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Face aux difficultés, deux solutions : restructurer ou sombrer
Par EL-HAGE ANNE-MARIE, le 16 octobre 2001 à 00h00
Défection d’élèves, licenciements d’enseignants et d’employés ont ébranlé le collège de La Sagesse de Jdeidé ces dernières années, semant le trouble et l’inquiétude dans les milieux éducatifs privés, eux-mêmes fortement touchés par la crise économique. Nommé à la tête de cette branche il y a trois ans, le père Dominique Labaki brosse un tableau de la situation de l’établissement et présente le plan de restructuration qu’il a élaboré et qu’il applique pour la troisième année consécutive. Un plan qui n’a pas été réalisé sans peine, mais qui semble avoir déjà porté ses fruits. Les parents d’élèves semblaient s’être donné le mot et retiraient leurs enfants de l’établissement, les uns après les autres. «À tel point qu’en 1999, 272 élèves avaient quitté le collège, suivis en 2000 par 216 élèves qui ont choisi soit le public, soit des établissements privés moins chers», raconte le père Labaki. La raison de ces départs en masse ? Probablement la crise économique qui sévit fortement dans cette région de Jdeidé, où la majorité de la population appartient à la classe moyenne et même défavorisée. Une population qui n’en peut plus de payer des scolarités qu’elle juge élevées et dont une partie préfère retourner s’installer à moindres frais dans son village d’origine ou carrément mettre ses enfants à l’école publique. Néanmoins, si la défection a été accompagnée de quelques réserves quant à la qualité de l’enseignement assurée par l’établissement, le père Labaki explique, soucieux de la bonne réputation de son établissement, que «plusieurs directeurs se sont succédé à la tête du collège en l’espace de dix ans et aucun n’a réellement eu le temps d’établir un véritable plan de travail ou de familiariser l’équipe pédagogique avec les nouvelles méthodes d’enseignement exigées par la réforme scolaire». Freiner le départ des élèves et réduire la scolarité Hormis cette lacune ressentie par les parents, les écolages, qui débutaient à deux millions de livres par an dans les classes maternelles et augmentaient selon la classe, devenaient trop lourds pour eux, en raison de la difficulté qu’ils éprouvaient à joindre les deux bouts. «Mon objectif principal, dès que j’ai pris en charge mes fonctions en 1999-2000, fut d’arrêter l’hémorragie et de freiner le départ des élèves, explique le père Labaki. C’est la raison pour laquelle j’ai instauré un plan d’urgence». Un plan qui a consisté, selon lui, à réduire les scolarités de 500 000 LL et à procéder à une restructuration complète au sein de l’établissement. Le directeur a ainsi licencié 25 enseignants en 2000 et 13 enseignants et employés en 2001, dont il déclare avoir étudié les dossiers au cas par cas, tout en prenant en considération le rôle pédagogique de chaque enseignant. «La décision de remercier une partie des enseignants a été très difficile à prendre, reprend le père Labaki, mais c’était pour moi le seul moyen de réduire les scolarités, d’autant plus que le départ d’un important nombre d’élèves et la fermeture de plusieurs sections impliquaient un surnombre au niveau du personnel, ainsi que des rentrées en moins pour l’établissement». Dans une volonté d’être constamment à jour, il a présenté le nouveau système pédagogique qu’il a instauré, mieux adapté à l’application des nouveaux programmes, encourageant par ailleurs tous les enseignants à suivre des sessions de formation continue, car, conclut-il, «je ne veux pas d’amateurisme». Deux années ont déjà passé depuis le début de l’application du plan de restructuration mis en place par le père Dominique Labaki. «Certes, la période des vaches maigres est loin d’être révolue, mais l’hémorragie des défections a cessé», constate-t-il. Aujourd’hui, la seconde phase du plan de restructuration est en application, alors que les parents des 1 350 élèves restants reprennent confiance dans l’établissement et dans sa nouvelle politique pédagogique. Un matériel pédagogique assuré, malgré la politique d’austérité Et pourtant, la nouvelle année scolaire ne s’annonce pas sans nuages. En effet, si la rentrée s’annonce plus facile grâce à l’application du plan de restructuration, de nombreux problèmes se posent encore, plus spécifiquement d’ordre pécuniaire. À titre d’exemple, le montant des scolarités impayées est estimé par le père Labaki à environ 409 millions 500 000 LL pour l’année scolaire 2000-2001, alors qu’en 1999-2000, il avait atteint environ 351 millions 800 000 LL. Et d’énumérer les cas de parents qui ignorent les convocations de la direction, alors qu’ils n’ont pas réglé leur facture, malgré la pression exercée par l’établissement pour les convaincre de régler leurs dettes. «Pression qui ne donne pas toujours les résultats escomptés, déplore-t-il. Et pourtant, en plus de la diminution des scolarités et de leur échelonnement sur 9 à 10 mensualités, nous accordons de nombreuses aides et réductions aux familles défavorisées, par le biais de notre assistante sociale, aides qui se sont élevées en 2000-2001 à 540 millions de livres libanaises. Certes, les demandes d’aides sont en augmentation continuelle, c’est pourquoi ce budget sera probablement porté à 600 millions de livres libanaises cette année», avoue le supérieur. Un budget qui accorde des remises allant jusqu’à 50 % aux orphelins, ainsi qu’aux familles nombreuses et défavorisées. Malheureusement, note-t-il, «si je suis parvenu à convaincre près de 90 familles de maintenir leurs enfants au collège, malgré leurs difficultés financières, certains parents d’élèves vivent des moments très difficiles et n’arrivent pas même à assumer la moitié de la scolarité», ajoutant que ces problèmes deviennent dramatiques lorsque les enfants sont particulièrement brillants. Évidemment, ces problèmes auxquels sont confrontés les parents se répercutent sur le bon fonctionnement du collège. «Nous sommes touchés par la crise au même titre que les parents d’élèves, déplore le père Dominique Labaki, et nous sommes contraints de pratiquer une politique d’austérité, car les scolarités impayées provoquent d’importants trous dans le budget de l’école, entraînant l’ajournement des travaux de rénovation et d’aménagement». «Et pourtant, insiste-t-il, nous ne lésinons pas sur le matériel pédagogique et assurons le nécessaire, tout en tenant compte des priorités». Cette politique d’austérité menée par le père Labaki l’a contraint à contrôler systématiquement toutes les dépenses, mais elle ne l’a pas empêché d’embaucher quelques jeunes enseignants ou même de geler le prix des transports, malgré les deux augmentations du prix de l’essence et de l’indemnité allouée aux enseignants qui a été portée par l’État à 6000 LL par jour. Car conclut-il, «les parents sont à bout de souffle et nous devons continuer à donner à tous des chances égales. Nous sommes soucieux de remplir notre mission d’école catholique».
Défection d’élèves, licenciements d’enseignants et d’employés ont ébranlé le collège de La Sagesse de Jdeidé ces dernières années, semant le trouble et l’inquiétude dans les milieux éducatifs privés, eux-mêmes fortement touchés par la crise économique. Nommé à la tête de cette branche il y a trois ans, le père Dominique Labaki brosse un tableau de la situation de l’établissement et présente le plan de restructuration qu’il a élaboré et qu’il applique pour la troisième année consécutive. Un plan qui n’a pas été réalisé sans peine, mais qui semble avoir déjà porté ses fruits. Les parents d’élèves semblaient s’être donné le mot et retiraient leurs enfants de l’établissement, les uns après les autres. «À tel point qu’en 1999, 272 élèves avaient quitté le collège, suivis...