Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

PORTRAIT - Un fanatique de l’art au patrimoine impressionnant Richard Chahine, l’homme – institution(PHOTOS)

Antiquaire, galeriste, chercheur, collectionneur, découvreur de talents, mécène, auteur, éditeur, humaniste, amoureux de l’art, de son pays et de son patrimoine, Richard Chahine est tout cela, entre autres. Parce que l’homme ne se raconte pas, ne s’étale pas, ne parle que quand on s’adresse à lui. Par contre, comme une fourmi laborieuse, il travaille calmement, discrètement et son patrimoine est impressionnant. À 75 ans, il passe encore de longues heures devant son ordinateur à chercher, répertorier, classer et archiver. Plus d’un jeune lui envierait sa capacité de travail, son enthousiasme devant la belle œuvre, sa volonté de mener à terme les projets qu’il caresse et concrétise un après l’autre. Au gré des finances … Evoquez les Chahine et on pense aussitôt musique. Fils de Abdallah Chahine nous étions, en effet, sept frères dans l’affaire paternelle. Mais nous étions trop nombreux et, personnellement, j’étais amoureux de l’art depuis le collège et je voulais absolument avoir ma petite galerie. «Elèves chez les jésuites, raconte Chahine, nous avions un frère infirmier, Louis Labry, amoureux de l’art. Il nous a fait découvrir une quantité de choses, mettant à notre disposition son savoir». Ainsi la passion de Richard Chahine s’était révélée, et sa décision prise. Il s’occuperait d’art. «Je crois à la providence et à l’art de se recycler», souligne-t-il. Et c’était parti. La toute petite galerie de 30 m2, avec de petits moyens au départ, a grandi doucement mais sûrement. Ici, l’antiquaire subventionne le galeriste qui fait de «l’art pour l’art». Le comportement de ses compatriotes le désole. «Les galeries font beaucoup d’effort pour promouvoir l’art au Liban, dit-il. Résultat ? Un Libanais seulement sur 10 000 s’intéresse aux expositions. C’est statistique, je ne parle pas en l’air. Pourtant, nous avons un nombre incroyable d’artistes, et des très bons, il suffit de les encourager, ne serait-ce qu’en nous intéressant à ce qu’ils font». Et Chahine est à l’affût des jeunes talents. C’est lui, par exemple, qui a découvert Mahmoud Zibaoui (il n’avait alors que 18 ans) et Raouf Rifaï, encouragé Georges Nadra (qu’il aidera à retrouver l’usage de la parole) et tant d’autres. Il prend la peine de regarder autour de lui pour découvrir le fils d’un ferblantier, dessinant devant l’échoppe de son père ; un étudiant doué mais sans moyens ; un autididacte qui s’essaye. Il les prend en charge et les lance. Il fixe surtout des prix abordables pour leurs œuvres. Une politique qui plaît et rend service aux uns comme aux autres. Les jeunes ne sont pas gourmands comme leurs ainés. D’ailleurs, il n’expose qu’eux pratiquement, ou presque. On imagine difficilement combien ce domaine tient au cœur de Richard Chahine. Quarante ans de métier et la passion toujours intacte. Son courage aussi. Il connaît le goût des Libanais. «Le pays supporte autant d’artistes qu’il y en a. C’est un pays de génies et il y a plus d’une possibilité d’exploiter ces ressources et de les promouvoir». L’édition d’ouvrages indispensables Éditeur, Chahine l’a été grâce à une rencontre avec Hélène de France, la fille du comte de Paris, avec laquelle il dînait un soir à l’ambassade du Liban à Bruxelles. «C’était pendant la guerre. Elle disait avoir beaucoup de mal à trouver une documentation pour une exposition sur l’art contemporain libanais qu’elle organisait, en collaboration avec des dames françaises et belges, au profit de la Croix-Rouge libanaise. L’idée de l’édition est venue de là». Il commence alors par la publication de Cent ans d’art au Liban, pour pallier un manque, une nécessité. Ce sont deux ouvrages qui répertorient les artistes peintres libanais de 1880 jusque dans les années 90. Dans ces deux ouvrages, 400 peintres sont répertoriés, dont 136 avec des illustrations. Pour cela, il lui aura fallu près de six ans de travail. La galère pour Chahine qui s’est adressé aux gens du métier comme à l’Association des artistes- peintres. qui lui «ont mis des bâtons dans les roues», avoue-t-il déçu. «J’ai alors pris mon bâton de pèlerin et rendu visite aux doyens des facultés et directeurs des écoles de peinture» Il a également effectué des recherches, fouiné ici ou là. Sa curiosité a été concluante. Puis, il y a cette série d’ouvrages sur les orientalistes et sur les sites libanais, très appréciée même à l’étranger. Dix volumes jusque-là, sans oublier les folios. «Ce ne sont pas des livres d’art, mais des références, insiste Chahine qui sait de quoi il parle. Je n’ai pas les moyens d’avoir des photos professionnelles pour mes illustrations». Et ce passionné d’art et de patrimoine n’ a pas 36 moyens pour les assurer. Alors, Il y a bien sûr le recours aux photographes amateurs , amoureux de la nature et des sites, comme lui. Mais le plus gros, 80% des photos, sont faites par lui au fil de ses périgrinations et de ses découvertes. Depuis des années qu’il sillonne le pays dans sa 4X4 ( achetée pour les besoins de la cause), caméra au poing. Comment fait-il pour s’en sortir financièrement? «Je compte sur mes souscripteurs». Des collections multiples Mais l’œuvre de sa vie demeure ce dictionnaire d’art illustré qui a nécessité de longues années de recherche et de travail et qui est toujours en chantier. Car l’internaute émérite qu’il est , «le plus vieux Libanais à utiliser l’ordinateur», dit-il fièrement (il passe facilement une dizaine d’heures par jour devant son écran), est également un rat de bibliothèque. Les années de guerre n’ont pas été inutiles. Bien au contraire. Au Liban et ailleurs, il a passé des journées entières dans ces grands temples du livre amassant autant d’informations qu’il pouvait. «Je peux éditer un livre par an. Tout est question de financement». C’est côté patrimoine que ce passionné d’art est devenu, si l’on peut dire, une véritable institution à lui seul avec une collection de près de 8 000 estampes, la plus importante au Moyen-Orient ; 6 000 diapositives, certaines rares, sur les sites allant du Caucase jusqu’au Maghreb; des centaines d’œuvres de divers peintres ; une collection de livres anciens et une quantité impressionnante d’ informations archivées sur ordinateur. Une richesse qu’il mettrait volontiers à la disposition d’une grande institution. L’Académie des sciences, à Paris, est déjà sur les rangs. On écouterait Chahine volontiers, des heures durant, sans s’ennuyer. Quarante ans, c’est un bail, surtout lorsqu’ils sont intensément vécus. Aujourd’hui, le vieux loup qui parle avec beaucoup de sérénité aspire à une année sabatique. Une année seulement. «Pour des raisons de santé tout simplement», dit-il en souriant. Maria CHAKHTOURA
Antiquaire, galeriste, chercheur, collectionneur, découvreur de talents, mécène, auteur, éditeur, humaniste, amoureux de l’art, de son pays et de son patrimoine, Richard Chahine est tout cela, entre autres. Parce que l’homme ne se raconte pas, ne s’étale pas, ne parle que quand on s’adresse à lui. Par contre, comme une fourmi laborieuse, il travaille calmement, discrètement et son patrimoine est impressionnant. À 75 ans, il passe encore de longues heures devant son ordinateur à chercher, répertorier, classer et archiver. Plus d’un jeune lui envierait sa capacité de travail, son enthousiasme devant la belle œuvre, sa volonté de mener à terme les projets qu’il caresse et concrétise un après l’autre. Au gré des finances … Evoquez les Chahine et on pense aussitôt musique. Fils de Abdallah Chahine nous...