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SITES MENACÉS - Un temple romain entre Aintoura et Mtein détruit - Pillage au bulldozer des monuments antiques
Par FARCHAKH Joanne, le 09 mars 2001 à 00h00
Le pillage des sites archéologiques prend de l’ampleur au Liban. Les fouilleurs clandestins ne ménagent plus les vestiges. Utilisant les grands moyens et les «nouvelles technologies», ils ont remplacé la pioche par le bulldozer, les truelles par la dynamite. Pour eux, tous les moyens sont bons pour trouver «les trésors» enfouis dans le sol. Et dans leurs recherches, ils n’hésitent pas à faire sauter des structures millénaires, des murs de fondations, des bas-reliefs gravés sur les rochers. Une de leurs nombreuses «victimes» est le temple romain édifié aux alentours du village de Mtein. Imposant, beau, il surplombe tout le Metn et domine l’ancienne route qui relie le littoral à Zahlé. Arbres et buissons revêtent les lieux d’un manteau de verdure qui charme les yeux. Aucun signe de présence humaine à la ronde. Le site est à l’abri de toute déformation du paysage, il y a quelques mois il était pittoresque, maintenant c’est un amas de pierres et ses structures n’ont plus beaucoup de sens. Mentionné dans les livres archéologiques comme étant le temple de Aintourat el-Metn, il est situé en fait dans le cadastre libanais dans les alentours de Mtein et les habitants de la région le surnomment Bourj el-Mseika et n’ont aucune notion de sa fonction ou de son importance historique, pour eux il s’agit d’une tour de surveillance vieille de quelques siècles. Les informations concernant le temple de Mtein sont quasi inexistantes car il n’a jamais été fouillé et aucune inscription ou sculpture n’ont été repérées, précisées sur les lieux, souligne l’archéologue Rolland Jammal. «D’ailleurs, nous ne savons même pas à quelle divinité il était dédié», précise-t-il. «Mais selon son architecture, on peut dire qu’il est périptère, entouré de tous côtés par une colonnade dont on ne trouve plus rien aujourd’hui. Aucune trace de colonnes ou de chapiteaux» poursuit-il. D’ailleurs, dans l’état actuel du temple, il est impossible de situer la cella ou les limites exactes de la salle des prières. Car les imposants blocs de pierre qui les délimitaient ont été démontés pour laisser passage au bulldozer dont on voit encore les traces sur le sol. Placé à l’intérieur du temple, sur les assises du mur est, l’énorme engin a creusé des trous de trois mètres de profondeur dans les soubassements du podium. La partie nord du temple a été transformée en un trou béant. Et les immenses blocs de pierre démontés sont entassés dans les alentours du temple ou jetés un peu plus loin. «Recueillir des informations sur le temple après cet acte de vandalisme peut être qualifié de mission difficile. Les sols archéologiques ont été perturbés et même détruits dans la partie la plus sacrée du monument. Pour évaluer les dégâts, il faut procéder à un nettoyage du site et effectuer des relevés d’architecture. Par la suite, pour comprendre le site, il faut effectuer des fouilles archéologiques», note M. Jammal. En effet, une étude de cet ensemble cultuel peut être fort intéressante, car elle explique le choix de son emplacement et peut même révéler la divinité à laquelle le temple était consacré. Et il est important de souligner que ce temple fait partie de tout un complexe architectural. Trois immenses blocs de pierres taillées sont dressés sur son côté sud et marquent ainsi les portes d’entrée de tout l’ensemble cultuel. Des aménagements du sol se voient encore entre les arbres. Un silence enveloppe l’acte de vandalisme Il est évident pour les habitants du village qu’un tel acte de pillage n’a pu passer inaperçu. Car les fouilleurs ont utilisé un bulldozer et les travaux se déroulaient le jour. Or dans une si petite localité où rien ne se passe au cours de la journée, il est impossible que de tels «opérations» aient été effectuées sans qu’elles soient remarquées. Mais tout le monde assure n’avoir rien vu et rien entendu. Un silence de mort enveloppe l’affaire. Un silence à la «sicilienne», comme si chaque mot prononcé sera pénalisé. Toutefois, le président du conseil municipal du village de Mtein, M. Kamal el-Hajj, affirme que mis au courant de l’acte de vandalisme, il a envoyé des lettres à la DGA lui demandant d’aider au financement d’un gardien pour le site et à le clôturer. Mais il semble que les réponses tardent à venir. En attendant, M. el-Hajj assure même que «le policier de la municipalité effectue des tournées quotidiennes sur les lieux. Et nous ne pouvons pas faire plus que cela, nos moyens ne nous le permettent pas» poursuit-il. Cependant, il est triste de constater que les tournées du gardien ne sont pas très efficaces puisqu’un nouveau trou d’une cinquantaine de centimètres de profondeur a été creusé à proximité de la porte d’entrée ! Et il semble que cette opération ne date pas de plus d’un mois. Le pillage se poursuit et le silence des villageois aide à la destruction des vestiges millénaires. En fait, la meilleure sauvegarde d’un site consiste dans l’instruction. Les vrais gardiens sont les habitants. S’ils comprennent l’intérêt des lieux historiques ils ne permettront pas leur destruction. Les campagnes de sensibilisation dans les villages assurent la préservation des vestiges historiques. D’ailleurs, M. el-Hajj assure que la lettre n’a été envoyée à la DGA que suite à une conférence alarmante sur l’état des lieux des monuments de leur village faite par l’archéologue Ibrahim Kawkabani. «On s’est alors rendu compte de la dégradation du site et on a cherché à le sauvegarder» souligne le président du conseil municipal. Or, à elle seule, la bonne volonté ne résout pas de tels problèmes. Le nombre de sites archéologiques inconnus et délaissés au Liban dépasse largement le nombre de ceux qui sont classés sur la liste du patrimoine national. Si l’entretien et la préservation de ces derniers sont plus ou moins assurés, il n’est en pas de même pour les autres. Le temple de Mtein est un cas parmi tant d’autres. Ces lieux millénaires sont les terrains de jeux des pillards clandestins à tel point qu’il est possible de créer une liste du patrimoine national menacé.
Le pillage des sites archéologiques prend de l’ampleur au Liban. Les fouilleurs clandestins ne ménagent plus les vestiges. Utilisant les grands moyens et les «nouvelles technologies», ils ont remplacé la pioche par le bulldozer, les truelles par la dynamite. Pour eux, tous les moyens sont bons pour trouver «les trésors» enfouis dans le sol. Et dans leurs recherches, ils n’hésitent pas à faire sauter des structures millénaires, des murs de fondations, des bas-reliefs gravés sur les rochers. Une de leurs nombreuses «victimes» est le temple romain édifié aux alentours du village de Mtein. Imposant, beau, il surplombe tout le Metn et domine l’ancienne route qui relie le littoral à Zahlé. Arbres et buissons revêtent les lieux d’un manteau de verdure qui charme les yeux. Aucun signe de présence humaine à la ronde....