Actualités - ANALYSE
Blanchiment - La connaissance du client est la meilleure arme du banquier pour lutter contre le recyclage de l’argent sale L’opposabilité du secret bancaire toujours en vigueur
Par MOKBEL Liliane, le 28 février 2002 à 00h00
Tout versement en espèces de plus de dix mille dollars ou de son équivalent en d’autres devises au guichet d’un établissement de crédit ne signifie pas automatiquement que le client est suspecté de blanchiment de fonds. L’arme la plus efficace du banquier pour la lutte contre le recyclage d’argent sale demeure celle «de la connaissance de son client» (know your customer). Mais dans tous les cas de figures, la loi 318 du 20 avril 2001 sur le blanchiment de capitaux a accordé un statut privilégié aux employés de banque qui bénéficient d’une immunité dans le cadre de l’accomplissement de leur mission de contrôle des opérations bancaires. Ils ne peuvent pas être poursuivis en justice civilement ou pénalement par le client qu’ils ont mis en doute même si les résultats de l’enquête menée par la Commission d’enquête spéciale (CES) présidée par le gouverneur de la Banque centrale démontrent l’infondé de leur suspicion. Ils jouissent de la même immunité judiciaire que celle dont bénéficient les membres de la CES. Les dispositions de la législation du 20/4/2001 sont claires. Le rôle du banquier ne consiste pas à détecter et faire échouer les opérations de recyclage de l’argent sale. Il lui incombe de contrôler les opérations réalisées avec la clientèle afin d’éviter d’impliquer l’établissement de crédit dans des opérations susceptibles de dissimuler un recyclage d’argent sale. Le contrôle des opérations comporte au minimum les obligations suivantes : s’assurer de la véritable identité des clients permanents ou de passage de la banque ( donc de la nature de leur activité professionnelle) ainsi que de l’identité du titulaire du droit économique au cas où les opérations auraient lieu par l’intermédiaire de mandataires ou de sociétés ou à travers des comptes numérotés. Les obligations des banquiers énumérées d’une manière extensive par la loi entraîneraient leur responsabilité au cas où ils négligeraient de vérifier d’autres éléments non mentionnés dans le texte et qui sembleraient évidentes pour faire échouer une opération de recyclage d’argent sale. Seront punis d’une peine d’emprisonnement pour une période de deux mois à un an et d’une amende d’un montant maximum de dix millions de LL ou de l’une des dites sanctions, les employés de banque ayant manqué par négligence ou ignorance à leurs obligations de contrôler les opérations bancaires suspectes et d’en notifier les instances concernées. Il y a des indices irrévocables sur l’existence d’opérations de blanchiment d’argent, disent certains experts, quand il y a, à titre d’exemple, échange d’importantes quantités de petites pièces de monnaie contre des pièces plus grandes et l’utilisation d’un compte bancaire principalement pour le transfert de grandes sommes à partir ou vers l’étranger alors que l’activité professionnelle du client ne justifie pas des opérations d’une telle envergure. L’argent ne fait que transiter «L’établissement de crédit n’a aucun intérêt financier à couvrir l’opération de blanchiment d’argent. Les fonds recyclés transitent juste par le compte bancaire. Le commanditaire de l’opération exploite le réseau bancaire afin d’atteindre son objectif illicite», déclare Abbas Halabi, conseiller du PDG de la Bank of Beirut & the Arab Countries (BBAC) qui insiste par ailleurs sur le fait que les banques libanaises n’ont pas intérêt à introduire de l’argent sale dans le cycle financier. Le principe du secret bancaire derrière lequel pourrait se dissimuler les auteurs de recyclage d’argent sale n’est pas la seule entrave à une lutte antiblanchiment et n’est certainement pas la seule cause à l’existence de telles opérations. «Preuve en est, dit M.Halabi, le volume énorme de fonds recyclés aux Etats-Unis en comparaison avec celui blanchi en Suisse, un pays qui continue à appliquer avec plus ou moins de vigilance le secret bancaire. De toute façon, dans beaucoup de cas d’importantes opérations de blanchiment sont effectuées en dehors du système bancaire». Discrétion absolue Le secret bancaire en vigueur au Liban depuis 1956 persiste. La loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent n’a fait qu’ajouter une exception à la série restrictive de cas d’inopposabilité du principe. Il revient exclusivement à la Commission d’enquête spéciale de décider de la levée du secret bancaire sur les comptes suspectés d’être utilisés à des fins de blanchiment d’argent. Cette levée du secret bancaire n’est pas absolue. Elle est effectuée au profit uniquement des instances judiciaires compétentes et de la Haute commission bancaire. Conformément à la loi, les banques devront agir «en toute confidentialité» lors de la notification de la Commission d’enquête spéciale de l’existence de comptes douteux. Sur le plan pratique, rappelle-t-on, la CES après avoir procédé à des investigations relatives aux opérations suspectées de constituer des délits de blanchiment de capitaux prend une décision de geler le ou les comptes pour quelques jours afin de procéder à davantage de vérifications. Au terme desquelles, la CES adoptera une décision définitive de libéraliser le compte ou de le geler tout en levant le secret bancaire. Dans ce dernier ca, elle devra notifier le procureur général près la Cour de cassation de sa décision. Le blanchiment d’argent est un crime accessoire qui intervient à la suite d’un autre principal. Lequel représente l’origine illicite des fonds que d’aucuns souhaitent blanchir. Ces deux crimes sont indépendants. Et il est possible de poursuivre l’auteur du crime principal (à titre d’exemple le trafiquant d’armes ) sans celui qui a commis le crime accessoire. Aussi ne serait – il pas plus rationnel que les efforts de la communauté internationale se concentrent à priori sur la lutte contre le crime principal ? Les autorités du lieu où le recyclage des fonds est opéré ne sont – elles pas victimes d’opérations illicites commises dans des pays tiers. Liliane MOKBEL Inopposabilité du secret bancaire La loi n° 318 du 20 avril 2001 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux a permis la levée du secret bancaire dans un cas bien précis, celui des opérations de blanchiment de capitaux résultant de délits définis par la loi libanaise et énumérés dans l’article 1 de la dite loi. Il s’agit de la culture des plantes narcotiques, leur fabrication ou leur commercialisation; du crime organisé ; des actes de terrorisme ; du commerce illicite des armes; des délits de vol ou de détournement de fonds publics ou privés ou leur appropriation par des moyens frauduleux qui sont passibles conformément au droit libanais d’une peine criminelle et la contrefaçon de la monnaie ou de documents officiels.
Tout versement en espèces de plus de dix mille dollars ou de son équivalent en d’autres devises au guichet d’un établissement de crédit ne signifie pas automatiquement que le client est suspecté de blanchiment de fonds. L’arme la plus efficace du banquier pour la lutte contre le recyclage d’argent sale demeure celle «de la connaissance de son client» (know your customer). Mais dans...
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