Actualités - CHRONOLOGIE
L’art russe rivalise avec ce que l’Occident a produit de mieux (PHOTO)
Par BOUSTANY Hareth, le 10 janvier 2002 à 00h00
On a souvent inclus l’art russe dans le byzantin, ou du moins un byzantin régional. S’il a été fortement influencé de Byzance, – comme il le sera à partir du XVIIIe siècle de l’art français, il n’en garde pas moins son originalité proprement caractéristique. Bien typique, dans ce domaine, est l’icône attribuée à André Roublev (1370 – 1430) et conservée à la galerie Tretiakov à Moscou, et qui est d’une composition symétrique parfaite. Au milieu d’un champ parsemé d’arbustes, la Vierge occupe le centre du tableau, étendue sur le flanc en diagonale droite-gauche, la tête appuyée sur le bras gauche, nimbée d’or, recouverte entièrement d’une longue robe brune qui ne laisse apparaître que le visage, sur une couchette pourpre. Elle tourne carrément le dos, – attitude insolite – à une auge rectangulaire contenant, en diagonale, un minuscule paquet vert de langues et bandelettes, d’où émerge la tête de l’enfant. Un bœuf et sans doute un cheval blanc lui tiennent compagnie, devant une tache sombre qui voudrait être la grotte, abritant le berceau et les animaux, tandis que le corps de Marie en dépasse largement les limites. Des rayons verticaux y parviennent et semblent la traverser pour joindre l’enfant. Au bord de la limite gauche délimitant la «grotte», trois anges se penchent vers l’enfant. Dans le coin inférieur gauche, sous les pieds de Marie, Joseph, assis et nimbé, est toujours perdu dans ses réflexions ; il ne prête aucune attention à un autre vieillard – à identifier – qui lui fait face, les mains en avant, et semble vainement lui adresser la parole. Dans le coin opposé, une baigneuse se prépare à mettre de l’eau dans la bassine, tandis qu’une autre, assise, tient dans les bras l’enfant à demi-nu : c’est la scène de bain conventionnelle. Dans l’espace libre du centre, on croit reconnaître quelques moutons. Au coin supérieur gauche, les mages escaladent la montagne, face à deux anges qui les observent du côté opposé, tandis qu’un troisième s’adresse à deux bergers avec leurs bêtes. Dans le même esprit est traitée la fresque de maître Denis, au monastère de Théraponte, proche de Novgorod, qui fut à l’époque la capitale artistique du pays. Cette peinture, exécutée vers la fin du XVe siècle, doit refléter d’autres œuvres remarquables encore couvertes de badigeons ou ayant subi de malheureuses restaurations. La perfection de la composition La Nativité de maître Denis suit le courant de l’Ancienne École. Marie, assise ou debout ( ?), est à moitié cachée par un rectangle placé de biais, sur lequel repose Jésus, et qu’elle a l’air de soulever d’une main en l’inclinant, tandis qu’elle montre de l’autre l’enfant à trois personnages debout, chaussés de hautes bottes, habillés de robes à plis, têtes découvertes et mains vides. Le premier observe l’enfant et lève la main en un geste significatif. Du second, on voit à peine une partie du buste et une tête intercalées entre les deux autres, le regard au loin. Le dernier, presque collé au premier, tourne la tête, sans doute pour s’enquérir de la suite de la caravane et donner ses ordres ; au teint basané de son jeune visage et à ses cheveux crépus, on ne saurait douter de l’identité des mages. Par contre, l’on se demande à quoi peut ressembler la couchette de l’enfant. Un rectangle long et étroit, à larges bordures blanches, renfermant exactement un corps de même dimension enveloppé d’un linge blanc retenu par des bandelettes à momie, fait penser à un cercueil plutôt qu’à une auge ou mangeoire. Plus bas, se dresse un immense rocher, comme étant la partie extérieure de la «grotte», et contre lequel repose le classique Joseph, toujours absent. Les trois personnes de la Sainte Famille sont nimbées, de même que trois anges de facture impeccable, qui apparaissent au coin supérieur gauche, de derrière une montagne à deux sommets culminants, et au-dessus de laquelle court une inscription, coupée par une tache blanche – le ciel entrouvert – entre les deux pics. L’intérêt de ce tableau réside surtout dans la perfection de la composition, tripartite, jalousement observée, et ne se perdant dans aucun détail. Le fond est occupé par la montagne devant laquelle se déroule la scène. Au premier groupe des trois Saintes Personnes, échelonnées en hauteur sur la moitié droite, fait face, sur la moitié gauche, celui, compact et serré des trois mages, que surplombe l’ensemble des trois anges. Si l’art de telle fresque, – et de tant d’autres inconnues – n’a pas eu de répercussion en dehors de la Russie, il peut cependant rivaliser avec ce que le monde occidental a produit de meilleur.
On a souvent inclus l’art russe dans le byzantin, ou du moins un byzantin régional. S’il a été fortement influencé de Byzance, – comme il le sera à partir du XVIIIe siècle de l’art français, il n’en garde pas moins son originalité proprement caractéristique. Bien typique, dans ce domaine, est l’icône attribuée à André Roublev (1370 – 1430) et conservée à la galerie...
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