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HISTOIRE - Quand un Libanais, Haïdar Chéhab, écrivait une Histoire de la Révolution française Les événements culturels et historiques du mois de février au Liban (PHOTO)
Par BOUSTANY Hareth, le 28 février 2002 à 00h00
Par Hareth BOUSTANY Nous avions consacré l’article précédent au mois de février dans les us et coutumes libanais. Les pratiques millénaires avaient généré des adages, des maximes et des proverbes qui régissent toujours, à quelques variantes près, notre vie quotidienne, même à l’aube trépidante de ce troisième millénaire*. En Orient mais aussi au Liban, les événements historiques et culturels ne sont pas peu nombreux. Citons parmi eux, en Orient, la mort le 6 février 743 du calife omeyyade Hicham ibn Abd el-Malek et le 9 février 720 la mort du calife Omar ibn Abd el-Aziz, cousin du précédent. Le 12 février 1920, le régime républicain fut instauré en Chine, ce qui en fit la plus ancienne république de tout l’Orient. Le 13 février 1021 disparut le calife fatimide al-Hakim bin Amr Illah, dans les confins du mont al-Moqattam, dans les faubourgs du Caire. Le 16 février 923 mourut le grand historien at-Tabary et le 23 février 715 s’éteignit le calife omeyyade Walid Ier, fils de Abd el-Malek. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Anglais occupèrent la ville de Benghazi le 6 février 1941, et le 15 du même mois 1942, ces derniers se retirèrent de Singapour. Le 5 février 1943, les Allemands subirent leur première grande défaite devant Stalingrad et Von Paulus se rendit au commandant russe Joukov. Le 12 du même mois et de la même année, la campagne de Rommel en Afrique fut stoppée et il dut battre en retraite. La ville de Manille tomba aux mains des Américains le 4 février 1945 et le 16 commença le bombardement de Tokyo. Au cours de ce même mois se tint la fameuse conférence de Yalta qui regroupa Staline, Churchill et Roosevelt. Au Liban, le mois de février a vu la disparition de plusieurs de ses grands hommes de lettres. Notons la mort, le 1er février 1994, de Fouad E. Boustany dont nous avions commémoré le souvenir dans les pages de ce journal le 31 janvier passé. Citons aussi la disparition, le 8 février 1961, d’un des plus grands poètes libanais, Chébli Mallat. Grand journaliste et grand homme de lettres, il a mérité à juste titre son surnom de «Poète des cèdres». Ses envolées poétiques et lyriques étaient empruntes de sagesse, de romantisme et de patriotisme. Fouad Hobeiche et « al-Makchouf » Le Liban a perdu aussi le même jour, en 1973, l’homme de lettres et journaliste cheikh Fouad Hobeiche, fondateur de la revue al-Makchouf et de la première maison d’édition à Beyrouth. On lui doit d’avoir ouvert les pages de sa revue à tous les jeunes talents libanais : poètes en herbe, critiques littéraires, écrivains et conteurs. Le grand peintre Moustapha Farroukh s’éteignit en février 1957, dans la fleur de l’âge. Il avait entamé ses études artistiques, à Beyrouth, à l’école de Habib Srour. Une fois sa formation terminée, il quitta le Liban pour aller à la rencontre des grands courants artistiques européens et américains. Il visita Rome, Paris, l’Espagne et New York avant de regagner son pays. Il fait partie de la deuxième génération des grands peintres du Liban et de l’Orient avec César Gemayel, Omar Ounsi et Saliba Doueyhi. Quatre grandes figures du paysage culturel libanais dont le souvenir est commémoré en février se détachent. Chacune d’elles, à sa manière, a fait évoluer la culture et l’humanisme dans notre pays et dans tout l’Orient arabe : Ibrahim al-Hawrany, Nassif el-Yazigi décédé à Beyrouth le 8 février 1871, l’émir Haïdar Chéhab, né le 20 février 1761, cheikh Abdallah el-Boustany mort le 16 février 1930. Ibrahim al-Hawrany, décédé le 2 février 1916 à Beyrouth, est né à Alep le 14 septembre 1844. En 1845, sa famille émigra à Homs où le petit Ibrahim reçut une éducation sommaire auprès des artisans des vieux souks, cordonniers et tisserands, qui dispensaient les rudiments de l’écriture et de la lecture à l’ombre des arbres poussant devant leurs échoppes. Par la suite, son père le fit admettre dans une école catholique où il brilla par son intelligence et son penchant pour les sciences et les mathématiques. En 1860, il se rendit à Damas où il rencontra le docteur Mikhaïl Méchaqa qui le recommanda au directeur de l’école de Abey. Là, il se lia très vite d’amitié avec les missionnaires protestants. Ils le prirent sous leur égide et après qu’il eut embrassé le protestantisme, ils lui confièrent la direction de l’enseignement dans leur école de Abey, ainsi que le prosélytisme, la direction de leurs éditions et celle de leur revue hebdomadaire. Il resta fidèle à son poste plus de trente ans. Il laissa à la postérité plus de vingt ouvrages originaux de poésie et de prose, en plus des traductions et des compilations. Le plus intéressant et le plus important de ses ouvrages fut, sans nul doute, sa réfutation de la théorie de Darwin sur l’origine des espèces que le docteur Chébli Chemayel entreprenait de faire connaître et admettre en Orient. La deuxième de ces grandes figures est cheikh Nassif el-Yazigi. Il naquit à Kfarchima le 25 mars 1800 dans une famille connue pour être très attachée aux traditions libanaises ancestrales et aux valeurs de la religion catholique. Il reçut une très solide éducation, surtout en littérature et en linguistique arabes. Il se faisait un point d’honneur de ne parler que l’arabe littéraire, mais il utilisait, par modestie et par courtoisie envers ses interlocuteurs, un langue juste et facile. Il avait horreur des prétentieux qui employaient, à dessein, des jargons ampoulés et éclectiques pour épater la galerie. Un jour qu’il recevait chez lui un de ces linguistes, il le laissa pérorer un certain temps avant d’appeler sa fille et de lui demander calmement de lui donner le dictionnaire, ce qui rabattit le caquet à son visiteur. Il imitait ses aïeux dans tous ses gestes de la vie quotidienne : la nourriture, la boisson et surtout dans ses habits. Il se présentait à ses élèves portant sur sa tête un grand turban noir et s’enveloppait dans une «abaya» jetée sur son caftan usé ; il se chaussait de babouches rouges. Pour écrire, il prenait la pose du scribe. Il s’accroupissait par terre, tenant dans une main appuyée sur son genou une feuille de papier et de l’autre la plume de jonc qu’il trempait dans un encrier en cuivre fiché dans sa ceinture. Pipe, cigarettes et café Il était aussi un grand fumeur de pipe et de cigarettes. Un de ses anciens élèves de l’École nationale de Boutros al-Boustany, le docteur Chaker el-Khoury, raconte dans ses mémoires, Majma’ al-Massarrat, que pendant les heures de cours, il lui confiait le soin de lui bourrer sa pipe, de l’allumer et de lui rouler ses cigarettes. Son addiction au tabac en faisait un grand buveur de café. Un jour qu’il recevait chez lui le moallem Ibrahim Sarkis, ce dernier lui fit amicalement remarquer que le café est très nocif. Il lui répondait malicieusement qu’il ne pourrait en être ainsi puisque lui en buvait. Il avait aussi horreur des prétentieux et des rimailleurs, qu’il pourfendait à souhait dans ses pamphlets. Le troisième personnage que les Libanais commémorent en février est l’émir Haïdar Chéhab, auteur d’une Histoire du Liban intitulée al-Ghorar al-hissane fi akhbar abna az-zamane. C’est l’histoire la plus vaste jamais écrite sur la période des Chéhab qui gouvernèrent le Liban de 1696 jusqu’en 1840. Mais sa relation s’arrête en 1835, année de sa mort. L’ouvrage se divise en trois parties. La première traite des événements historiques chronologiques survenus en Orient depuis l’Hégire jusqu’à l’avènement des Chéhab. Ce volume n’est pas original : c’est une compilation de plusieurs auteurs antérieurs ; on n’y relève aucune recherche personnelle. Les deux autres parties développent les notes personnelles de l’émir Haïdar et se basent sur les firmans, la correspondance entretenue entre les walis ottomans et les princes du Liban, les relations des historiens contemporains tels que le père Hanania el-Mounayyar, le père Raphaël Karameh, le père Constantin Traboulsi, moallem Nicolas at-Turk, moallem Youssef al-Aoura, le frère Antonios al-Aïntourini, Abd el-Rahman al-Jabarti et moallem Ibrahim al-Aoura. L’émir Haïdar Chéhab est le petit-fils du grand Haïdar Chéhab, gouverneur du Liban et vainqueur de la fameuse bataille de Aïn-Dara. Il est né le 21 février 1761 à Deir el-Qamar. Il reçut une éducation sérieuse, comme il sied à un prince, et il maniait l’épée aussi bien que la plume. N’ayant aucune ambition politique, il devint l’ami de tous les grands de la montagne. Il sillonnait la montagne libanaise, à la demande de l’émir Béchir, veillant à la bonne marche administrative de l’État ou réconciliant les cheikhs et les notables entre eux ou avec le prince gouverneur. Il s’était établi à Chemlane, où l’on peut voir encore les ruines de sa maison. Vers la fin de sa vie, il passait l’hiver au couvent de Qarqafé, où on lui avait construit une aile privée. Il avait aussi demandé qu’on l’y enterre. Tous ses contemporains louèrent son intégrité, son sens de la justice et son amour de la paix. Grand philanthrope, il passa sa vie au service de ses concitoyens, refusant à plusieurs reprises de prendre les rênes du pouvoir malgré les demandes insistantes des cheikhs et des princes de la montagne. Il fit aussi œuvre d’historien et de sociologue. Il dépassa les frontières de l’Orient et s’intéressa aux événements de l’Europe. Il écrivit une Histoire de la Révolution française ; il alla même jusqu’à publier intégralement le testament de Louis XVI. Il rapporta aussi les développements sociaux, les cataclysmes naturels, les épidémies et les événements naturels et climatiques marquants. Le mois de février a vu aussi la disparition du dernier grand linguiste et puriste de la langue arabe, cheikh Abdallah al-Boustany, auteur du Boustan (le jardin) et de Fakihat al-Boustani (le fruit du jardin). Les connaisseurs et les amoureux de la langue et de la littérature arabes savourent jusqu’aujourd’hui la fameuse polémique linguistique et littéraire qu’il entretint avec cheikh Abdel-Qader al-Maghrebi et le père Anastase al-Karmeli. Cheikh Abdallah al-Boustany naquit dans le village de Debbiyé, en 1854. Il reçut une éducation de haut niveau à l’École nationale de Boutros al-Boustany. L’un de ses éminents professeurs fut Nassif al-Yazigi. Ses camarades de classe étaient Ibrahim al-Yazigi et Soleiman al-Boustany, qui devint plus tard député de Beyrouth et membre du gouvernement ottoman. Une fois ses études terminées, Abdallah se tourna vers l’enseignement et l’écriture. Presque tous les intellectuels de la première moitié du XXe siècle furent ses élèves au Collège de La Sagesse. Il mourut le 16 février 1930 et fut enterré à Deir el-Qamar. * Voir «L’Orient-Le Jour» du jeudi 21 février 2002.
Par Hareth BOUSTANY Nous avions consacré l’article précédent au mois de février dans les us et coutumes libanais. Les pratiques millénaires avaient généré des adages, des maximes et des proverbes qui régissent toujours, à quelques variantes près, notre vie quotidienne, même à l’aube trépidante de ce troisième millénaire*. En Orient mais aussi au Liban, les événements...
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