Actualités - CHRONOLOGIE
TPI - L’ancien président yougoslave, juriste de formation, assure sa propre défense L’accusé Milosevic conduit son premier contre-interrogatoire
le 20 février 2002 à 00h00
L’ancien président yougoslave Slobodan Milosevic, plus incisif et pugnace que jamais, a contre-interrogé, mardi à La Haye, le premier témoin à charge de l’accusation dans un échange de plus de trois heures et demie qui a mis face à face deux visions radicalement différentes du conflit du Kosovo. M. Milosevic a montré que dix ans de pouvoir ne lui avaient pas fait oublier sa formation initiale de juriste et qu’il était capable de tenir le rôle d’un avocat. Il doit répondre devant le Tribunal pénal international (TPI) de 66 chefs d’inculpation pour son rôle durant les guerres de Yougoslavie et décidé de présenter lui-même sa défense, refusant de prendre des avocats pour ne pas paraître accorder un début de légitimité à un tribunal qu’il juge illégal. À travers les dizaines de questions posées à M. Mahmut Bakalli, un ancien responsable communiste albanais du Kosovo – questions souvent assorties d’assez longs commentaires –, M. Milosevic a brossé un tableau relativement idyllique de la société kosovare d’avant la guerre, en contradiction formelle avec les témoignages convergents des organisations de droits de l’homme. Liberté de presse, tolérance envers tous les groupes ethniques, large liberté d’enseignement : la démonstration de M. Milosevic a tendu à établir que le principal responsable des malheurs survenus au Kosovo, dans les années précédant l’intervention de l’Otan en 1999, était l’UCK (Armée de libération du Kosovo), la branche armée de l’indépendantisme kosovar. « Apartheid » M. Bakalli, 66 ans, ancien membre de la présidence de la Ligue des communistes sous Tito, a dressé le portrait exactement inverse d’une société albanophone victime d’une politique générale d’«apartheid» de la part de Belgrade – par l’exclusion de dizaines de milliers d’Albanais des emplois publics – et d’une violente répression policière. M. Milosevic, qui avait insisté au départ pour que M. Bakalli réponde par «oui» ou par «non» à ses questions, a interrogé le témoin sur cette notion d’apartheid : «Vous êtes professeur de sociologie à Pristina, pouvez-vous me donner la définition du mot apartheid ?». «Dois-je répondre par oui ou par non ?», a demandé M. Bakalli, provoquant les rires dans la galerie du public avant de définir l’apartheid comme le système d’exclusion d’un groupe en fonction de ses caractéristiques ethnique ou religieuse. «Vous feriez bien de lire la définition que donnent les Nations unies du mot apartheid», lui lance Milosevic. L’ancien président, qui s’adresse visiblement autant à l’opinion publique serbe qu’à ses trois juges, met à profit le contre-interrogatoire pour décocher quelques flèches contre des dirigeants indépendantistes kosovars. Évoquant la figure de Ramush Haradinaj, ancien commandant de l’UCK et président de l’Alliance pour l’avenir du Kosovo, M. Milosevic le baptise «Ramush le maffieux» et affirme qu’il a la haute main sur le trafic d’armes et qu’il est en outre responsable de plusieurs meurtres. «Je vous conseillerai d’être prudent quand vous dites des choses pareilles», M. Milosevic, avertit M. Bakalli. À plus d’une reprise, le président de la cour, le Britannique Richard May, d’une voix empreinte de lassitude, demande à M. Milosevic de passer à la question suivante. Sur la question des prisonniers politiques, M. Milosevic affirme qu’il n’y en a jamais eu au Kosovo, autres que celles des «terroristes», c’est-à-dire des militants de l’UCK. «Je sais que vous avez tué des civils, des enfants, des femmes et des vieillards en répétant incessamment que vous luttiez contre le terrorisme», lui rétorque M. Bakalli. L’organisation Human Right Watch (HRW) estimait à 1 500 le nombre des détentions préventives opérées au Kosovo par les forces serbes fin 1998. Durant la même année, l’UCK a commis de sérieuses violations du droit humanitaire, dont des prises d’otages et des exécutions sommaires, selon HRW
L’ancien président yougoslave Slobodan Milosevic, plus incisif et pugnace que jamais, a contre-interrogé, mardi à La Haye, le premier témoin à charge de l’accusation dans un échange de plus de trois heures et demie qui a mis face à face deux visions radicalement différentes du conflit du Kosovo. M. Milosevic a montré que dix ans de pouvoir ne lui avaient pas fait oublier sa formation initiale de juriste et qu’il était capable de tenir le rôle d’un avocat. Il doit répondre devant le Tribunal pénal international (TPI) de 66 chefs d’inculpation pour son rôle durant les guerres de Yougoslavie et décidé de présenter lui-même sa défense, refusant de prendre des avocats pour ne pas paraître accorder un début de légitimité à un tribunal qu’il juge illégal. À travers les dizaines de questions posées à M....