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Actualités - CHRONOLOGIES

Negar, association basée à Paris, avait développé un réseau d’écoles clandestines pour filles dans la capitale afghane - Manidja, 22 ans, la professeur de l’ombre

Il y a 15 jours encore, le misérable appartement de Manidja, animatrice d’une école clandestine pour filles sous les talibans, était entouré de logements de combattants arabes qui ont fui Kaboul avec la milice intégriste. Aujourd’hui, les habitations de ces ressortissants séoudiens, irakiens et yéménites selon les voisins, dans le quartier de Share-Naw, sont vides, ostensiblement pillées. Les portes ont été fracturées et sur les chambranles, le ministère de l’Intérieur de l’Alliance du Nord a apposé de dérisoires petits bouts de papier où il écrit à la main en dari (persan) que les lieux sont sous sa protection. Début septembre, des membres de la sinistre police religieuse pour la Promotion de la vertu et la prévention du vice (PVPV) sont venus la chasser de chez elle, avec sa vieille mère et sa jeune sœur, jetant à la rue leurs maigres biens : quelques tapis élimés et des couvertures hors d’âge. Ils se sont approprié le logement aux murs lépreux, jusqu’à leur fuite éperdue devant les forces de l’Alliance du Nord, le 13 novembre. Le plus proche voisin de la jeune fille était un juge taliban, et quand elle communiquait avec ses amies ou les élèves, elle évitait soigneusement de prononcer le mot de «taliban», faisant seulement référence aux «paysans». «Une fois j’ai été fouettée par la PVPV car je ne portais pas de chaussettes, une autre fois parce que j’avais revêtu un pantalon sous mon tchadri (burqah). Je sortais le moins possible de chez moi», dit-elle. Pourtant, malgré ce climat de terreur imposé cinq ans durant par la milice fondamentaliste, Manidja, une jeune femme fluette au sourire qui lui mange le visage, affiliée à l’association de femmes Negar, a réussi pendant deux ans à donner des cours d’anglais chez elle plusieurs fois par semaine à une dizaine de fillettes et d’adolescentes. Negar, association basée à Paris, a développé un réseau d’écoles clandestines, finançant salaires et fournitures scolaires. «Nous demandions aux élèves de venir et de repartir une par une pour éviter d’attirer l’attention. Les grandes devaient cacher leur sac sous le tchadri, les petites apportaient leurs affaires dans un sac en plastique opaque», explique-t-elle. Dans les vingt-six écoles clandestines installées par Negar dans des maisons privées de Kaboul, les cours se sont poursuivis sans interruption jusqu’au début des bombardements américains sur la capitale afghane, le 7 octobre, et la dispersion des élèves dans les provinces ou au Pakistan. Durant les longues années de clandestinité sous les talibans, elle n’a jamais douté. «Nous, les femmes, étions comme ensevelies sous la neige, mais nous avions la certitude qu’il y aurait le dégel. Dix jours avant le départ des talibans, mes amies et moi nous savions que leur régime allait s’écrouler et qu’on allait avoir notre liberté. Deux enseignantes, Nazera et Hafiza, ont été emprisonnées par les talibans en juillet l’an passé, mais nous avons toutes décidé de continuer», dit-elle. Manidja, 22 ans et célibataire, est «contente». Les femmes «vont enfin pouvoir aller à l’école, enseigner et travailler». Elle-même est à la recherche d’un emploi pour subvenir aux besoins de sa famille. Dévoilée chez elle, elle remet sa burqah pour sortir. «Aucune femme ne l’a encore ôtée, même mes copines qui travaillent pour les ONG. J’ai entendu dire qu’à l’université, certaines filles l’ont fait. Moi je n’ose pas encore, car c’est le ramadan et il n’y a encore eu aucune annonce officielle là-dessus par les autorités», lance Manidja, soudain intimidée.
Il y a 15 jours encore, le misérable appartement de Manidja, animatrice d’une école clandestine pour filles sous les talibans, était entouré de logements de combattants arabes qui ont fui Kaboul avec la milice intégriste. Aujourd’hui, les habitations de ces ressortissants séoudiens, irakiens et yéménites selon les voisins, dans le quartier de Share-Naw, sont vides, ostensiblement...