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Actualités - ANALYSE

ENVIRONNEMENT - Un taux de pollution mille fois supérieur à la normale À Dakar, une baie-dépotoir

Eaux usées, rejets industriels et humains, sacs plastiques et immondices ont fait de la baie de Hann, autrefois prisée des Dakarois pour sa plage et ses coquillages, un désastre écologique, insalubre et malodorant. Le 19 février, le Premier ministre sénégalais, Mame Madior Boye, a réuni un «conseil interministériel» destiné à mettre en œuvre un «plan d’action» pour sauver ce site, qui fut un des plus beaux de Dakar avant de devenir un dépotoir. «Au moins, tout le monde est unanime pour dire qu’il faut faire quelque chose», constate Ndiaye Cheikh Sylla, chef-adjoint de la Direction de l’environnement, en espérant que cette fois sera la bonne. Depuis 1986, il a fait ou vu faire maints prélèvements et analyses, qui ont tous conclu à l’urgence et au danger pour la santé publique, en mettant en évidence des taux de pollution bactériologique mille fois supérieurs aux normes admises. Mais l’environnement de la baie n’a cessé de se dégrader. Sur plus d’une vingtaine de kilomètres, elle recueille les rejets industriels et urbains qui s’écoulent par des égouts à ciel ouvert ou des canalisations charriant des liquides rougeâtres, noirâtres, verdâtres... Raffinerie, usines chimiques, tannerie, teinturerie, huilerie, savonnerie, abattoirs renvoient directement à la mer des torrents d’immondes liquides, qui tapissent les fonds marins, détruisent la faune, empestent l’atmosphère. Même le sang des abattoirs coule dans la baie. Au bout du «canal» qui l’achemine jusqu’à la plage, les vautours se régalent. Gangue pestilentielle Ammoniac, arsenic, chrome, acides, engrais, hydrocarbures... Plastiques, bouteilles, carcasses de véhicules, excréments... Aux déchets des usines s’ajoutent les tonnes d’ordures produites par les localités longeant la baie, comme celle de Hann, passée en vingt-cinq ans de 35 000 à 100 000 habitants. Même la portion de la baie appelée «marinas» est ourlée par une gangue pestilentielle, pendant qu’à quelques dizaines de mètres mouillent les voiliers, ancrés là pour une escale sur les routes de l’Atlantique. L’assainissement et le tout-à-l’égout n’existent pas à Hann. Une femme avance sur le ponton, salue les pêcheurs puis, naturellement, jette à la mer le contenu de la grande bassine qu’elle portait sur la tête. «C’est tous les jours, partout comme ça», constate depuis son bateau Haïdouk Del Ali, «Monsieur eau» du parti écologiste Les Verts, patron d’un club de plongée et désespérément amoureux d’une mer qu’il a vu se transformer au fil des ans en une gigantesque poubelle. Il emmène le long de la côte les experts, les biologistes, les journalistes, leur montre l’ampleur des dégâts, le dépôt de soufre à ciel ouvert, les boules de matière indéfinissable qui remontent à la surface de l’eau irisée par le carburant, les bulles émises par un magma sombre et visqueux... Il se désole que tout le monde ait pu s’accommoder d’un tel désastre. Les mesures à prendre relèvent des travaux d’Hercule : les industriels doivent s’engager à traiter leurs déchets, les municipalités à collecter les ordures, les pêcheurs et villageois à ne plus jeter leurs détritus n’importe où, le «grand Dakar» à se doter d’un réseau efficace d’égouts et de stations d’épuration... Selon M. Sylla, si chacun décide dès maintenant d’assumer ses poubelles et ses responsabilités et si toutes les mesures nécessaires sont prises dans les quatre ans, il faudra une dizaine d’années pour redonner à la baie son visage d’antan. Dans le meilleur des cas.
Eaux usées, rejets industriels et humains, sacs plastiques et immondices ont fait de la baie de Hann, autrefois prisée des Dakarois pour sa plage et ses coquillages, un désastre écologique, insalubre et malodorant. Le 19 février, le Premier ministre sénégalais, Mame Madior Boye, a réuni un «conseil interministériel» destiné à mettre en œuvre un «plan d’action» pour sauver ce...