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Actualités - INTERVIEWS

RENCONTRE - La grande dame de l’écran arabe se confie, avant son départ, à « L’Orient-Le Jour » - Faten Hamama : star discrète

Elle avance derrière son sourire. Nulle ostentation chez Faten Hamama qui signale la star. D’une grâce très Kelly, cheveux tirés en chignon, elle porte une abaya noire sertie, très discrètement, de fils en or. Elle cultive un chic minimaliste, c’est connu. Quelques rides. Si la nature est forcée, c’est discret. Dans la suite d’un hôtel à Beyrouth, Faten Hamama (avant son départ) nous a livré avec métier ses confidences. Entre maman-poule et diva. Elle est moins intimidante qu’imaginé, plus vivante, plus renifleuse des attentes. Tout est là. Dans cette fraîcheur annoncée par une franche poignée de main, dans ce regard volontaire et chargé de sympathie. Et cette voix, reconnaissable parmi des milliers, tamisée, avec cet accent égyptien si mélodieux . Ses réponses sont courtes, précises, qu’elle ponctue par des mots anglais ou français. Cela fait presque 27 ans qu’elle n’a pas foulé le sol libanais. «J’y ai passé mes plus beaux jours. Après les évènements, j’étais réticente à venir. Je voulais garder en tête ces souvenirs, l’image de cette belle ville. La voir meurtrie, dévastée m’aurait fait trop de peine». Là, aujourd’hui, elle trouve que Beyrouth est devenue plus belle qu’avant. «Elle est reconstruite d’une manière “modern”, “beautiful”, tout en gardant son cachet historique», affirme-t-elle. Elle est sans conteste la grande dame de l’écran arabe depuis plus de quarante ans. Faten Hamama est née le 27 mai 1931 au Caire, elle débute à six ans sous la direction de Mohamed Karim dans Un jour heureux, aux côtés de Mohamed Abdelwahab. Déjà, lors de cette expérience précoce, Faten Hamama développait une très forte présence scénique qui, plus tard, lui valut ce fameux titre de «sayyidat al chacha al-arabiya». Ce film a marqué le commencement d’une carrière de plus de cent huit films ( dont huit feuilletons télévisés) où elle a abordé tous les genres, souvent avec délicatesse et élégance. Servie par une beauté sereine et des traits fins et distingués, c’est avec un grand naturel et une extrême sensibilité qu’elle interprète ses rôles, comme sans effort et en symbiose avec le personnage interprété. Elle a su se faire aimer par un très large public arabe qui s’identifie à elle. Son premier grand succès est L’ange de Miséricorde, de Youssef Wahby, en 1946. Il sera suivi d’autres chefs-d’œuvre dans lesquels elle tient le rôle principal et qui marquent l’histoire du cinéma arabe. Parmi eux, les films de Henri Barakat, de Salah Abou Seif, ou les meilleurs œuvres de Ezz el-Din Zulficar et de Hassan el-Imam. À partir de 1950, elle participe aux débuts du jeune Youssef Chahine avec Le fils du Nil (1951) et avec Omar Sharif qu’elle épousera en 1955, tourne une série de mélodrames : Ciel d’enfer (1954), Les eaux noires (1956)... Son extraordinaire popularité coïncide avec l’évolution du cinéma du Caire vers le réalisme et un notable changement dans le jeu des acteurs. Elle tourne une adaptation de Thérèse Raquin écrite par Nagib Mahfûz Ton jour viendra (1951) de Salah Abou Seif, puis Nuit sans sommeil (1957) et L’impasse (1958) avec le même réalisateur, puis N’éteins pas le soleil (1961) et L’appel du courlis, avec Henry Barakat, qui fut l’un de ses plus fameux succès. Avec lui, elle enchaînera six autres films en quinze ans. La gloire de Faten Hamama, portée par un engouement pour le cinéma égyptien à travers le Mahgreb et tous les pays orientaux, devient immense. En un demi-siècle, elle tourne plus de cent films, le dernier en 1993, Terre de rêve, de Daoud Abdel Saïd. Intelligente et sensible, son refus de la mode, son intériorité et sa présence lumineuse à l’écran, autant de qualités que Faten Hamama sait mettre au service des grandes causes, et notamment de la lutte pour l’émancipation de la femme égyptienne. Qu’elle y soit paysanne, étudiante, fille pauvre victime de l’injustice, ou femme influente et riche, elle a toujours su être convaincante et se dépasser. Espaçant ses rôles sans que sa gloire s’obscurcisse, elle encourage les jeunes talents en faisant preuve, pour ces rôles, d’une grande vitalité. Comme dans Je veux une solution, de Saïd Marzouk, en 1976, et Jour doux, jour amer, de Khaïri Bechara, en 1988, ou, récemment, Wajh el-amar (2000), son dernier feuilleton télévisé. Au cours de sa carrière, on a l’impression qu’elle s’est fixé une mission : porte-parole des sans-droits, des victimes, des pauvres. «Dans mes rôles, j’ai toujours voulu personnifié la femme arabe, dit-elle. Dans le temps où elle n’avait pas encore acquis ses droits, je transposais à l’écran la femme victime de l’injustice. Aujourd’hui, les temps ont changé. La femme revendique haut et fort ses droits, elle est cultivée, elle travaille». Chaque rôle est donc le reflet de la condition de la femme de son époque. Le choix des rôles ? «Le récit, l’histoire m’importent plus que le rôle lui-même. Il n’est pas nécessaire que le sujet soit porteur d’un message moralisateur. Cela peut être une nouvelle comportant de beaux sentiments. Le fait de les faire passer au spectateur est également un message». Elle a souvent contribué à l’écriture des scénarios. «Dans la manière d’aborder le problème et de le présenter sous tous ses angles pour laisser au public le choix de juger». Parmi les rôles qui l’ont le plus marquée ? Celui de Aziza dans al-Haram, de Youssouf Idriss. Ce film, présenté dans le cadre du Festival de Cannes en 1965, se déroule dans un village où un groupe de paysans assujettissent une classe inférieure. Et celui de Doria dans Je veux une solution. «Ce film a été présenté à Téhéran en 1974 dans le cadre d’un festival international. Après la projection, une journaliste suédoise m’aborde pour m’avouer que l’histoire de l’héroïne ressemble beaucoup à la sienne», se souvient Faten Hamama. Ce film retrace les difficultés rencontrées par Doria, qui demande le divorce après quinze ans de mariage. Les démarches qu’elle entreprend lui font découvrir la condition réelle de la femme en Égypte. Aujourd’hui, la diva du grand écran préfère jouer dans des feuilletons télévisés. «Le petit écran est accessible à tous, classes sociales et pays confondus». On lui présente souvent un synopsis de quatre ou cinq pages. Ce n’est pas suffisant. Elle préfèrerait lire l’histoire en entier, connaître tous les personnages. L’idéal, ce serait une nouvelle comme dans le bon vieux temps de Youssouf Idriss ou Taha Hussein. Espèces en voie de disparition ? «Non, non, pas du tout, mais la plupart des bons romans sont plutôt déprimants. Les spectateurs n’ont pas besoin de cela. Ils ont assez de problèmes dans leur vie quotidienne». Elle recherche donc une comédie spirituelle, bien enlevée. À bon entendeur…
Elle avance derrière son sourire. Nulle ostentation chez Faten Hamama qui signale la star. D’une grâce très Kelly, cheveux tirés en chignon, elle porte une abaya noire sertie, très discrètement, de fils en or. Elle cultive un chic minimaliste, c’est connu. Quelques rides. Si la nature est forcée, c’est discret. Dans la suite d’un hôtel à Beyrouth, Faten Hamama (avant son départ)...