La Terre sainte a été dimanche et lundi le théâtre de trois faits extraordinaires : trois femmes enceintes, deux Palestiniennes et une Israélienne, ont accouché après avoir été blessées par balles en Cisjordanie. Chacune d’elles a donné naissance à une fille. Blessée lundi par des tirs palestiniens, l’Israélienne Tamara Lifshitz, âgée de 33 ans, fait figure de miraculée. Selon des médecins israéliens, la balle qui l’a touchée a pénétré dans son utérus, mais ses organes vitaux, déplacés par la présence du bébé, n’ont pas été touchés, ce qui lui a sauvé la vie. Après cette blessure, Mme Lifshitz a mis au monde une petite fille qui sera nommée samedi soir, à l’issue du sabbat suivant sa naissance, comme le veut la tradition juive. Mme Lifshitz avait été atteinte par des tirs palestiniens à l’abdomen près de la colonie de Noqdim proche de Bethléem (sud de la Cisjordanie), alors qu’elle circulait en voiture. Son père Abraham, 65 ans, et un autre passager du véhicule ont été tués dans l’attaque palestinienne alors que sa fille de 5 ans, Karine, en est ressortie indemne. Résumant cette folle journée, Mme Lifshitz a déclaré à la radio publique israélienne : «Nous avons célébré son cinquième anniversaire hier (lundi) le jour de la naissance de ma fille et le jour de la mort de mon père». Chadiya Chehadeh, palestinienne de 27 ans, a été atteinte à la poitrine dimanche par des tirs israéliens à l’entrée de Naplouse (nord de la Cisjordanie), alors qu’elle se rendait à l’hôpital pour accoucher. Légèrement blessée, elle a tout de même pu donner naissance à une fille, Hiba. Au même endroit, et dans les mêmes circonstances, Maissoune al-Hayek, âgée de 21 ans, a été blessée lundi à l’épaule. Son époux Mohammed, qui la conduisait en voiture à l’hôpital de Naplouse, a lui été tué, mais elle aussi a pu mettre au monde une fille. Un « total irrespect de la vie humaine » Ron Dudaï, membre de l’association israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem, a vu dans ces deux incidents la preuve d’un «total irrespect de la vie humaine et des droits de l’homme de la part de l’armée israélienne». «Rien ne changera sur le terrain tant que le gouvernement et l’état-major laisseront ces actes impunis», a-t-il dit. Mais pour le capitaine Jacob Dallal, porte-parole de l’armée israélienne, les deux Palestiniennes ont été blessées accidentellement par des tirs israéliens à un barrage militaire, alors que l’Israélienne a été sciemment prise pour cible. «Il s’agissait d’accidents. Leur voiture ne s’est pas arrêtée quand les militaires en ont donné l’ordre. Nous avions été prévenus d’une attaque et les militaires étaient en alerte», dit le capitaine Dallal. Mme Lifshitz «a été sciemment prise pour cible, voilà la différence», dit le capitaine Dallal, «c’était un acte terroriste». Les familles palestiniennes ont, elles, une toute autre version des incidents de dimanche et lundi. «On ne nous a jamais demandé de stopper notre véhicule. En fait, les militaires nous avaient fouillé au barrage puis laissé repartir. C’est lorsque nous avons atteint l’entrée de Naplouse qu’on a ouvert soudainement le feu dans notre direction», a déclaré Issam, l’époux de Mme Chehadeh. La famille al-Hayek a raconté une histoire similaire. Selon Moustafa Barghouthi, médecin et militant palestinien des droits de l’homme, depuis le début de l’intifada, le 28 septembre 2000, trente-quatre Palestiniens ont été tués à des barrages militaires israéliens alors qu’ils tentaient de se rendre dans un hôpital. Au cours de cette même période, onze femmes palestiniennes ont accouché à des barrages israéliens dressés dans les territoires occupés, trois d’entre elles ayant perdu leur enfant dans ces circonstances.