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Histoire - La représentation des scènes bibliques dans l’art ancien La Nativité du monde byzantin et russe Par Hareth Boustany (PHOTO)
Par BOUSTANY Hareth, le 10 janvier 2002 à 00h00
La première représentation de la Nativité dans l’art dit byzantin est antérieure à l’Empire byzantin lui-même, créé, en 395, par Théodose le Grand qui partagea l’Empire romain entre ses deux fils, l’Orient avec Byzance pour capitale, et l’Occident avec Rome. La façade de la Basilique de la Nativité à Bethléem, érigée par Constantin, était décorée de mosaïques représentant les épisodes de la naissance de Jésus. Nous en ignorons l’ordonnance, comme l’importance accordée à chacun des personnages ; la valeur de l’exécution nous échappe également. Mais les chroniques font allusion aux mages. En effet, le roi sassanide Chosroès II Parviz (590-628), profitant des guerres intestines autour du trône de Byzance qui passait de main en main, razzia toute l’Asie antérieure, entra à Damas, puis à Jérusalem, mettant tout à feu et à sang. Arrivé à Bethléem, il s’arrêta devant la Basilique. Ayant reconnu sur la façade les effigies des «Rois perses», il donna l’ordre d’épargner la ville ; et il s’en retourna, emportant le bois de la Croix. Mais les mosaïques n’ont pas survécu à l’invasion arabe, moins d’un quart de siècle plus tard (634). L’empereur Héraclius (610-642) mena alors une série de campagnes pour libérer le pays, qui aboutirent à la chute de l’Empire sassanide ; il put alors récupérer la Croix et la ramener triomphalement à Jérusalem le 14 septembre 630 ; nous fêtons, depuis, à la même date, ce grand événement. Les autres mosaïques qui nous sont parvenues, ainsi que les diverses productions de l’art byzantin, ne remontent pas au-delà du VIe siècle. C’est également du VIe siècle que datent les premières œuvres de l’art byzantin, en ce qui concerne l’événement de Bethléem. Les trois facteurs essentiels – Jésus, Marie et Joseph ; Mages ; Bergers – ne sont pas considérés comme les éléments d’une composition unique. Ils sont plutôt traités par groupes indépendants. Les Mages, par exemple, sont exploités pour relever la richesse des ornements d’apparat, tels qu’ils sont brodés au bas du manteau de l’impératrice Théodora (527-548), femme de Justinien (525-565), représentée au milieu des princesses de la cour dans la belle mosaïque de Saint-Vital de Ravenne. Les figurations saintes Et quand les scènes font partie d’un ensemble, elles sont juxtaposées, complètement réparties sur les différentes portions du support. Celles de la Croix faites de lames d’or incrustées de plaques d’émail cloisonné, aux tons d’un rouge vineux, figurent des épisodes de la naissance et de l’enfance de Jésus. La naissance et le bain traditionnel occupent la cloison centrale dans un agencement qui sera répété à l’infini : au haut du coin gauche, une tête de bœuf soufflant sur un enfant emmailloté, dont le buste émerge horizontalement d’une couchette plate ; plus bas, Marie, bien délimitée, et à moitié étendue en diagonale ; en dessous, l’enfant dans la vasque, lavé par trois baigneuses. Les autres tableaux s’échelonnent, de haut en bas, dans l’ordre classique : l’Annonciation, la Visitation, puis, en-dessous de la Nativité, la Présentation au temple et le Baptême. Sur le bras gauche, Marie à l’Enfant, trônant, reçoit l’hommage des rois. Sur le bras droit, l’émailleur a cru bon rappeler l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem pour introduire l’œuvre de la Rédemption, pour laquelle le Fils de Dieu s’est fait homme : on y voit Jésus, assis de face sur un âne de profil, flanqué de deux personnages. Cette croix, réalisée au début du VIe siècle, est l’une des plus belles pièces du Trésor Sancta Sanctorum du Latran. Si l’on ne trouve plus, postérieurement, de figuration sainte au cours d’une longue période de deux ou trois siècles, il faut en attribuer la cause aux suites du mouvement iconoclaste de l’empereur Léon l’Isaurien (675-711) qui a entraîné la «querelle des Images». Cependant le matériau par excellence de l’iconographie byzantine est le petit cube de marbre de couleur, dont l’assemblage réussit des vues remarquables. Pour les apprécier, il faut se transporter au XIe siècle, à l’église du monastère grec de Daphni, où la Nativité est reconnue comme le chef-d’œuvre du genre en mosaïque. Elle présente cependant les personnages comme les morceaux indépendants d’une composition à réaliser : Marie à demi étendue, le buste face au public ; un peu en retrait, de trois quarts sur un rectangle qui semblerait être le toit d’une maisonnette, indiqué par trois rayons qui lui tombent du ciel, un grand enfant ligoté dans des bandelettes, aux jambes nues et au torse relevé, à la tête appuyée sur le bord supérieur de ce rectangle, regarde le spectateur, tandis que deux têtes, l’âne et le bœuf, émergent du rebord inférieur ; à droite, un homme d’âge mûr, accroupi entre deux arbres, la main dans la barbe et le regard fixé sur un point vague, semble méditer sur l’avenir ; à l’extrême droite, deux ovins sont occupés à brouter, et deux autres tournent la tête pour être à l’écoute ; au second plan, derrière Joseph et les bêtes, un ange converse avec deux bergers ; et, derrière l’Enfant et sa Mère, trois anges s’affairent à les assister. Le groupe de Marie et Jésus ainsi que les deux têtes d’animaux sont délimités par une grande tache noire, derrière laquelle se superposent des mamelons aux contours plus au moins arrondis : c’est la figuration de la grotte ouverte à flanc de montagne, du haut de laquelle les anges crient aux bergers la bonne nouvelle, et vers laquelle se dirigent les mages, thème que l’art byzantin, tout comme pour l’art syriaque, ou s’inspirant de ce dernier, avait fixé dès l’origine. Il avait fixé aussi l’ordonnance des scènes bibliques qui contribuèrent grandement à la décoration intérieure des églises, se succédant dans un ordre chronologique rigoureux, tel qu’il est développé dans l’Évangile, occupant chacune la place immuablement assignée, sauf dérogation éventuelle. La Nativité se rencontre ainsi sur la paroi droite de la nef, en tant que l’un des chaînons dans la série des douze épisodes les plus importants de la vie de Jésus et de Marie, les traits essentiels répondant à une norme établie depuis le VIe siècle. Désir d’innovation Mais parfois, et dans les régions lointaines, on s’émancipe de toute règle. Quelques faits sont développés sur des panneaux indépendants de l’ordre préétabli, trahissant un désir d’innovation et un essai d’harmonie dans la composition, en dépit de quelque maladresse dans l’exécution. C’est alors que l’apport étranger, surtout aux confins de l’Empire, intervient pour une grande part dans la rénovation de l’art. La Sicile en particulier connut de la sorte, sur un substrat byzantin, la civilisation arabe, supplantée par la domination normande dans la seconde moitié du XIe siècle. Les monuments élevés par la suite révèlent la fusion des trois courants dans un éclectisme surprenant, mis en œuvre par des architectes français et italiens, par des artistes grecs ayant travaillé pour les émirs musulmans et les princes byzantins. La combinaison de ces courants disparates éclate dans le riche décor de mosaïque, où l’ordonnance des tableaux reste plus ou moins conforme au canon byzantin en vigueur. La Chapelle Palatine de Palerme, achevée en 1143, a réussi l’exploitation de tels facteurs. La scène de la Nativité y occupe sa place traditionnelle. La composition générale ne s’éloigne guère des normes connues, mais avec des variantes notoires. La grotte-montagne, au centre, est délimitée par une zone hachurée. À l’intérieur, la Vierge, grand buste vertical orienté vers la droite, les jambes anormalement tournées vers la gauche sous le mouvement sinueux des vêtements, soutient de ses mains le buste de l’Enfant, comme pour le tirer d’un rectangle-berceau, lequel n’est rien d’autre que la terrasse aux poutres apparentes d’une construction aux longues fenêtres longitudinales. Au bas de l’édicule, la scène du bain : un grand enfant nu, assis sur un siège, les mains posées sur les jambes, attend patiemment qu’une baigneuse à genoux ait fini de remplir d’eau la vasque qui les sépare pour s’y plonger. Dans la partie gauche, en haut, le groupe des trois anges surmontant les trois mages à cheval ; au-dessous, le vieux Joseph est assis sur un haut siège, orienté vers la gauche, mais tournant la tête vers le milieu du tableau ou vers le ciel. Dans la partie droite, deux anges superposés voltigent au-dessus des bergers. Une inscription latine court en bande horizontale au-dessus du tableau, dans toute sa largeur. Ce détail, et d’autres indices émanant de la disposition de l’ensemble et trahissant un goût de pittoresque et de réalisme, affaiblissent la parenté étroite avec un art purement byzantin. Serait-ce la réalisation d’un mosaïste italien ? D’autant plus qu’un air de fresque se dégage à première vue de tout l’ensemble. Un art populaire Il est bien connu que c’est l’Italie qui a excellé dans la fresque. L’art byzantin est surtout un art de mosaïque ; la fresque n’est pas son fort. Elle se localise d’ailleurs, presque exclusivement, dans les provinces frontalières. La Cappadoce (Asie Mineure) l’avait essayée au Xe siècle, et développée au suivant, mais dans une pure tradition syriaque. Les épisodes de l’enfance, quoique rares, se caractérisent par un style épris du détail minutieux. S’ils sont rangés selon l’ordonnance traditionnelle, un choix spécial est accordé à quelques scènes, dont la Nativité pour laquelle on a opté la voûte, ce qui montre les personnages ramassés, drapés, mais ne manquant pas de noblesse. L’art byzantin de la fresque est somme toute un art populaire, épris de pittoresque. Les peintres, manquant d’originalité, copient invariablement des modèles déjà exploités ; cependant, il faut leur reconnaître un essai dans la personnalisation des traits, cherchant à réaliser de véritables portraits. Au bout opposé de la Cappadoce, l’Italie méridionale a essayé elle aussi le procédé de la fresque, là où la mosaïque manquait de champ adéquat. Dans les chapelles rupestres des Xe-XIIe siècles, aux murs irréguliers, les formes et les dimensions du fond ont commandé le procédé de l’exécution, de sorte que le fresquiste, si versé soit-il, a dû conformer son talent aux conditions du travail. Mais toujours la Nativité est peinte sur la paroi latérale, avec le tableau indépendant de l’Adoration des Mages. Une chapelle de la région de Brindisi en fournit un exemple type, exécuté selon la même inspiration, mais avec des différences de technique et de style. Dans un autre domaine, l’art pictural est représenté dans les nombreux manuscrits de cette époque, où quelques rares miniatures pourraient soutenir la comparaison avec les chefs-d’œuvre des IVe-VIe siècles. Mais, d’une façon générale, les compositions, dont des Nativités, représentent, en tête de chaque passage de l’évangile selon la lecture du jour, l’épisode dont il est fait mention, dans une facture qui ne dépasse pas le commun. Il en est de même des icônes, ces peintures indépendantes sur planches de bois, et qui sont pourtant le propre de l’art byzantin, mais inaugurées et propagées surtout en Russie. Faciles à manier et à transporter, elles se sont répandues dans les régions avoisinantes, la Bulgarie, la Serbie, et autres contrées de l’Europe orientale, où elles ont été reproduites, imitées ou de nouveau créées à grande profusion. Elles portent généralement la Vierge à l’Enfant, ou des saints individuels. Leur valeur tient au revêtement d’argent et à l’incrustation d’émail bien plus qu’à l’image peinte. Les icônes reproduisant dans un ensemble les scènes de Bethléem sont assez rares. Si dans l’une ou l’autre, l’âne est quelquefois remplacé par le cheval, ou traité comme tel, si une variante ou une autre se glisse par-ci par-là, le thème en soi s’est conservé immuable jusqu’à une date tardive. L’engouement des âmes pieuses pour les icônes, le pouvoir miraculeux qu’on leur attribuait, les a fait rechercher partout, même en dehors du contexte byzantin, depuis leur apparition. Il est fort probable que les moines de l’époque carolingienne (IXe-Xe s.) y ont puisé leur inspiration pour exécuter leurs miniatures, fresques et sculptures.
La première représentation de la Nativité dans l’art dit byzantin est antérieure à l’Empire byzantin lui-même, créé, en 395, par Théodose le Grand qui partagea l’Empire romain entre ses deux fils, l’Orient avec Byzance pour capitale, et l’Occident avec Rome. La façade de la Basilique de la Nativité à Bethléem, érigée par Constantin, était décorée de mosaïques...
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