Actualités - REPORTAGE
MODE Mode et démesure(PHOTOS)
Par GEBEYLI Claire, le 28 février 2002 à 00h00
Les défilés des collections de la haute-couture, en automne passé à Paris, ont confirmé une nouvelle tendance : la démesure. En juillet passé, au défilé de mode, l’accompagnement musical était assuré par l’orchestre de l’Opéra de Paris, Galliano ayant exigé que les mannequins défilent aux sons des violons et des violoncelles de l’ensemble instrumental de cette institution. Quelques jours auparavant, le créateur Hedi Sliman, responsable de la mode masculine chez Dior, avait exigé pour son défilé un mur recouvert d’une épaisse couche de laque rouge devant lequel il installa le podium. Le tout à l’École des beaux-arts, à Paris, sous 2 600 pendeloques en cristal commandées en Italie et collées une à une à la main au plafond (coût de l’opération 800 000 francs). Ces deux événements ne font qu’illustrer un nouveau paradoxe : les industries du luxe, en France, s’avouent consternées et très alarmées par la baisse flagrante de leur rentabilité. Le fait se reflète négativement sur leurs cours en Bourse. Or, les défilés des couturiers deviennent de véritables prototypes de démesure entraînant de fabuleuses dépenses. Bernard Arnaud, président du groupe financier LVMH, polytechnicien, posté à la tête de cette institution de financement dont dépend la maison Dior, ne semble pas s’opposer à la démarche : «Il est nettement plus intéressant, commenta-t-il, de présenter des idées neuves que des vêtements que chacun peut voir dans les magasins...». On comprend ainsi pourquoi les défilés de mode recherchent et tablent sur le choc, l’insolite, la surprise. Suivant cette logique, on perçoit mieux la raison de ces défilés à grand spectacle. La mobilisation de la presse et de l’opinion publique a un sérieux impact positif autant sur les ventes locales qu’à la diffusion de la mode française hors des frontières nationales et à l’exportation de ses produits. Des sommes importantes sont consacrées, à juste titre, à la promotion de ces présentations. L’essentiel de cette dépense concerne certes l’organisation de l’événement et la mobilisation de l’opinion publique autant en France qu’à l’étranger. Mais également la découverte de nouvelles méthodes de promotion et de nouvelles étoiles susceptibles d’attirer les acheteurs étrangers. D’où l’appel à des personnalités de la scène et de l’écran, ainsi que du monde politique, récemment, aux défilés comme stimulant de ventes et d’intérêt pour la griffe. Investissements et frais sont à la hauteur des prétentions et des projets de la maison mais également du prestige dont jouit le créateur où la maison de couture qui l’accueille. Vieille tradition de la mode française, les défilés des collections constituent un rituel qui se répercute positivement sur le plan touristique, économique et culturel... Il faut toutefois signaler que c’est surtout le secteur «mode femme» qui mobilise autant les divers secteurs. La mode masculine se veut sensiblement moins plus discrète. Quoique là aussi les principes marketing imposent de nouveaux rituels et des méthodes promotionnelles beaucoup plus dynamiques. Les budgets des ateliers La concurrence du prêt-à-porter mise à part, la nouvelle manière de vivre et surtout l’émergence internationale de nouveaux phares du chic et de la création obligent à une révision radicale des mœurs et des coutumes mais également du système de travail et d’organisation. La lire italienne en chute libre favorise les achats étrangers. Ce qui stimule la création et le design. Les Italiens deviennent donc des redoutables concurrents. De nouvelles griffes émergent et d’autres, comme Armani ou Versace, deviennent des affaires mondiales. Même Gucci, maroquinier de renom éclaboussé par une série de faits jurido-tragiques, réussit à remonter la pente avec aux commandes un duo de choc : l’avocat italien (de Calabre) Domenico de Sole et l’Américain Tom Ford. L’aura estompée des « grands » Le temps malheureusement ne travaille pas au profit de tous. Si les Italiens se sont mis à prospérer, les grands noms de la couture française s’effeuillent car les temps ne sont point faciles... Hubert de Givenchy a revendu son nom à LVMH et a quitté l’entreprise. Jean-Louis Scherrer a été licencié de sa propre maison qui périclitait dangereusement. Yves Saint-Laurent vient de mettre un point final à sa carrière de couturier. Karl Lagerfeld règne chez Chanel depuis plus de 30 ans et Dior flotte grâce aux revenus de ses licences sans réussir, malgré Galliano, la salvatrice remontée... Le directeur général de la mythique maison Dior, Sidney Toledano, avoue que, selon une étude récente auprès des consommateurs, des experts et des acheteurs, Dior aurait besoin d’un vrai créatif et non pas de stylistes ou d’une approche marketing élaborée. Gianfranco Ferré avait interprété les codes de Christian Dior, mais la maison avait besoin d’un vrai défi créateur (v. Le Figaro économie du 8 août 2001) conclut-il... Provocation ou démesure ? Selon un des responsables de LVMH (le président du département mode et maroquinerie), Yves Carcelle, «les défilés de plus en plus forts exarcerbent les tendances. Ils font que l’on se passionne pour la mode. Il faut savoir prendre des risques»... Il semble que les défilés fous donnent des idées aux équipes techniques qui les adoptent pour le prêt-à-porter ou les accessoires. Les résultats semblent justifier amplement cette démarche. Dior, en effet, a multiplié ses ventes par quatre et compte les doubler dans les quatre années à venir... Faut-il conclure par là que le choc, même sans chic, serait une enviable source de revenus ? Il est certain toutefois que Christian Dior ne cèderait pas à pareille tentation...
Les défilés des collections de la haute-couture, en automne passé à Paris, ont confirmé une nouvelle tendance : la démesure. En juillet passé, au défilé de mode, l’accompagnement musical était assuré par l’orchestre de l’Opéra de Paris, Galliano ayant exigé que les mannequins défilent aux sons des violons et des violoncelles de l’ensemble instrumental de cette institution. Quelques jours auparavant, le créateur Hedi Sliman, responsable de la mode masculine chez Dior, avait exigé pour son défilé un mur recouvert d’une épaisse couche de laque rouge devant lequel il installa le podium. Le tout à l’École des beaux-arts, à Paris, sous 2 600 pendeloques en cristal commandées en Italie et collées une à une à la main au plafond (coût de l’opération 800 000 francs). Ces deux événements ne font...