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Actualités - CHRONOLOGIE

Colloque - Le Mouvement du renouveau démocratique lance le débat sur un sujet crucial pour le Liban Réflexions d’experts sur les privatisations

Taboue il y a quelques années, la privatisation est aujourd’hui largement admise par la population au Liban. Une raison à cela : le gouvernement la présente comme l’une des solutions pour sortir le pays de la crise et ne ménage donc pas ses efforts pour la promouvoir. Face à cet enthousiasme, le Mouvement du renouveau démocratique a souhaité prendre le temps de la réflexion à l’occasion d’un colloque organisé avec la collaboration de la fondation Jean Jaurès, émanant du Parti socialiste français. «Nous considérons la privatisation comme une des mesures nécessaires de la vaste entreprise de modernisation de l’économie publique et privée libanaise que nous appelons de nos vœux», a déclaré hier le président du Mouvement, Nassib Lahoud, lors de la séance inaugurale du colloque qui se poursuit aujourd’hui au centre Starco. Privatiser d’accord, mais quand, comment et pourquoi ? C’est à ces questions simples qui mettent en jeu des réponses complexes que les experts ont successivement tenté de répondre. Aux considérations macroéconomiques, les intervenants ont ajouté des considérations plus techniques liées aux mécanismes des privatisations. Tandis que le secrétaire général du conseil supérieur des privatisations, Ghazi Youssef, a énoncé le calendrier établi par le gouvernement pour cette année. Les deux licences du téléphone cellulaire devraient être mises en vente d’ici à cet été et la compagnie d’électricité du Liban d’ici à la fin de l’année, a-t-il expliqué. Deux intervenants français ont éclairé le débat libanais en évoquant l’exemple de l’expérience française en matière de privatisation. Invité d’honneur, le député Jacques Guyard a rappelé les principes de base qui doivent guider une privatisation réussie. Le président de la commission supérieure du service public, des postes et télécommunications a par exemple raconté l’histoire de Thomson que le précédent gouvernement voulait vendre en 1996 pour un franc symbolique au Coréen Daewoo, mais que le gouvernement actuel a finalement préféré recapitaliser pour lui donner le temps de se redresser. Résultat, Thomson a été placé en Bourse en 2000 avec un milliard d’euros de bénéfices pour l’État. Cette problématique reflète partiellement celle qui se pose aux pouvoirs publics libanais confrontés dans plusieurs cas à des entreprises déficitaires mal gérées. Électricité du Liban coûte 1,5 million de dollars par jour à l’État. Les pertes cumulées de la Middle East Airlines se comptent en centaines de millions de dollars, etc. Certains voudraient donc prendre le temps de restructurer ces entreprises avant de les transférer au privé. Mais une logique purement financière vient interférer avec la stratégie des privatisations en vue de l’accélérer, car les recettes attendues sont destinées à alléger le poids de la dette publique. Des chiffres sont mêmes avancés par le gouvernement (notamment pour convaincre les experts du FMI de la capacité du Liban à opérer un redressement financier et convaincre les bailleurs de fonds de l’y aider) alors que, de l’avis de tous, il est impossible de déterminer par avance le résultat financier des privatisations, car ces opérations dépendent des conditions du marché. L’amplitude de la variation des prix dans le secteur international des télécommunications en témoigne. Le secrétaire général de l’Association des banques, Makram Sader, a tenté de son côté d’atténuer les prévisions optimistes en matière de recettes en rappelant qu’en 2001, les transferts financiers nets effectués par les pays occidentaux vers l’extérieur ont totalisé 135 milliards de dollars. La part de l’Afrique et du Moyen-Orient (y compris la Turquie) n’a été que de sept milliards de dollars seulement. En faisant des privatisations la pierre d’angle du programme de redressement financier, le risque est grand de précipiter les opérations pour satisfaire un objectif purement financier au détriment d’autres objectifs sociaux, politiques, économiques... ont averti plusieurs intervenants. Le chef du MRD, Nassib Lahoud, a donc appelé à «ne pas faire de la privatisation une simple opération financière destinée à alléger la dette publique» et a souligné «la nécessité de faire précéder les privatisations d’une modernisation de l’appareil de l’État pour lui permettre de jouer son rôle de régulateur et de garant de la transparence et d’une concurrence libre et équitable». «Je ne soutiendrai aucun projet de privatisation, tant que je ne serai pas certain qu’il existe un programme sérieux de réforme politique et économique», a ainsi déclaré l’économiste Kamal Hamdan. «Je ne crois pas que les privatisations résoudront les problèmes financiers du pays tant que persisteront les déficits», a renchéri l’économiste Élie Yachoui. Et son confrère Marwan Scandar d’appeler le gouvernement à procéder d’abord aux économies budgétaires nécessaires avant de se lancer dans les privatisations. «Il y a 700 millions de dollars d’économies à réaliser dans l’immédiat», a-t-il déclaré. En effet, les recettes des privatisations risquent de s’évaporer en quelques mois si rien n’est fait par ailleurs pour enrayer la dynamique de la dette, alimentée par un service de la dette toujours croissant. Sibylle RIZK
Taboue il y a quelques années, la privatisation est aujourd’hui largement admise par la population au Liban. Une raison à cela : le gouvernement la présente comme l’une des solutions pour sortir le pays de la crise et ne ménage donc pas ses efforts pour la promouvoir. Face à cet enthousiasme, le Mouvement du renouveau démocratique a souhaité prendre le temps de la réflexion à...