Actualités - REPORTAGES
De la recherche à l’étude des manuscrits
Par D.G, le 03 octobre 2001 à 00h00
L’attitude des Européens à l’égard des livres qu’ils trouvèrent au Liban fut d’abord négative, destructrice. À une époque où le livre européen était presque exclusivement chrétien, les livres que les Croisés virent au Liban leur parurent n’être que des Corans. Le résultat fut l’incendie de la bibliothèque de Tripoli en 1109. «Quand les Croisés entrèrent en conquérants à Tripoli, ils mirent le feu au Dar al-ilm. Voici dans quelles circonstances. Un prêtre, que Dieu le maudisse, s’effraya des livres qu’il y vit. Il était tombé sur la collection des exemplaires augustes du Coran. Ayant saisi un certain volume, il constata que c’était un exemplaire du Coran. Il fit la même constatation avec un autre volume et ainsi de suite jusqu’au nombre de 20. Il déclara alors que tout ce que renfermait ce Dar consistait exclusivement en Coran des musulmans. C’est pour cette raison que les Croisés l’incendièrent. Que Dieu maudisse ceux d’entre eux qui disparurent et déconcerte ceux qui sont encore vivants. Ils s’étaient emparés d’un certain nombre de livres, livres qui passèrent aux pays chrétiens». L’incendie de cette bibliothèque, «une des plus riches que les Arabes aient jamais possédées», aurait sa place dans les histoires du livre à côté de celui de la bibliothèque d’Alexandrie, d’autant plus que là, l’incendie n’est pas contestable. Le pillage d’un certain nombre de livres emportés en Europe va à l’encontre cependant d’une volonté de destruction systématique. Les livres chrétiens suspects d’hérésie ne furent guère mieux traités par les visiteurs apostoliques. Mais même sur la côte Malabar où, à la suite du synode de Diamper en 1599, les représentants de la papauté procédèrent à une destruction systématique des manuscrits syriaques des chrétiens de Saint-Thomas, bon nombre de manuscrits échappèrent au feu grâce à la dispersion des «bibliothèques». À plus forte raison la destruction des manuscrits syriaques au Liban fut-elle limitée puisqu’il n’y avait pas là de soldats portugais pour aider un P. Eliano. Dès 1578, ce dernier fit un autodafé de livres syriaques et arabes utilisés par les maronites. En revenant en 1580, il apportait, en compensation, des livres imprimés à Rome en arabe, son catéchisme, les résolutions du concile de Trente, bref tout le nécessaire du catholique apostolique et romain, et voyagea à l’intérieur du Liban pour les distribuer et brûler de nouveaux manuscrits. Dans un premier temps, les impressions arabes de Rome ont pour but non pas de compenser le manque de livres au Liban, mais de remplacer les manuscrits, de substituer les imprimés romains aux manuscrits libanais. Le P. Dandini, qui succéda au P. Eliano comme envoyé du pape, montra à la fois plus de compréhension et plus de diplomatie. Mais au fond, le but recherché était le même. Au lieu de brûler les manuscrits suspects, le P. Dandini les fit mettre dans les archives patriarcales; il les retirait de la circulation, ce qui pour Rome était l’essentiel. D’autre part, il apportait des impressions romaines qui cette fois n’étaient plus de simples traductions des textes romains, mais l’impression de manuscrits maronites après leur révision par les théologiens romains. Il y avait donc une évolution très nette, mais la méfiance à l’égard des Églises orientales se manifeste sous deux formes. D’abord l’impression d’un livre liturgique maronite comme le Missale chaldaicum rencontra de nombreuses difficultés à Rome, d’autre part le P. Dandini se félicitait que les maronites n’aient pas d’imprimerie. C’est-à-dire que l’imprimerie est un monopole que la papauté entend garder pour que les seuls livres imprimés le soient par ses soins et sous son contrôle. La confiscation des manuscrits et l’impression de textes révisés par Rome entraînèrent l’arrivée à Rome de nombreux manuscrits. Ceux-ci, après avoir servi à connaître et à rectifier les erreurs schismatiques que l’on pouvait trouver dans les Églises d’Orient, furent bientôt recherchés à une autre fin. Dans la controverse antiprotestante, le catholicisme avait retiré un avantage important des travaux de patrologie grecque auxquels s’étaient livrés des Hellénistes catholiques. On en attendait un semblable des textes chrétiens en syriaque et en arabe, principalement des versions de la Bible en ces langues. Pour la polémique avec les protestants, pour l’exégèse biblique et pour la connaissance des débuts du christianisme, les manuscrits orientaux devinrent essentiels. Rome acheta des manuscrits, envoya des émissaires comme les Assémani, sollicita de patriarches et d’évêques orientaux l’offre de manuscrits. C’est ainsi que la Vaticane put devenir la plus riche bibliothèque de manuscrits syriaques que le catalogue d’Assémani fit plus tard connaître, révélant ainsi la littérature syriaque au monde savant. Parallèlement à cette recherche de manuscrits dont les motivations étaient religieuses, une autre se développa au profit des humanistes, puis des savants et des hommes de lettres. Un des lieux privilégiés de ces acheteurs de manuscrits fut Constantinople. Dès son ouverture, il y eut à l’ambassade de France des hommes qui, pour le compte du roi ou de hauts personnages, recherchèrent des manuscrits à la fois grecs et orientaux. Guillaume Postel arriva en 1537 avec La Forest, le premier ambassadeur de France; or, le but de sa mission était l’achat de manuscrits orientaux. Savary de Brèves comme ambassadeur achetait des manuscrits pour son propre compte et il est certain qu’il était dans un milieu sensibilisé à l’intérêt que présentaient ces manuscrits.
L’attitude des Européens à l’égard des livres qu’ils trouvèrent au Liban fut d’abord négative, destructrice. À une époque où le livre européen était presque exclusivement chrétien, les livres que les Croisés virent au Liban leur parurent n’être que des Corans. Le résultat fut l’incendie de la bibliothèque de Tripoli en 1109. «Quand les Croisés entrèrent en conquérants à Tripoli, ils mirent le feu au Dar al-ilm. Voici dans quelles circonstances. Un prêtre, que Dieu le maudisse, s’effraya des livres qu’il y vit. Il était tombé sur la collection des exemplaires augustes du Coran. Ayant saisi un certain volume, il constata que c’était un exemplaire du Coran. Il fit la même constatation avec un autre volume et ainsi de suite jusqu’au nombre de 20. Il déclara alors que tout ce que renfermait ce Dar...
Les plus commentés
Le Liban doit « apprendre de Chareh » : cette phrase pleine de sous-entendus d’Ortagus
Municipales : derrière les percées FL, des alliances parfois contre nature
« Tout le monde veut venir au Liban » : malgré la flambée des prix des billets, de nombreux expatriés attendus cet été