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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Congrès - Plus de 120 spécialistes à Bagdad pour discuter l’évolution de l’écriture - L’archéologie renaît de ses cendres en Mésopotamie

Le «congrès international du 5e millénaire de l’invention de l’écriture en Mésopotamie» a regroupé plus de cent cinquante spécialistes à Bagdad. Les archéologues, épigraphistes et grands chercheurs de différentes nationalités (Anglais, Russes, Français, Allemands, Italiens et Arabes) qui ont répondu à l’invitation de l’État irakien voulaient, à leur façon, défier l’embargo. Appréciant cette première initiative depuis dix ans, les responsables irakiens ont déployé de grands efforts pour faciliter le séjour de leurs invités. Le congrès était placé sous le patronage du président de la République, Saddam Hussein, qui s’était fait représenter lors de la séance d’ouverture par le ministre des Affaires étrangères, M Tarek Aziz. Ce dernier a insisté au cours de son allocution sur l’embargo «culturel» imposé à l’Irak et visant, selon lui, à «détruire sa civilisation millénaire». Il faut dire que la politisation de l’histoire est omniprésente dans les discours des chefs du parti Baas. Ainsi, on ne parle pas de l’homme assyrien ou babylonien, mais de «l’Irakien ancien». Le ministre de la Culture a même considéré les enfants de l’Irak comme étant les petits-fils des Assyriens ! De fait, l’État irakien a récemment créé l’Organisation nationale pour l’archéologie, une espèce d’énorme administration remplaçant la Direction générale des antiquités dans la gestion du patrimoine dans l’ancienne Mésopotamie. Cette organisation vise à remettre de l’ordre dans ce secteur oublié, tenter de limiter le pillage, rouvrir les portes des musées, restaurer les sites et faire redémarrer les fouilles et les publications scientifiques. Avec un budget annuel équivalent à celui d’un ministère, cette administration a fait son entrée dans le domaine en organisant «le congrès international pour le 5e millénaire de l’invention de l’écriture». La première séance était consacrée à une tournée dans le musée national de Bagdad qui avait rouvert ses portes l’année dernière après dix ans de fermeture. Une de ses salles avait été aménagée pour recevoir les congressistes. Cette pièce était dédiée à l’écriture en Mésopotamie au cours de toutes les périodes historiques. Des tablettes cunéiformes, des statuettes assyriennes et babyloniennes, des manuscrits et des copies du Coran étaient étalés dans les vitrines. Parmi les objets figurait la statue d’un notable babylonien, volée puis restituée à l’Irak. Les spécialistes s’amusaient au cours de leur tournée à déchiffrer les textes cunéiformes tout en essayant de les traduire, comme s’il s’agissait de leur langue maternelle. Une bouffée d’air A l’hôtel Mansour Milia, deux salles ont été préparées pour recevoir ces épigraphistes du monde entier qui ont discuté trois jours durant l’écriture cunéiforme dans tous ses aspects, les nouvelles lectures des textes ainsi que la calligraphie arabe. Plus de deux cents conférences ont été données suivant les trois grands thèmes du congrès. Les débats du premier jour étaient centrés sur la naissance de l’écriture et son impact sur la société. Les discussions du second jour portaient essentiellement sur l’évolution de l’écriture au cours des trois premiers millénaires av. J-C et les origines de la calligraphie arabe, essentiellement après la naissance de l’islam. L’écriture en tant que telle, son enseignement dans les différentes civilisations et la conservation des tablettes, tel était le sujet des nombreuses recherches présentées par les spécialistes au cours de la troisième et dernière journée du congrès. Pour égayer l’ambiance et décontracter les spécialistes, deux soirées récréatives étaient prévues par les organisateurs. La première était une pièce de théâtre montée à Bagdad par l’Académie des beaux-arts dramatiques, relatant l’épopée de Gilgamesh. Le lendemain, tous les participants au congrès devaient assister à un défilé de mode ayant pour thème «Les tenues vestimentaires en Irak depuis l’aube des temps». Les mannequins ont ainsi défilé en habits de princesse sumérienne, akkadienne, babylonienne et assyrienne. Les habits étaient splendides. Un véritable musée vivant, surtout que les tenues étaient des reproductions de vêtements mis au jour dans les tombes royales, enrichis de bijoux couvrant la tête des mannequins. Pour la période musulmane, tout le faste des harems et des tenues osées des esclaves étaient repris tentant de mettre en valeur la grandiose civilisation abbasside. La reprise des fouilles Après la guerre du Golfe, la plupart des fouilles archéologiques d’Irak avaient été suspendues. Les missions scientifiques ne pouvaient plus obtenir de visas et leurs États refusaient le financement. Mis à part quelques passionnés de la Mésopotamie, aucun archéologue ne franchissait les frontières irakiennes. Réalisant l’absurdité de l’embargo, ils ont voulu aujourd’hui reprendre leurs missions et s’emploient à trouver des artifices pour contourner les nombreuses complications limitant leur séjour. Il leur faut, en effet, régler en premier la question de l’argent. Étant donné l’interdiction de transfert entre les banques européennes et celles d’Irak, les responsables des missions sont obligés de voyager avec tout l’argent de leur travail en espèces et accepter d’être coupés du monde durant tout leurs séjour en Irak. Car, faut-il le rappeler, les moyens de communications sont quasi inexistants dans ce pays (le courrier électronique est interdit et les fax ne passent pas toujours). Mais certaines missions, comme celles des Allemands ou des Italiens, ont surmonté tous ces obstacles et sont déjà à pied d’œuvre sur le terrain. Ce retour des archéologues aidera beaucoup leurs collègues irakiens coupés du monde depuis plus de dix ans. «Nous menons un combat quotidien pour éviter d’être dépassés par toutes les nouvelles technologies, malheureusement, nous devons reconnaître que nous le sommes», déplore M. Rabih el-Kaissi, directeur de l’Organisation nationale de l’archéologie. «Il nous est par exemple interdit de commander ou d’acheter des livres scientifiques, ainsi, nous ne sommes pas au courant des études qui se font sur un matériel découvert dans notre pays», poursuit-il. Il est aujourd’hui certain qu’une nouvelle collaboration avec les archéologues étrangers pourrait modifier la donne. Les experts sont pleins de bonne volonté et les demandes de fouilles sont nombreuses. Reste à espérer que l’esprit scientifique et de recherche puisse triompher de la politique.
Le «congrès international du 5e millénaire de l’invention de l’écriture en Mésopotamie» a regroupé plus de cent cinquante spécialistes à Bagdad. Les archéologues, épigraphistes et grands chercheurs de différentes nationalités (Anglais, Russes, Français, Allemands, Italiens et Arabes) qui ont répondu à l’invitation de l’État irakien voulaient, à leur façon, défier l’embargo. Appréciant cette première initiative depuis dix ans, les responsables irakiens ont déployé de grands efforts pour faciliter le séjour de leurs invités. Le congrès était placé sous le patronage du président de la République, Saddam Hussein, qui s’était fait représenter lors de la séance d’ouverture par le ministre des Affaires étrangères, M Tarek Aziz. Ce dernier a insisté au cours de son allocution sur l’embargo...