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HISTOIRE - Un grand mouvement humaniste planétaire - Osmose et complémentarité culturelles : Orient et Occident - Par Hareth Boustany
Par BOUSTANY Hareth, le 03 octobre 2001 à 00h00
Après douze siècles d’efforts, après plus d’un millénaire de sacrifices consentis par des milliers d’hommes et de femmes dont le travail de fourmis, loin des passions et des haines, loin des dissipations superficielles et futiles, entre les murs nus et austères des couvents et des «madrassats», des bibliothèques et des salles d’études qui ont essayé, en y mettant tout l’acharnement de leur jeunesse et l’espoir de leurs vies, de faire jaillir, du choc des batailles, un choc d’un autre genre, celui de la pensée, de l’intelligence, de la compréhension mutuelle et de la tolérance, la folie meurtrière des hommes, leur stupidité et leurs bêtises, viendront-ils à bout de cet édifice d’équilibre et de reconnaissance mutuelle, érigé pierre après pierre par des hommes de bonne volonté qui ont voulu croire et, ensuite, prouver que Dieu créa l’homme à son image ? Les autres, ceux qui se croient investis par Dieu de je ne sais quelle mission, ceux qui se font élire et acclamer par les peuples pour je ne sais quelle tâche; ceux qui ont accaparé Dieu, ceux qui ont fait main basse sur les richesses de la terre parviendront-ils à faire basculer notre univers dans le chaos ? Se trouvera-t-il un jour, de par ce vaste monde, une issue médiane par laquelle des hommes raisonnables et sensés arriveront à se frayer un chemin vers la lumière et la réconciliation entraînant avec eux tout le genre humain ? L’espoir fait vivre, tout comme il a soutenu ces humanistes d’un autre âge dont nous avons déjà parlé et dont nous parlerons encore. Ces «recenseurs de cultures», ses «rassembleurs d’idées» dont le but ultime était la seule culture qui mérite à leurs yeux de subsister, celle de l’être humain. Pour en revenir à ce grand mouvement humaniste planétaire qui est l’orientalisme, notons qu’au début du XIXe siècle, un nom se détache en Espagne, celui de Jose Antonio Conde qui commença ses recherches par l’étude de la numismatique arabe. Il édite ensuite La description de l’Espagne par ach-Charif al-Idrisi. Mais son ouvrage le plus important reste l’Histoire de l’occupation arabe de l’Espagne en trois volumes. Après la mort de Conde, son élève, Pascual de Gayangos, prit la relève. Bien qu’il écrivît ses principales œuvres en anglais et en français, il est considéré comme le chef de file des arabisants d’Espagne. Il étudia l’arabe à Paris dans la classe de Silvestre de Sacy, puis à Londres et à Madrid. Il compulsa pendant plusieurs années les manuscrits orientaux de l’Escurial qu’al-Ghaziri aurait archivés. Il édita ensuite en deux volumes l’Histoire des dynasties mahométanes de l’Espagne. il fut nommé professeur d’arabe à l’Université de Madrid et entreprit plusieurs voyages en Afrique du Sud d’où il rapporta plus de 400 manuscrits. Il les recensa dans une collection sous le nom de Collection Gayangos et publia l’Histoire d’ar-Razi, Kalilat et Dimna et La législation des Moriscos, ces Arabes convertis au christianisme. On lui doit aussi l’Histoire du palais de l’Alhambra et Les effets de la jurisprudence en matière de trêve et de guerre sainte de Ahmad el-Ghazal. Ce même précieux manuscrit fut publié en 1941 par Alfred E. Boustany, mais à partir de la copie manuscrite de Tétouan. Le Portugal Le Portugal suivit, mais un peu plus tard, les traces de l’Espagne. En effet, il faut attendre dans ce pays le XVIIe siècle pour voir éclore une école sérieuse d’orientalistes et d’arabisants. La première grammaire arabe n’y parut qu’en 1774 publié par le père A. D. Baptista, professeur d’arabe au couvent de Jésus des franciscains à Lisbonne. L’un des plus grands orientalistes portugais de ce siècle fut le père Juan de Sonza né à Damas et descendant d’une noble famille dont un des membres avait émigré au XVIIe siècle en Syrie. Juan de Sonza rentra au Portugal et intégra l’ordre des franciscains. Nommé professeur d’arabe à Lisbonne, il laissa trois importants traités : Les termes portugais issus de l’arabe, un Digeste de grammaire arabe et une recension des plus importants textes arabes traitant du Portugal. L’orientalisme en France au XXe siècle L’orientalisme français au XXe siècle se caractérise par beaucoup plus de rigueur par rapport aux siècles passés. Les études deviennent plus spécialisées et plus précises. Les domaines de recherches sont délimités par les régions géographiques et les subdivisions ethno-culturelles. Trois grandes têtes de chapitre se détachent : Les cultures turco-persanes, le monde arabo-musulman et l’Orient chrétien à l’exception de Byzance. Avant de citer les plus grands orientalistes et leurs œuvres, il convient de parler des institutions d’études supérieures et des centres de recherches spécialisés dans l’orientalisme en général et dans les études arabes en particulier. Il est de notoriété publique qu’un certain nombre d’universités françaises font la part belle au monde arabo-musulman. Outre l’Université de Paris, citons celles d’Aix-en-Provence, de Bordeaux, Poitiers, Nancy, Lyon et de Strasbourg. L’Université de Poitiers s’est spécialisée dans l’étude de la civilisation arabo-musulmane au Moyen Âge, alors que Nancy s’occupe de la linguistique contemporaine. À Paris, plusieurs instituts et départements de langue et de civilisation arabes sont disséminés dans cinq des quatorze université de la capitale française. Il faut leur ajouter les chaires de langue et de civilisation au Collège de France et à l’École des hautes études. Dans un cadre plus général, on trouve une section d’études arabo-musulmanes dans deux importants établissements. L’Institut de recherches et d’histoire des textes qui s’occupe des manuscrits et le Centre national de la recherche scientifique ainsi que l’École des langues orientales vivantes. En dehors de la France, il existe aussi des institutions françaises publiques et privées dont la mission fut depuis plusieurs dizaines d’années de promouvoir l’étude approfondie de la civilisation arabe. Le plus ancien de ces établissements est l’Institut des études orientales à l’Université d’Alger; mais il n’appartient plus à la France depuis l’indépendance de l’Algérie. Alors que deux autres instituts officiels français à l’étranger continuent leurs missions ; ce sont : L’Institut français des études arabes à Damas et l’Institut français d’archéologie orientale au Caire. Trois institut privés sont dirigés par les moines : l’Institut des lettres arabes, à Tunis, des pères blancs, l’Institut des dominicains pour les études orientales au Caire et l’Institut des lettres orientales à Beyrouth dirigé par les pères jésuites. Il est à noter que tous ces instituts à l’exception du dernier ne sont que des centres de recherches dont la mission est d’assurer aux spécialistes des données et des matières en vue de futures publications scientifiques; alors que l’Institut des lettres orientales de Beyrouth faisant partie de l’Université St-Joseph dispense, depuis sa fondation en 1933, un enseignement supérieur sanctionné par une licence, une maîtrise et un doctorat, tout en restant un centre de recherches et de publications. L’Institut des lettres orientales a disparu dernièrement au profit de la faculté des lettres et des sciences humaines. Mais il reste un des départements les plus actifs et les plus productifs de cette faculté de l’USJ. Les publications Les orientalistes ne peuvent produire sans un support de publication pour leurs études. C’est pour cela que plusieurs revues spécialisées ont vu le jour et sont devenus des outils de recherches et de documentation incontournables. La plus ancienne de ces publications fut La Revue du monde musulman (1906 – 1927); elle changea en 1927 d’appellation pour devenir La Revue des études islamiques. Son importance réside non seulement dans ses articles d’une haute tenue scientifique, mais surtout dans l’addenda critique qui lui est adjoint sous le titre d’Abstracta islamica. Le lecteur pourra aussi trouver des articles de grande valeur dans le Bulletin d’études orientales de Damas, dans les Annales islamologiques de l’Institut archéologique du Caire et dans les Mélanges de l’Université St-Joseph qui livrent aussi des textes arabes inédits. En 1954, parut pour la première fois la revue Arabica dont les sujets tournent autour de l’étude de la langue et de la littérature arabes. Dans un domaine beaucoup plus précis et plus pointu, citons deux revues auxquelles collabore l’orientalisme français : Studio Islamica qui s’occupe de l’histoire de la pensée arabo-musulmane et Le journal d’histoire économique et sociale de l’Orient. Deux autres revues beaucoup plus centrées sur les pays qui les éditent parraissent à Tunis et au Caire : La Revue des belles lettres arabes de Tunis et La Revue de l’Institut dominicain du Caire. Quant aux problèmes modernes et contemporains du monde arabo-musulman, ils sont disséqués et étudiés dans quelques revues très importantes dont Les cahiers de l’Orient contemporain et l’Orient qui traite de tous les courants de pensée et les idéologies du monde arabe contemporain avec une traduction française des principaux textes idéologiques. Citons enfin la revue Travaux et jours, éditée par le Centre culturel universitaire de Beyrouth (USJ) en collaboration avec le Centre d’études et de recherches du monde arabe contemporain. Mentionnons enfin que cet article s’est référé longuement à une étude sur l’orientalisme français écrite par le regretté père Michel Allad sj, un des derniers grands orientalistes du XXe siècle décédé tragiquement à Beyrouth pendant la guerre du Liban.
Après douze siècles d’efforts, après plus d’un millénaire de sacrifices consentis par des milliers d’hommes et de femmes dont le travail de fourmis, loin des passions et des haines, loin des dissipations superficielles et futiles, entre les murs nus et austères des couvents et des «madrassats», des bibliothèques et des salles d’études qui ont essayé, en y mettant tout l’acharnement de leur jeunesse et l’espoir de leurs vies, de faire jaillir, du choc des batailles, un choc d’un autre genre, celui de la pensée, de l’intelligence, de la compréhension mutuelle et de la tolérance, la folie meurtrière des hommes, leur stupidité et leurs bêtises, viendront-ils à bout de cet édifice d’équilibre et de reconnaissance mutuelle, érigé pierre après pierre par des hommes de bonne volonté qui ont voulu croire...
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