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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Travaux et expérience clinique - Première journée d’études de la SLP - Analyste et analysant : le face-à-face de deux « êtres de désir »

Première journée d’études de la Société libanaise de psychanalyse (SLP). Sans choix de thème spécifique, dix spécialistes libanais réunis samedi aux Créneaux du Collège Notre-Dame de Nazareth ont fait partager le fruit de leurs travaux et de leur expérience clinique. Au menu, des diversités d’approche et une variété de sujets soulevés. «Le désir de construire du psychanalyste» a été le thème abordé par M. Maurice Khoury. Il a soumis à la réflexion un concept que Freud a élaboré vers la fin de sa vie : la construction. Intimement liée à la remémoration ou à la restitution du passé, celle-ci permet la «levée du refoulement». De l’intervention de M. Khoury, on dégage que la recherche du passé demeure l’objet de toute entreprise psychanalytique ; la structure du fantasme est forcément liée à un «référent», indice matériel et historique autour duquel gravitent les représentations et auquel s’articule le fantasme. Prenant à son tour la parole, Mme Mouzayan Osseiran Houballah a abordé le thème brûlant du «Souvenir, élaboration et deuil» autour de la guerre civile libanaise. Mme Houballah, qui a soutenu à Paris, en décembre 2000, une thèse sur «Les enfants soldats», tente de répondre à une question majeure : «Que reste-t-il du passé dans l’histoire vécue des gens ?». Autrement dit, que peut transmettre une mémoire collective ? Citant quelques points importants soulevés lors du colloque international sur le thème «Mémoire pour l’avenir» qui a eu lieu à Beyrouth les 30 et 31 mars 2001, Mme Houballah souligne «le silence» entretenu sur nos responsabilités dans cette guerre ; les victimes quasiment absentes de notre mémoire collective, ou encore condamnés à l’«oubli» par le pouvoir politique qui a voulu «effacer le passé», comme s’il n’avait pas existé. Or les souvenirs sont «refoulés dans l’inconscient», selon Freud. On n’oublie que lorsque «le sujet parle», selon Lacan. Ainsi donc, pour faire le deuil, il faut témoigner. «La transmission est indispensable», dit la conférencière. De ce fait, «il faut sortir de la répétition et amener les humains à se souvenir, à répéter, à élaborer leurs traumatismes, afin que puisse s’effectuer un travail de deuil», ajoute-t-elle. Il faut affronter un passé «emmuré dans une pesante négation» (puisque chacun attribue la responsabilité à l’autre) ; entreprendre un «ratissage de sens» ; une «construction reconstruction subjective», mais aussi, procéder à des «retrouvailles avec une mémoire individuelle vivante». La reconnaissance de la personne et de sa douleur est l’acte éthique qui permettra «la réintégration de cet exclu dans le monde de l’échange et du lien social», a conclu Mme Houballah. Très remarquée, l’intervention de Mme Liliane Ghazali sur le «transfert, contretransfert» et les «résidus transférentiels». L’intervenante propose une nouvelle notion du psychanalyste : «un être de désirs» et non plus un écran blanc sur lequel on projette tous les fantasmes «érotiques». Sa neutralité est une illusion, «un état idéal» rarement atteint. La conférencière met de côté la définition traditionnelle d’un analyste supposé «tout savoir» et jouant de son «pouvoir mythique» entretenu par le silence, par le cadre, par cet espèce de «halo d’anonymat» qui l’entoure et qu’il entretient. Elle indique que l’expérience analytique est «intersubjective» puisqu’elle met face à face «deux sujets désirants». Cet espace analytique génère chez l’analysant ce qu’on appelle le transfert qui, «dans le sens traditionnel», explique Mme Ghazali, «est le processus par lequel l’analysant actualise dans l’ici et le maintenant des fantasmes de son passé sexuel infantile essentiellement traumatiques et prend l’analyste pour objet actuel de la projection de ses désirs ; alors qu’en fait ils étaient destinés aux images originelles parentales». Toutefois, si le transfert est «le levier du travail analytique», il est, en même temps, le «générateur de la résistance», un frein à l’analyse. Le désir érotique culpabilise et empêche l’analysant de l’exprimer. Mais aussi, il peut devenir gênant pour le psychanalyste, et par conséquent, une «entrave à l’écoute» pour décoder le passé à partir des vestiges que lui donne son patient. Dès lors que faire pour débloquer l’analyste ? Celui-ci manifeste le contre-transfert en saisissant en écho son «être-sujet» et «son sujet – désir», c’est-à-dire ses points aveugles, son passé sexuel infantile, ses sentiments, son histoire etc. Cette perception l’aidera à être à l’écoute de son propre transfert – «retour du refoulé perçu et analysé» – et, dans la mesure du possible, redevenir «neutre, bienveillant, libre». Dans le cas contraire les séances devraient être suspendues. À son tour, M. Chawki Azoury a abordé l’«actualité du mythe du meurtre du père de la horde primitive» (voir interview) alors que Mme Yolande Gueutcherian a présenté une vignette clinique intitulée «Un parfum de Jasmin». Elle dit comment une élaboration rationnelle liant construction, analyse et interprétation peut sauver l’homme de ses phobies et de la folie. «La dépression, entre psychiatrie et psychanalyse» fut ensuite le sujet de M. Adel Akl alors que M. Élie Doumit, exerçant à Lille, en France, a parlé de l’éthique psychanalytique qui prend en considération le «réel», seul susceptible de venir «lester» les interprétations et la cure analytique. Wadad Zebib qui travaille au sein de l’«Association psychisme et cancer», centre Pierre Cazenave, révèle, à travers une expérience clinique, le profond trauma que représente cette maladie ; le soin urgent qu’il réclame et le rôle décisif de la qualité de l’accompagnement. Mme Wafica Kallassi a quant à elle traité du «Clivage identitaire masculin/ féminin en thérapie infantile des névroses». Planchant respectivement sur «L’inconscient et la langue de l’autre» et sur la «Fonction résistantielle du changement de langue dans les groupes», M. Adnan Houballah et Mme Mauricette Saïkali ont déclaré qu’au niveau individuel comme au niveau «groupal», le discours alternatif est l’expression de la résistance personnelle. Il permet à l’analysant de se distancer affectivement de l’événement raconté ainsi que du psychanalyste. «Cela ne peut être dit qu’en arabe», lance le patient, ou encore, «en français ça n’a pas le même sens». Mais finalement, lorsqu’il s’agit de réfléchir sur le «dit» et afin de s’assurer d’être compris, l’analysant s’exprimera dans la langue du psychanalyste. On peut guérir. Quand on veut, d’une certaine façon intime et profonde. Mais avec la volonté sourde, abondante… de franchir bien des frontières.
Première journée d’études de la Société libanaise de psychanalyse (SLP). Sans choix de thème spécifique, dix spécialistes libanais réunis samedi aux Créneaux du Collège Notre-Dame de Nazareth ont fait partager le fruit de leurs travaux et de leur expérience clinique. Au menu, des diversités d’approche et une variété de sujets soulevés. «Le désir de construire du...