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Actualités - REPORTAGES

ÉDUCATION - Rentrée scolaire sur fond de crise économique - III- Face à l’enseignement privé en péril, l’inertie de l’État

Depuis quelques années déjà, les directions des établissements scolaires sont confrontées à chaque rentrée aux mêmes problèmes : financiers, liés à la crise économique, mais aussi pédagogiques, liés à l’application des nouveaux programmes, qui s’aggravent au fil des ans, à mesure que la crise s’amplifie et dont la résolution, qui ne peut venir que de l’État, devient nécessaire, indispensable même. Car ces problèmes mettent en danger l’existence de l’enseignement privé dans le pays : quoi de plus grave en effet pour une école que de perdre ses élèves et d’être contrainte de licencier ses enseignants pour éviter la débâcle ? Après avoir donné un aperçu du marché du livre scolaire et exposé les soucis majeurs des parents d’élèves au cours de cette rentrée, nous tenterons de mettre au clair, à partir d’entrevues avec Mgr Camille Zeidan, secrétaire général des écoles catholiques, ainsi qu’avec quelques directeurs d’établissements scolaires, les problèmes les plus graves qui empêchent l’enseignement privé d’aller de l’avant et d’assurer à ses quelque 500 000 élèves ce plus auquel il a toujours aspiré et qui est sa raison d’être (Voir «L’Orient-Le Jour» des mardis 2 et 9 octobre). Vu l’incapacité d’un nombre de plus en plus élevé de parents à assumer les frais de scolarité de leurs enfants, les administrations scolaires se trouvent dans une position très inconfortable. À l’heure actuelle, les seuls chiffres publiés datent de l’année scolaire 1999-2000. Ils font état de 41 milliards de livres libanaises de scolarités impayées, rien qu’au niveau des écoles catholiques, alors que le montant des aides et bourses scolaires a atteint environ 21 milliards de livres, durant cette période. «Sept à huit pour cent du budget des écoles catholiques a été consacré aux aides durant les trois dernières années», note Mgr Zeidan. Si des statistiques plus récentes ne sont pas encore disponibles, les chiffres s’annoncent supérieurs, traduisant une réalité de plus en plus grave à mesure que la crise s’installe. À l’heure de l’austérité Et pourtant, remarque Mgr Zeidan, les écoles doivent persévérer dans leur mission et continuer à se doter du matériel pédagogique et des équipements nécessaires à l’application des nouveaux programmes, tout en accueillant les élèves dans une ambiance saine, au sein de bâtiments bien entretenus. Elles doivent aussi assurer aux enseignants la formation sans laquelle ils ne peuvent vivre l’esprit des nouveaux programmes et les appliquer correctement. Elles sont tenues, de plus, d’augmenter chaque année les salaires de leurs enseignants de 2,5 à 3 %, conformément à la loi, et de leur accorder les échelons exceptionnels que celle-ci prévoit, sans oublier les charges sociales qui en découlent. Malheureusement, déplore ce responsable, «en raison de la situation économique, les établissements privés ne sont plus en mesure de faire face à toutes ces dépenses, aussi urgentes soient-elles, et ont décidé d’opter pour des mesures d’austérité». D’autant plus que cette année, l’État a relevé les indemnités de déplacement que les écoles paient aux enseignants de 2 360 LL à 6 000 LL par jour. «L’État n’a d’ailleurs pas tenu ses promesses», constate Mgr Zeidan. En effet, il a accordé à trois reprises aux enseignants des échelons exceptionnels, ce qui implique des augmentations de salaires, sans pour autant réduire les cotisations que les écoles doivent verser à la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) et à la Caisse des indemnités. «Ces cotisations sont souvent payées à fond perdu, reprend Mgr Zeidan, sans que l’employé pour lequel nous payons n’ait le droit d’en profiter». Et pourtant, cette réduction que réclament les établissements privés faisait partie d’un accord établi entre eux, le syndicat des enseignants et l’État. C’est la raison pour laquelle les six grands groupes représentant l’ensemble de l’enseignement privé du pays, dont font partie les écoles catholiques, se sont mis d’accord pour geler les augmentations de salaires relatives aux échelons exceptionnels qui ont été accordés aux enseignants à partir du 1er juillet 1999. «Nous n’avons pas d’autre choix, déplore Mgr Zeidan. Certes, nous sommes conscients du fait que les enseignants ont droit à ces échelons, mais nous ne pouvons assumer ces frais sans augmenter les scolarités. Or, cela est impensable à l’heure où les parents n’arrivent même pas à payer les frais d’écolages». Et d’ajouter que les enseignants menacent de recourir à la grève, mais que la solution est entre les mains de l’État et non des établissements scolaires qui refusent d’augmenter les scolarités. «Mais le plus grave est peut-être à venir», conclut le secrétaire général, mettant en garde contre le risque que représente l’actuelle crise économique pour l’avenir de l’enseignement privé. «Jusque-là, note-t-il, la défection d’élèves du privé vers le public n’a pas dépassé 5 %, mais que nous réserve l’avenir ?», ajoutant que de nombreuses congrégations ne possèdent pas de propriétés et donc pas de moyens financiers pouvant couvrir leurs dettes, et qu’elles risquent un jour de devoir fermer leurs portes si la situation ne s’améliore pas. Revoir les modalités d’application des nouveaux programmes Abordant les problèmes pédagogiques, Mgr Zeidan expose les failles inhérentes aux nouveaux programmes et évoque l’impossibilité pour la majorité des établissements publics, à l’instar de nombre d’écoles du secteur privé, d’appliquer certaines matières nécessitant d’importants investissements, comme la technologie, l’informatique, la seconde langue étrangère, ainsi que l’éducation sportive, l’art, la musique, le dessin et le théâtre. Dénonçant le poids financier que l’application de ces nouveaux programmes a représenté pour l’ensemble du secteur privé, en période de crise économique, alors que de nombreuses matières ont, par la suite, été éliminées des examens officiels, Mgr Zeidan expose la proposition faite à ce propos par les six grands groupes représentant les écoles privées. Ainsi, explique-t-il, certaines matières, comme la seconde langue étrangère et la traduction, doivent redevenir matières à examens, car il s’agit de deux matières facilement contrôlables. Et d’ajouter que ces matières pourraient être réintroduites d’ici à trois ans, dans l’ensemble du secteur public, pour permettre aux écoles d’en préparer l’application dans les meilleures conditions. Quant à la technologie, remarque-t-il, elle devrait être intégrée aux sciences qui deviendraient plus pratiques. «Nous avons, par ailleurs, proposé l’informatique comme une matière indépendante, ajoute Mgr Zeidan, comme une habileté, un moyen d’apprentissage, car l’ordinateur est un outil». Il déplore, par ailleurs, le taux de réussite record aux examens officiels, qui s’est élevé à près de 92 %, «du jamais vu dans l’histoire du Liban», dit-il gravement. Un taux qui, selon ses propos, risque de remettre en question la valeur du diplôme libanais car il signifie que les correcteurs ont fait preuve d’une excessive indulgence dans les corrections. Le secrétaire général des écoles catholiques conclut en s’adressant à l’État. «À l’heure où le suivi de la réforme scolaire n’a pas été à la hauteur des espérances et alors que son application a été plus simple dans certains établissements privés que dans le secteur public, ne serait-il pas temps pour l’État de réfléchir à un contrat d’association avec le secteur éducatif privé ? Un contrat où ce secteur serait partiellement subventionné, car les investissements de ce dernier dans l’école publique se sont avérés non productifs. Un contrat qui serait moins coûteux et certainement plus rentable».
Depuis quelques années déjà, les directions des établissements scolaires sont confrontées à chaque rentrée aux mêmes problèmes : financiers, liés à la crise économique, mais aussi pédagogiques, liés à l’application des nouveaux programmes, qui s’aggravent au fil des ans, à mesure que la crise s’amplifie et dont la résolution, qui ne peut venir que de l’État, devient nécessaire, indispensable même. Car ces problèmes mettent en danger l’existence de l’enseignement privé dans le pays : quoi de plus grave en effet pour une école que de perdre ses élèves et d’être contrainte de licencier ses enseignants pour éviter la débâcle ? Après avoir donné un aperçu du marché du livre scolaire et exposé les soucis majeurs des parents d’élèves au cours de cette rentrée, nous tenterons de mettre au...