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THÉÂTRE - Entre folie et burlesque, un spectacle hors normes « Le corbeau à quatre pattes » résout l’énigme du monde et du genre humain(photo)
Par GEMAYEL Diala, le 26 février 2002 à 00h00
Une heure vingt minutes dans une autre dimension. Grâce à des extraits de textes écrits par Daniil Harms, auteur russe du XXe siècle à peine connu, la compagnie suisse Pasquier-Rossier pousse les limites du théâtre dans ses derniers retranchements. Le corbeau à quatre pattes, qui se joue au Monnot jusqu’au 2 mars, ne raconte rien. Ou presque. Il n’y a que l’atmosphère, celle d’un questionnement incessant, qui sert de fil directeur aux tableaux et qui est soutenue par une mise en scène très particulière, le point fort de la pièce : deux immenses tableaux noirs sur l’avant-scène forment presque un angle dans lequel vient s’encastrer, comme le point de fuite, un coin de mur rouge sang. À droite d’un des tableaux noirs, une grosse lampe blanchâtre surmontée d’un haut-parleur. Quelques personnages inquiétants, tout en blanc, se déplacent comme des robots au son métallique et indistinct de ce haut-parleur. Quand celui-ci s’interrompt, chacun des robots humains prononce, dans l’urgence, une phrase incompréhensible avant de reprendre sa course folle et incontrôlée. Associations arbitraires L’auteur, né en 1905 à Saint-Pétersbourg et mort en 1942 à Leningrad, a souffert, comme tous les artistes, de l’arrivée du communisme. En 1928, il créé un mouvement, «Obériou» (en russe, Association pour un art réel), qui lutte contre le conformisme de l’écriture et qui part à la recherche de nouvelles formes de langage. Dans leurs textes, les membres de ce mouvement introduisent les faits quotidiens, les associations arbitraires et le rêve. En 1938, le parti interdit toutes les organisations littéraires, et Harms sombre peu à peu dans la folie. Dans cette pièce étonnante et hors normes, à la fois angoissante et totalement burlesque, la compagnie Pasquier-Rossier n’a pas négligé l’aspect sonore : un «orchestre aveugle», doté d’instruments à cordes, joue en coulisses et soutient non seulement les effets scéniques mais aussi rend hommage à Daniil Harms, grand compositeur de comptines pour enfants. Il faut aller voir Le corbeau à quatre pattes : d’abord parce que cette pièce, comme certains des spectacles qui traversent Beyrouth cinq ou six fois l’an, remet les pendules de la création à l’heure, histoire de sortir un peu de la monotonie répétitive infligée trop souvent à l’art. Ensuite parce que la folie à peine maîtrisée, si difficile à exprimer sur scène, est montrée de manière admirable. Enfin parce que les textes de Daniil Harms questionnent l’origine du monde et celle du genre humain. Et la débusquent. La réponse risque de ne pas plaire à tout le monde. Tant mieux. D.G. * Renseignements et réservations : 01/202422.
Une heure vingt minutes dans une autre dimension. Grâce à des extraits de textes écrits par Daniil Harms, auteur russe du XXe siècle à peine connu, la compagnie suisse Pasquier-Rossier pousse les limites du théâtre dans ses derniers retranchements. Le corbeau à quatre pattes, qui se joue au Monnot jusqu’au 2 mars, ne raconte rien. Ou presque. Il n’y a que l’atmosphère, celle d’un...
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