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RENCONTRE - Plus de dix mille photos et cartes postales sur le Moyen-Orient Le passé ressuscité grâce à Dr Moussa Kobeissi
Par SIKIAS Natacha, le 21 juillet 1999 à 00h00
Rue Sadate, la galerie Zamaan est un espace chaleureux, à l’ambiance feutrée, où passé et présent cohabitent harmonieusement. En plus de la salle d’exposition, qui alterne anciennes photos du Moyen-Orient et peintures contemporaines, on y trouve un atelier d’encadrement, un jardin d’hiver et un espace d’archives. Le propriétaire, le Dr. Moussa Kobeissi, est un collectionneur qui parle avec amour de son dada. Aujourd’hui, il possède plus de 10 000 vieilles photos et cartes postales. Des vues nostalgiques du Liban, de la Syrie, de la Palestine, de la Jordanie, mais aussi d’Arabie Saoudite, d’Égypte, du Maroc, d’Algérie, d’Iran et de Turquie. En 1973, après une maîtrise en physique, le Dr. Moussa Kobeissi obtient une bourse pour un DEA d’informatique en France. Il quitte alors le Liban et s’installe à Paris, où il entame, en même temps qu’il prépare sa thèse de doctorat, une collection de cartes postales et de photos. Mais comment tout cela a-t-il commencé ? «À Paris, les juifs affirmaient que la Palestine était un désert lorsqu’ils y ont débarqué. Ils prétendaient avoir tout construit eux-mêmes», raconte-t-il. «Pour confirmer ou infirmer ces allégations, il fallait trouver des documents». La première photo qu’il déniche, par pur hasard, sur les quais, représente les jardins de Jaffa. Encouragé, il continue à fouiller. Et tombe sur un cliché magnifique de la Place des Canons, «avant que le petit Sérail ne soit démoli». C’est ainsi qu’il démarre une collection. «À cette époque, les temps étaient favorables», indique-t-il. «Les prix étaient bas, on trouvait des photos et des cartes postales partout, à la pelle». Les clubs, les marchés, il apprend à connaître tous les filons. «Cela m’a procuré beaucoup de joie et, surtout, m’a permis de bien m’intégrer en France», note-t-il. «Grâce à ce virus, je connais Paris et la France beaucoup mieux que certains Français». Il entre aussi en correspondance avec l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, la Grande-Bretagne et la France. «J’achetais et j’échangeais énormément par correspondance. J’utilisais le nom d’Arabica, par opposition au terme Judaïca, qui signifiait la collection de tout ce qui est juif», se souvient-il. Héritage Meacob (Middle East Antics Cercle of Beyrouth), l’ancêtre de Zamaan , est officiellement enregistrée en France en 1978. «J’ai créé cette galerie pour favoriser l’»émancipation» – agrandissement et encadrement – de la photo ancienne, pour des besoins de décoration et de cadeaux», explique le Dr. Kobeissi. En effet, Meacob signe, en 78-79, les premiers agrandissements géants (120 x 190) au monde. La galerie se spécialise ensuite dans l’encadrement. Enfin, naît l’idée de réaliser des tableaux à partir de photos et de lithographies. Des commandes sont alors faites à des artistes. En 1983, c’est le retour au Liban. «Je ne pouvais plus rester en France, j’avais besoin de respirer à nouveau l’humidité de ma Méditerranée, d’admirer le bleu de son ciel et de sa mer», dit-il. À Beyrouth, il continue à compléter sa collection. En 1994-1995, Meacob est rebaptisée Zamaan . Et transplantée rue Sadate. Le Dr. Moussa Kobeissi se dit malade du virus de la collection. «Je l’ai hérité de mes parents», souligne-t-il. «Mon père était amateur d’antiquités et photographe. Il collectionnait aussi les passe-temps. Ma mère aimait les tapis. Même s’ils n’ont pas constitué de collections précises ; ils m’ont communiqué cet attachement aux objets anciens». Il commence par collectionner les timbres, puis les porte-clés, puis les boîtes d’allumettes. Mais il arrêtera tout en 1973, lorsqu’il s’installe en France. Ce qui lui plaît au départ dans ce genre de collection, c’est «la partie iconographie, qui est un voyage merveilleux ; et aussi le papier qui permet de raconter des histoires visuelles. C’était pour moi la télévision du début du siècle», dit-il. «Il n’est nullement nécessaire, comme en philatélie par exemple, d’être connaisseur pour apprécier une photo. Sa valeur est très subjective. Et puis on peut refaire sa collection chaque jour. Il existe plusieurs méthodes de classement». Autre aspect intéressant de la carte postale : la marcophilie. Il s’agit des tampons des P.T.T. , qui ont souvent beaucoup de valeur. Bébé Selon le Dr. Moussa Kobeissi, «un collectionneur est forcément possessif. Sa collection, c’est son bébé. Il le veut parfait. Personnellement, j’ai toujours refusé de céder une partie de mes photos , même lorsque j’ai reçu des offres alléchantes». Par contre, sa collection est ouverte à tous, consultable sur demande. «Ce qui m’intéresse, ce n’est pas seulement de promouvoir ma collection mais l’esprit de collection», précise le Dr. Kobeissi. Qui a offert à plusieurs reprises –mais sans obtenir de réponse- d’accueillir à Zamaan des groupes de collectionneurs. «Je mets mon jardin d’hiver à leur disposition, pour leurs réunions et leurs activités», insiste-t-il. Alors qu’ils n’étaient que deux ou trois en 1974, les collectionneurs libanais de photos anciennes sur le Liban sont une centaine. «Le Liban est l’un des pays qui figure le plus dans les collections en France, et l’un des plus chers», ajoute le Dr. Kobeissi. «Une petite carte de rien du tout, représentant un patelin libanais – et dont l’équivalent en France ne vaudrait rien- peut valoir 500 francs. Et cela, à cause de la rareté de l’offre. Il y a beaucoup de demandes, et très peu d’offres». La collection du Dr. Kobeissi se distingue des autres en ce sens qu’elle est «la plus équilibrée, en ce qui concerne les pays du monde arabe». Ses enfants prendront-ils sa relève ? «Je ne sais pas, et je ne fais rien pour cela», répond-il. «Mes enfants connaissent très bien ma collection. Ils voient la joie qu’elle me procure et l’intérêt qu’elle suscite. Mais je n’essaye pas de leur inculquer mon virus, je les laisse tranquille. Toutefois, cela m’étonnerait qu’ils s’en débarrassent légèrement, une fois que je ne serai plus là. Par contre», ajoute-t-il, «j’ai le curieux sentiment que ce sera plutôt un de mes petits enfants qui reprendra le flambeau. Il y a souvent, comme cela, un saut de génération…». En attendant, le Dr. Moussa Kobeissi est loin de penser à la retraite. Dans quelques mois, un de ses vieux rêves commencera à être réalisé : la galerie Zamaan va faire des petits, dans plusieurs pays. En commençant par le Caire, d’ici la fin de l’année ; puis par Damas, en l’an 2 000. «Je voudrais recréer partout , plus ou moins,le même décor ; offrir la même qualité, et suivre la même politique de prix. Autrement dit : l’art ‘‘abordable’’», explique-t-il. Le Dr.Moussa Kobeissi, un caractère actif et ambitieux, qui va jusqu’au bout de ses passions.
Rue Sadate, la galerie Zamaan est un espace chaleureux, à l’ambiance feutrée, où passé et présent cohabitent harmonieusement. En plus de la salle d’exposition, qui alterne anciennes photos du Moyen-Orient et peintures contemporaines, on y trouve un atelier d’encadrement, un jardin d’hiver et un espace d’archives. Le propriétaire, le Dr. Moussa Kobeissi, est un collectionneur qui...
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