Actualités - OPINIONS
La question d’Orient, - d’Alexandre aux croisades
Par GROUSSET RENE, le 16 novembre 2001 à 00h00
Le problème des rapports de l’Orient et de l’Occident ne date ni de la guerre russo-japonaise ni de la prédication de Gandhi. Il n’a cessé de se poser au cours de l’histoire. C’est lui qui confère à l’enquête d’Hérodote un intérêt toujours actuel, tout Européen croyant se reconnaître dans l’Hellène des Guerres médiques, comme le Mède symbolise à nos yeux toute l’Asie. Tranchée par Alexandre dans le sens occidental, la Question d’Orient, durant presque toute la durée de l’Empire romain, conserva une solution macédonienne. Parce que le Macédonien avait hellénisé l’Asie proche, Rome régna sur la péninsule d’Anatolie, la Syrie et l’Égypte. Et sans doute la domination romaine n’avait pu s’étendre à l’héritage macédonien tout entier, puisque l’Iran, avec les Parthes d’abord, surtout avec les Perses sassanides ensuite, retourna à ses races indigènes. Mais tout le littoral de la Méditerranée orientale avec l’arrière-pays jusqu’à l’Euphrate restait gréco-romain, et la réaction asiatique dont les Sassanides s’étaient faits les représentants ne put, malgré les victoires passagères de Sapor au IIIe siècle ou de Khosroès Parviz au commencement du VIIe, prévaloir à l’ouest du fleuve. La fondation entre l’Euphrate et l’Afghanistan du puissant Empire perse des grands-rois sassanides n’en constituait pas moins une menace très grave pour l’hégémonie de l’Occident parce que, dès ses débuts, dans le premier quart du IIIe siècle après Jésus-Christ, l’Iran sassanide ne s’était imposé qu’en s’opposant dans tous les domaines au monde gréco-romain. Quatre siècles déjà avant les légers escadrons arabes, la lourde chevalerie sassanide commençait à prendre sur les légions romaines, héritières de la phalange macédonienne, la revanche d’Issos et d’Arbèles, et cela à l’heure où à la surface même des provinces romaines de Syrie et d’Égypte le vernis hellénistique craquait de toutes parts pour laisser reparaître le fond syriaque ou copte. L’Asie se déshellénisait. Ainsi, quand commence le Moyen Âge, les plus graves symptômes extérieurs et intérieurs annonçaient que l’hégémonie, neuf fois séculaire de l’Occident gréco-romain sur l’Orient iranien ou sémitique, périclitait. Symptômes pareils à celui du canon de Tsushima annonçant à nos générations la proche revanche militaire des Asiatiques sur les nations blanches, pareils aussi à cette rébellion morale dont le Destour maghrébin, le Wafd égyptien ou la voix de Gandhi nous ont apporté le troublant écho. De même au déclin de l’Antiquité. Le triomphe soudain, inouï, foudroyant de l’islam au milieu du VIIe siècle ne fut que la lame de fond poussée par cette marée montante. Elle emporta tout, Syrie, Égypte, avec cette Jérusalem devenue, depuis la conversion de Constantin, la capitale spirituelle du monde romain et grec. La frontière de l’Europe qu’Alexandre avait portée à l’Indus, que les Romains avaient maintenue à l’Euphrate, recula jusqu’au Taurus. L’islam, c’était cela : la grande revanche de l’Asie. Un moment, à la fin du VIIe siècle, on put croire qu’il atteindrait d’un seul coup le Bosphore, et Byzance faillit être emportée. L’Empire byzantin résista cependant. Après une lutte de trois siècles, il réussit à la fin du Xe siècle à repousser un instant les Arabes jusqu’au-delà de l’Arménie et du moyen Euphrate ; avec les grands «basileis» Nicéphore Phocas, Jean Tzimiscès et Basile II, il réoccupa Antioche et Édesse et ce fut là proprement la première en date des croisades. Mais cette renaissance de l’orgueil byzantin fut relativement brève. Dans le dernier quart du XIe siècle une nouvelle vague d’invasion musulmane, l’invasion turque, déferla sur le Proche-Orient, submergeant non seulement la Syrie tout entière y compris Antioche, mais presque toute l’Anatolie byzantine, y compris Nicée. En 1090, les bandes turques arrivaient à la Marmara et semblaient à la veille de franchir le Bosphore. À cette date, l’intégrité de l’Europe ne pouvait être sauvée que par un sursaut d’énergie consciente, en l’espèce par l’entrée en scène des forces jeunes que représentait le nouvel Occident depuis la grande renaissance romane du XIe siècle, et cet effort c’est proprement ce qu’on appelle les croisades.
Le problème des rapports de l’Orient et de l’Occident ne date ni de la guerre russo-japonaise ni de la prédication de Gandhi. Il n’a cessé de se poser au cours de l’histoire. C’est lui qui confère à l’enquête d’Hérodote un intérêt toujours actuel, tout Européen croyant se reconnaître dans l’Hellène des Guerres médiques, comme le Mède symbolise à nos yeux toute l’Asie. Tranchée par Alexandre dans le sens occidental, la Question d’Orient, durant presque toute la durée de l’Empire romain, conserva une solution macédonienne. Parce que le Macédonien avait hellénisé l’Asie proche, Rome régna sur la péninsule d’Anatolie, la Syrie et l’Égypte. Et sans doute la domination romaine n’avait pu s’étendre à l’héritage macédonien tout entier, puisque l’Iran, avec les Parthes d’abord,...
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