Actualités - REPORTAGE
Loisirs - Organisation des secours, manque de courtoisie sur les pistes, mauvais entretien du matériel La sécurité dans les stations de ski montrée du doigt (PHOTOS)
Par ELHAGE ANNE MARIE, le 25 février 2002 à 00h00
Cette année, la neige était au rendez-vous. Dans les stations de ski, commerçants, restaurateurs, hôteliers et tout ce petit monde qui prospère grâce à la neige croisent les doigts pour que la saison dure aussi longtemps que possible et que la neige ne soit pas trop vite balayée par les vents chauds. L’enthousiasme des skieurs semble plus mitigé. Certes, le ski leur procure toujours la griserie tant recherchée, mais ils se veulent critiques à l’égard des stations qui les accueillent, et plus généralement de l’organisation des sports de glisse dans l’ensemble du pays. En tête des critiques et au gré des expériences malencontreuses, la sécurité sur les pentes et les télésièges, qui fait souvent défaut, la cherté de ce sport qui n’attire plus que la classe aisée, l’absence d’un règlement en vigueur sur les pistes, mais aussi le manque de courtoisie de certains skieurs ou surfeurs qui constituent pour les autres de véritables dangers publics. «De grâce, davantage de sécurité sur les pistes !». Que de skieurs qui répètent inlassablement ces quelques mots, comme un leitmotiv, comme un rêve inaccessible. De l’organisation hypothétique des secours aux personnes blessées, au piteux état des remonte-pentes, à la folie meurtrière de certains fous des pentes qui se transforment en bombes humaines. Bien des éléments incontrôlables que l’on retrouve, çà ou là, au hasard des descentes et des stations. Dans un pays qui se targue de compter six stations de ski et des dizaines de pistes homologuées par la Fédération internationale de ski, à l’heure où l’on peut facilement skier d’une montagne à l’autre et même d’une station à l’autre, faut-il que la sécurité sur les pistes soit encore si aléatoire ? Les secours, une éventualité ou une nécessité ? Joe a été l’une des victimes de cette négligence, par une belle journée ensoleillée, plus exactement le dimanche 13 janvier dernier. Skiant tranquillement en compagnie d’un ami sur les pentes de Wardé, dernière-née des stations de Faraya, ce père de famille d’une cinquantaine d’années tombe au sommet de la piste et se casse l’épaule. «J’avais très mal et mon compagnon m’a aidé à me relever en attendant les secours. Mais point de secours à l’horizon, ni même de pisteurs. Pas même l’ombre d’un skieur à qui demander de l’aide, en ce jour de grande affluence. Nous ne pouvions d’ailleurs contacter personne vu l’inexistence de réseau cellulaire dans cette partie de la station», déplore-t-il. Ravalant sa douleur et frissonnant de froid, Joe se résout à descendre à skis jusqu’au bas de la piste, espérant enfin y trouver de l’aide. Mais au pied des pentes, ce jour-là, les secouristes de la Croix-Rouge brillent par leur absence alors qu’aucune indication ne signale la présence d’une infirmerie ou d’une permanence médicale. «Il n’y avait personne à qui s’adresser, à part les responsables du télésiège. Ils m’ont juste installé sur une chaise dans leur cabane, en me disant que ce n’était pas bien grave, et m’ont donné un antalgique, tout en prenant bien soin de me faire signer un papier dont je ne me rappelle même pas le contenu, reprend Joe. Pas même la moindre pièce où se réchauffer en attendant d’être transporté à l’hôpital par mes amis, alors que j’étais transi de froid». Ce n’est qu’une heure et demie plus tard, après maintes manœuvres pour dégager la voiture du parking, bloquée de part et d’autre par des automobilistes inconscients, que Joe est conduit par ses camarades à l’hôpital de Feitroun pour un premier bilan. Bilan qui s’avère être une cassure de la tête de l’humérus. Plus d’un mois est passé depuis l’accident. Le bras de Joe est toujours bandé et sa colère intacte devant l’absence de responsabilité des gérants de la station. «Le véritable scandale, déplore-t-il, est que cette station, qui se prétend internationale, n’assure aucune permanence médicale au bas des pentes pour prendre en charge les accidentés, ni même la moindre équipe de sécurité sur les pistes, alors que les skieurs paient un argent fou pour y avoir accès. Et si je saignais, qu’auraient-ils fait ?», demande-t-il. Trop de complaisance envers les fous des pistes À l’instar de ce père de famille, de nombreux skieurs ont fait les frais de l’insécurité qui règne sur les pentes enneigées. Fort heureusement, les conséquences ne sont pas toujours catastrophiques, mais faut-il attendre qu’elles le deviennent pour agir, alors que la prévention reste encore le meilleur moyen de réduire les risques d’accident ? En tête de liste des dangers des pistes, toutes stations confondues, le manque de courtoisie des skieurs et des surfeurs qui négligent les priorités, traversent les pistes en largeur sans crier gare ou dévalent les pentes en multipliant queues de poissons et autres irrégularités, au mépris des amateurs de glisse moins folle, plus conventionnelle, plus sûre. La collision est fréquente et les dangers de taille. Mais sur les pistes, toujours aucun contrôle, aucune restriction de la part des responsables des stations, aucun entrain pour faire appliquer la moindre loi ou discipline. Renversée par un surfeur, il y a quelque temps, Rima, mère de deux enfants, préconise que des pistes séparées soient consacrées aux adeptes de ce sport qui prend de plus en plus d’ampleur au Liban. «Ils débouchent de partout et descendent comme des fous. Ils sont réellement dangereux. D’ailleurs, les surfeurs adoptent une autre trajectoire que celle des skieurs et font des boucles plus larges, alors que les skieurs descendent droit devant eux, faisant de petits virages. Même dans la file du télésiège, reprend-elle, ils agissent en dépit des règles les plus élémentaires de la courtoisie, piétinant et rayant les skis des autres, avec leur surf. Il y a tellement de montagnes. Pourquoi ne pas leur aménager des pentes à eux tous seuls ?», demande-t-elle. Et de conclure qu’à défaut de le faire, il est indispensable que les contrôles soient plus rigoureux sur les pistes, pour la sécurité de tous. L’entretien et l’état des remonte-pentes, parfois même des pistes, sont un troisième point que relèvent les adeptes de la glisse. Jeanine skie aux Cèdres par goût, par amour de la région. Mais elle s’avoue déçue de la station, au terme d’une journée de ski. Déçue de la vétusté des tire-fesses et des risques auxquels est exposé le skieur en prenant le télésiège. «La majorité des archets du tire-fesses sont cassés ou dévissés, regrette-t-elle, alors que le télésiège menant à la piste rouge, pour lequel nous payons 3 000 LL par remontée, en plus du forfait journée, est carrément dangereux». Et d’expliquer que les sièges sont étroits, qu’ils sont démunis de la moindre lanière ou barre de sécurité, qu’ils ne comportent pas de marchepied. «Emprunter ce télésiège représente un véritable danger», insiste-t-elle, ajoutant que tout le plaisir de skier dans ce cadre magnifique est gâché par l’état piteux des remontées mécaniques, mais aussi des pistes qui ne sont jamais damées, ni même balisées, et où, de surcroît, la surveillance fait cruellement défaut. Plus de vigilance envers les enfants Les accidents dus aux remonte-pentes sont d’ailleurs fréquents dans la plupart des stations. Que d’enfants et même d’adultes se sont fait renverser par des télésièges ou alors ont vu leurs pieds coincés entre celui-ci et la neige, à cause du manque de vigilance des préposés aux remontées mécaniques ? «En Europe, explique le père d’un garçon de 12 ans, dès qu’un enfant se présente au départ ou à l’arrivée du télésiège, le technicien actionne une manette lui permettant de ralentir le mécanisme et de s’assurer ainsi de la sécurité de l’enfant. Alors qu’ici, qu’un enfant tombe en prenant le télésiège, qu’il se fasse une entorse en se coinçant le pied à l’arrivée, c’est bien le dernier des soucis des responsables des stations». Si la grogne monte parmi les skieurs, et plus spécifiquement ceux qui s’inquiètent pour la sécurité de leurs enfants, l’augmentation des prix liée à l’application de la TVA représente un comble pour l’ensemble des adeptes des sports de neige. «À Faraya, grogne une jeune femme, inconditionnelle de la station, depuis la TVA, tous les prix sont arrondis à la hausse, une hausse qui dépasse souvent les 10 %. En effet, précise-t-elle, le forfait journée sur la piste du refuge est passé de 41 à 46 dollars. C’est quasiment de la folie !». Quant au skieur qui rêve d’un chocolat chaud, tant pis pour lui s’il n’a pas de petite monnaie, car les 200 LL de TVA deviennent aussitôt 250 LL, parfois même 500 LL. Et pour cause, le caissier n’a jamais de petite monnaie à rendre. À la fin de la journée, ça chiffre, et de la belle façon. D’ailleurs, remarque-t-elle, «depuis cette augmentation des prix, la fréquentation de la station a sensiblement baissé, alors que les irréductibles choisissent des pistes dont les tarifs sont à la mesure de leur portefeuille. Moi-même, conclut-elle, je n’achète plus de forfait me permettant d’aller le même jour dans deux stations différentes. Je me limite à une seule station». Une baisse de fréquentation qui fait néanmoins quelques heureux, en l’occurrence, les stations secondaires, qui proposent des prix raisonnables et dont la fréquentation augmente sensiblement. Certes, les conditions de glisse ne sont pas toujours idéales, les pistes peu variées, l’infrastructure moins développée, mais après tout, l’important n’est-il pas de skier ? Anne-Marie EL-HAGE
Cette année, la neige était au rendez-vous. Dans les stations de ski, commerçants, restaurateurs, hôteliers et tout ce petit monde qui prospère grâce à la neige croisent les doigts pour que la saison dure aussi longtemps que possible et que la neige ne soit pas trop vite balayée par les vents chauds. L’enthousiasme des skieurs semble plus mitigé. Certes, le ski leur procure toujours la griserie tant recherchée, mais ils se veulent critiques à l’égard des stations qui les accueillent, et plus généralement de l’organisation des sports de glisse dans l’ensemble du pays. En tête des critiques et au gré des expériences malencontreuses, la sécurité sur les pentes et les télésièges, qui fait souvent défaut, la cherté de ce sport qui n’attire plus que la classe aisée, l’absence d’un règlement en vigueur...
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