Actualités - CHRONOLOGIE
DANSE - Une thérapie contre le corralito grâce à Carlos Gardel Le tango pour oublier la crise
le 25 février 2002 à 00h00
Timidement, entre le vacarme des manifestations, des concerts de casseroles et des descentes musclées des épargnants lésés contre les banques, les adeptes du tango tentent de reconquérir un espace dans les rues de Buenos Aires. Depuis vendredi dernier, jour d’ouverture du IVe Festival Buenos Aires Tango, permettant aux amateurs de ce genre musical d’assister jusqu’au 9 mars à des concerts et à des cours d’apprentissage en plein air, la rue piétonne de Florida se métamorphose quotidiennement en fin d’après-midi, à hauteur de l’avenue Saenz Pena. Alors qu’à cent mètres de là des employés s’activent encore à effacer les traces du dernier passage d’une cohorte bruyante d’épargnants floués exprimant leur ire à coups de casseroles contre les devantures des banques, le tango s’impose soudainement, attirant un cercle de curieux, désireux de s’initier, sous la conduite de danseurs professionnels. «Regardez les gens qui dansent, regardez leur visage. Ils se sont déconnectés de tout, ils sont contents, ils ne pensent pas au corralito (les restrictions bancaires). Quel contraste avec la tête de la plupart des passants !», s’exclame Mingo Pugliese, professeur de tango dirigeant une école dans le quartier de San Telmo. «Malgré la crise, on a organisé le festival, avec moins de ressources certes, avec moins de professeurs, mais ça marche. Il ne faut pas que Buenos Aires perde ce festival du tango, qui fait partie de son âme», estime-t-il. Une valeur sûre À peine sortie de son bureau voisin, à la Commission du logement social de Buenos Aires, Cristina Echeandia, 53 ans, ne résiste pas à l’envie d’effectuer quelques pas de danse sous la direction d’un professeur chevronné. «En quittant mon travail, j’ai la tête pleine des problèmes, des préoccupations des gens défavorisés à la recherche d’un logement. Danser le tango me permet d’oublier un peu, de rentrer plus tranquille à la maison», confie-t-elle. «On dit le tango triste, mais pour moi c’est un soulagement, c’est une thérapie. Ça me revient moins cher que d’aller chez le psychanalyste», lance-t-elle dans un éclat de rire. Pour Martin Grostes, un jeune employé du service de la culture de la mairie de Buenos Aires chargé de la sono, le tango représente l’une de ces «valeurs sûres» auxquelles les Argentins se raccrochent en ces temps de crise généralisée, ayant grandement bouleversé leur vie. Le service culturel municipal a d’ailleurs fait de cette idée l’axe de sa campagne de promotion du festival, organisé avec un budget restreint de 240 000 pesos (120 000 dollars) et comptant avec la participation de plus de 700 musiciens et danseurs et de 500 professeurs. «Dans les moments de plus grande incertitude, nous cherchons tous des certitudes. Et dans notre pays, le tango reste l’une d’entre elles», affirme-t-il. «La grande majorité des Argentins ne savent pas danser le tango», constate cependant Martin Grostes, même s’ils connaissent et fredonnent les airs des plus grands, d’Astor Piazzolla à Carlos Gardel, en passant par Roberto Goyeneche ou Anibal Troilo, l’un des rois du bandonéon. Selon lui, loin d’être menacé par l’inquiétante dépression économique actuelle et ses profondes répercussions sociales, le tango est appelé à survivre à toutes les crises. «Buenos Aires est une ville cyclothymique. La même personne peut dans la même journée manifester violemment contre une banque, puis aller danser tranquillement le tango peu après», estime-t-il.
Timidement, entre le vacarme des manifestations, des concerts de casseroles et des descentes musclées des épargnants lésés contre les banques, les adeptes du tango tentent de reconquérir un espace dans les rues de Buenos Aires. Depuis vendredi dernier, jour d’ouverture du IVe Festival Buenos Aires Tango, permettant aux amateurs de ce genre musical d’assister jusqu’au 9 mars à des...
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