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PUBLICITÉ - Miser sur la nostalgie de l’époque du « petit père des peuples » En Russie, Staline fait vendre
le 20 février 2002 à 00h00
«Un jour, Staline a donné l’ordre : Construisez un hôtel, étonnez l’Europe !». Une voix mâle attaque un air martial, le drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau claque au vent : l’hôtel «Sovietsky» mise sur la nostalgie de l’époque du «petit père des peuples». Il n’est pas seul à le faire. Le spot de l’hôtel Sovietsky évoque nommément Staline, mais des éléments du triomphalisme soviétique sont utilisés dans d’autres messages, de l’immobilier à la téléphonie mobile, en passant par des appels à payer correctement les impôts. L’établissement quatre étoiles, orné à l’extérieur d’un néon rouge représentant la faucille et le marteau et à l’intérieur de portraits de Staline et Lénine, fait sa publicité sur les ondes des radios moscovites. Un bref film publicitaire, en version russe et anglaise, a également été produit. Avec un petit clin d’œil à la clientèle étrangère, la chanson conte que Staline a fait construire l’hôtel «pour que la classe bourgeoise de l’Europe puisse vivre dans le confort dans la capitale». Elle omet de rappeler que le Sovietsky était géré par le KGB, que les micros dont il était truffé ont été enlevés seulement au début des années 90 et que ses nombreux passages secrets sont toujours utilisables. «Soixante pour cent de nos clients étrangers sont Allemands. Staline les attire, peut-être parce qu’il leur rappelle l’époque de Hitler et leur puissance passée. Ils sont nombreux à s’arrêter devant son portrait», remarque le directeur du Sovietsky, Valery Maximov, fier de l’histoire de son hôtel et inventeur de sa publicité nostalgique. Retour en musique Quant aux Russes, «les riches se fichent de Staline, affirme-t-il. La classe moyenne réagit plutôt favorablement : les gens en ont assez du chaos, sous Staline il y avait de l’ordre. Ils soutiennent tous Poutine, ancien tchékiste, justement pour qu’il ramène de l’ordre dans le pays». Un raisonnement analogue semble présider à la promotion d’un nouveau gratte-ciel moscovite, le Triumph Palace, dont la forme rappelle explicitement les «sept sœurs», grandes tours staliniennes à la pointe dorée, dont les plus connues sont le ministère des Affaires étrangères et l’université Lomonossov. Le constructeur, la société Don-Stroï, vante ses immeubles comme «Domy Osobovo Naznatchenia» (maisons à destination spéciale), une expression évoquant le langage des services spéciaux soviétiques, dans un message triomphaliste rappelant les discours d’un 1er mai des années 50. «Certes, il y a du second degré là-dedans, un clin d’œil, mais en même temps, les Russes sont attachés aux réalisations grandioses de l’époque stalinienne, aux “sept sœurs” construites pour célébrer la victoire sur le fascisme», dit un publicitaire connaissant bien la campagne, mais souhaitant garder l’anonymat. La propagande stalinienne avait un style particulier, utilisant souvent la peur et l’interdiction, dans ses mises en garde contre les paresseux, les ivrognes ou les saboteurs. Une affiche faisant directement allusion à ce genre de discours est apparue ces temps derniers dans Moscou. Un homme coiffé d’une casquette militaire invite sévèrement les citoyens à bien acquitter leurs impôts. «C’est une plaisanterie, on rit de ces années-là pour qu’elles ne reviennent plus jamais», affirme le publicitaire. Ou qu’elles reviennent juste un tout petit peu, en musique. Des vendeurs de téléphones mobiles proposent – avec beaucoup de succès, selon eux – une sonnerie reprenant les premières mesures de l’hymne stalinien soviétique, devenu récemment – avec d’autres paroles – l’hymne national russe.
«Un jour, Staline a donné l’ordre : Construisez un hôtel, étonnez l’Europe !». Une voix mâle attaque un air martial, le drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau claque au vent : l’hôtel «Sovietsky» mise sur la nostalgie de l’époque du «petit père des peuples». Il n’est pas seul à le faire. Le spot de l’hôtel Sovietsky évoque nommément Staline, mais des éléments du triomphalisme soviétique sont utilisés dans d’autres messages, de l’immobilier à la téléphonie mobile, en passant par des appels à payer correctement les impôts. L’établissement quatre étoiles, orné à l’extérieur d’un néon rouge représentant la faucille et le marteau et à l’intérieur de portraits de Staline et Lénine, fait sa publicité sur les ondes des radios moscovites. Un bref film publicitaire, en...