échanges entre enfants et puéricultrices par le regard ou d’autres phénomènes invisibles». La concurrence est vive dans le secteur de la garde d’enfants au Japon. Avec l’avancée de compagnies privées sur ce marché, certaines crèches proposent des programmes d’éducation précoce, tels que des cours d’anglais, ou un service 24 heures sur 24 heures. La demande dépasse néanmoins toujours l’offre : en date du 1er avril 2001, 21 031 enfants n’avaient pu entrer dans une crèche publique ou privée, selon le ministère de la Santé.
«Mesdames, vous parlez trop fort», chuchote une puéricultrice à des femmes déguisées en serveuses de cantine, petit tablier blanc noué autour de la taille et masque chirurgical sur le visage, qui épient un groupe d’enfants tout occupés à jouer. Ce sont les mamans des petits habitués d’une crèche publique du centre de Tokyo, qui permet certains jours aux parents de passer toute la...
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