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Actualités - INTERVIEWS

RENCONTRE - Architecte, designer, éditeur de mobilier et scénographe - Jean-Michel Wilmotte : après le Musée national, Sursock et le temple de Jupiter

Jean-Michel Wilmotte est l’un des designers les plus personnels et créatifs des deux dernières décennies. Homme de communication, ennemi des théories trop statiques, il affiche son credo : des matériaux, rien que des matériaux… du métal, du verre, du granit, qu’il malmène jusqu’à ce qu’ils «vibrent». Homme en mouvement, à la fois designer, architecte d’intérieur, éditeur de mobilier, il a conçu la signalétique intérieure du Musée national de Beyrouth et il travaille actuellement sur les projets de réaménagement du musée Sursock. Le Festival international de Baalbeck recevra cet été, les 20 et 21 juillet, le ballet de l’Opéra national de Paris dans Clavigo, drame romantique de Johann Wolfgang von Goethe, une chorégraphie de Roland Petit. Pour préparer l’événement et adapter la mise en scène du site du temple de Jupiter, Jean-Michel Wilmotte ainsi que l’équipe technique de l’Opéra de Paris se sont rendus sur les lieux pour étudier l’implantation, le décor et l’éclairage du spectacle. À noter que Gabriel Yared est l’auteur de la musique de ce ballet et que ce spectacle porte le label de la francophonie. Jean-Michel Wilmotte, né en 1948, diplômé de l’École Camondo, crée son bureau d’études, Governor, en 1975. Il est inscrit à l’Ordre des architectes en 1993. Avec une équipe de soixante-dix personnes de nationalités différentes, architectes, architectes-urbanistes, architectes d’intérieur, designers, il réalise de nombreux chantiers en France et à l’étranger. Les activités du bureau d’études, centrées à l’origine sur la création de mobilier et l’architecture intérieure, notamment dans les domaines de la muséographie et de la «greffe contemporaine» sur des bâtiments anciens, s’étendent maintenant à des réalisations d’architecture. Plus récemment, un département de design industriel a été créé. En outre, l’agence développe depuis quelques années le concept d’«architecture intérieure des villes», nouvelle approche du traitement des espaces urbains qui concerne les revêtements (sols, murs et façades), les plantations, l’éclairage, le mobilier urbain et les transports. Architecte incontestablement à la mode, il s’est depuis affirmé sur la scène internationale comme l’un des porte-drapeaux de l’imagination française, à l’instar de Christian de Portzamparc, de Philippe Starck ou de Jean Nouvel. Moins on en voit, et mieux c’est, pourrait affirmer ce tenant d’une certaine discrétion. «J’aime qu’on ne décèle la qualité d’un détail qu’à la quatrième lecture». Tout comme Mies van der Rohe, le maître allemand du Bauhaus, Wilmotte est à la fois designer et architecte, capable de concevoir une poignée de porte, une passerelle, aussi bien qu’une façade. C’est d’abord un maître de la réhabilitation, avec ce musée du Chiado à Lisbonne, dans un quartier entièrement anéanti par un incendie, ou avec cet ancien hôpital de Nîmes transformé en lycée. Mais il s’est aussi affirmé comme créateur à part entière, comme en témoignent cet établissement thermal en Lozère, cette villa privée près d’Aix-en-Provence ou cet IUT à Auxerre. De la France à la Corée, en passant par le Portugal, le Japon, l’Italie, la Russie, le Maroc, la Belgique et les États-Unis ; des Champs-Élysées au musée du Louvre et au Quai d’Orsay, de la rue Sainte-Catherine, à Bordeaux, au tramway d’Orléans, de la salle Drouot aux boutiques Cartier, Jean-Michel Wilmotte est partout. Inévitable. À 52 ans, il dirige l’une des trois plus grosses agences françaises d’architecture, s’occupant en permanence d’une centaine de chantiers. Une telle omniprésence dans le paysage français et international de l’architecture, de l’urbanisme et du design étonne ou agace. «Sa force? C’est à la fois un artiste et un entrepreneur. Un cas unique dans la profession», explique Francis Rambert, rédacteur en chef de D’A, magazine d’architecture, et auteur d’un livre sur Wilmotte. Ce double profil est sans aucun doute à l’origine de sa fulgurante ascension, associée à un étonnant sens des rencontres qui a amené ce jeune homme timide, architecte d’intérieur, à investir peu à peu tous les secteurs de l’architecture – design, muséographie, urbanisme et architecture tout court – avec un tel appétit. Et une réussite incontestable. Son style sobre – du moderne classique, en quelque sorte – séduit et lui donne un début de notoriété. Mais c’est François Mitterrand qui lui donne sa chance en le choisissant pour réaliser sa chambre à l’Élysée, en 1983. Wilmotte devient alors l’architecte d’intérieur à la mode, les promoteurs, notamment, se l’arrachent. Mais ce travailleur opiniâtre, fourmillant d’idées, a bien d’autres ambitions. Il revendique très tôt le droit à l’éclectisme : «Je ne suis pas l’homme d’un monoproduit», affirme-t-il avec force, se défendant contre les critiques d’une profession qui, en général, désapprouve les touche-à-tout. Il a acquis la réputation, enviable, «de savoir flirter avec les vieilles pierres», comme le souligne un expert, de moderniser un patrimoine avec une délicatesse sans pareille. C’est sans doute ce qui a séduit les musées en quête de réhabilitation. Dont ceux du Liban, à commencer par le Musée national, dont il a signé la muséographie puis, aujourd’hui, le musée Sursock dont le comité lui a confié les travaux de restructuration et l’aménagement d’un bâtiment annexe. Les travaux commenceront après le Salon d’automne 2002. Ils dureront deux ans. «Le musée Sursock formerait le contre-pied du Musée national, pour une partie plus contemporaine». «Nous ferons en sorte que ce nouveau musée réponde aux normes de sécurité les plus pointues, afin de lui permettre de recevoir des œuvres internationales de valeur. Il comportera toutes les installations nécessaires pour un musée de niveau international : un espace d’exposition temporaire, un autre pour les expositions permanentes, une librairie, un amphithéâtre»… Outre la rénovation du musée actuel, ce projet comporte la construction d’un bâtiment annexe dans le sous-sol de la cour. Pour ne pas faire ombrage à la si belle façade. «En creusant sous la cour du jardin, à trois niveaux, nous allons aménager une grande salle, de 1 000 m2 sur huit mètres de haut, pour les expositions temporaires. Il y aura également une bibliothèque, un amphithéâtre d’environ 200 places. Le musée existant sera rénové pour accueillir des œuvres permanentes». Pour relier les deux bâtiments, des circulations verticales (ascenseurs). «L’éclairage naturel du sous-sol sera assuré par des grandes fuites de lumière venant de bassins verticaux : des lames de verre sur lesquelles l’eau circulera». Un autre aspect de son travail se concrétisera à Baalbeck dans sa mise en architecture du spectacle du Ballet national de Paris. «Transposer “Clavigo” dans le cadre somptueux du temple de Jupiter m’a paru de prime abord difficile dans le mesure où on n’a pas tout l’équipement scénographique dont on disposait à Paris . Il s’agira donc de recréer l’atmosphère générale du spectacle avec les éléments existants sur le site. À Paris, j’avais monté une architecture relativement discrète qui suggérait des lieux : des jeux de murs, des écrans, des transparences. Le tout accompagné de jeux de lumière suggestifs. L’intervention à Baalbeck sera discrète car le site est tellement beau qu’il serait dommage de le couvrir». Wilmotte est aussi l’homme des coups de cœur. Lors de son récent et bref séjour, il a «découvert une ville à petite échelle, près de Beyrouth, où l’architecture ancienne est entièrement construite de pierre». Le khan de Saïda, puisque c’est de cette médina dont il s’est entiché, «est incroyable, une charnière entre la mer et la médina. Un endroit qui a beaucoup de potentiel sur le plan touristique. Et culturel». «J’espère que les nouveaux souks à Beyrouth seront aussi beaux que ceux de Saïda», conclut-il. Complètement sous le charme de cette ville, Jean-Michel Wilmotte se tait, l’œil rêveur.
Jean-Michel Wilmotte est l’un des designers les plus personnels et créatifs des deux dernières décennies. Homme de communication, ennemi des théories trop statiques, il affiche son credo : des matériaux, rien que des matériaux… du métal, du verre, du granit, qu’il malmène jusqu’à ce qu’ils «vibrent». Homme en mouvement, à la fois designer, architecte d’intérieur, éditeur...