Un avion turbopropulseur Dornier de la compagnie colombienne Satena, avec 26 passagers et 4 membres d’équipage à bord, a été détourné pendant cinq heures et trente minutes mardi par un pirate de l’air sur l’aéroport de Bogota depuis San Vicente del Caguan (700 km au sud de la capitale), dans la zone démilitarisée contrôlée par la guérilla des FARC. Le pirate de l’air, auteur du détournement, un déserteur de la guérilla des FARC, a été maîtrisé par le pilote et un passager au bout de 5h30 sans un seul coup de feu, et tous les passagers sont sains et saufs. «L’homme, âgé de 34 ans et armé d’un pistolet de calibre 9 mm, voulait se rendre en Espagne après avoir abandonné les rangs des Forces armées révolutionnaires de Colombie» (FARC, marxistes), a annoncé au cours d’une conférence de presse le général Hector Fabio Velasco, commandant des forces aériennes colombiennes. Le dénouement heureux est intervenu à 22h00 locales lorsque le pilote et un passager ont réussi à maîtriser le déserteur, avant son arrestation par les forces de l’ordre. Tous les occupants de l’appareil ont pu abandonner le Dornier aussitôt. Quatre des passagers avaient pu quitter l’avion avant 19h20 en raison de problèmes de santé. Le pirate de l’air, dont l’identité n’a pas été fournie par le général Velasco, «en avait assez au bout de deux ans de guérilla, car ses chefs n’avaient pas tenu, selon lui, leur promesse d’apporter une aide financière à sa famille», a ajouté le général Velasco. Le pirate avait exigé de pouvoir décoller pour l’Espagne à bord d’un autre appareil doté d’une plus grande autonomie de vol. L’appareil à hélices détourné ne disposait pas en effet d’une capacité suffisante en kérosène pour traverser l’Atlantique. L’appareil s’était posé à l’aéroport militaire de Bogota, à 17h40 heure locale, après avoir quitté San Vicente del Caguan sous la menace du pirate, alors qu’il devait se rendre normalement à Neiva (Sud-Ouest). Ce détournement est intervenu à la veille de la date limite fixée mercredi à minuit (05h00 GMT jeudi) par le président conservateur Andrés Pastrana pour annoncer la prorogation ou l’abandon de la zone démilitarisée des FARC. Cette enclave de 42 000 km2, grande comme la Suisse, avait été abandonnée le 7 novembre 1998 aux rebelles comme «laboratoire de paix» par le président, élu trois mois plus tôt. Après cette concession, un dialogue avait été engagé avec les FARC le 7 janvier 1999, puis des négociations officielles avaient débuté le 24 octobre de la même année. Les FARC ont gelé les pourparlers de paix depuis le 14 novembre pour contraindre le pouvoir à adopter une position «plus offensive» contre les paramilitaires d’extrême droite. Le 8 septembre dernier, un détournement d’avion avait déjà eu lieu dans la zone démilitarisée et provoqué une nouvelle crise dans les négociations. Les guérilleros avaient alors refusé de remettre aux autorités de Bogota un pirate de l’air venu de leurs rangs. Arnobio Ramos, militant des FARC, avait détourné ce jour-là à Neiva un avion de la compagnie locale Aires avec 22 personnes à bord sous la menace d’un pistolet. Il avait disparu après avoir libéré ses otages à San Vicente del Caguan. Après avoir fait dépendre toute reprise du dialogue de la remise aux autorités du pirate de l’air, le pouvoir avait finalement accepté un compromis, sous la forme d’une commission bilatérale spéciale chargée de résoudre la question. Les pourparlers avaient alors repris, jusqu’à la suspension unilatérale des négociations, le 14 novembre par les FARC.