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SOCIÉTÉ - Narguilés , trictrac , cartes et courses Café populaire : pour hommes seulement
Par KHODER Patricia, le 16 juillet 1999 à 00h00
Il y a le Palais de verre à New York, la Galerie des glaces au château de Versailles, la salle de verre au ministère du Tourisme… Il y a aussi les cafés populaires de Beyrouth, appelés communément les cafés de verre (Kahwet el-Ezaz), qui tirent probablement leur nom de leurs baies vitrées donnant sur la rue. Immuables, ils font partie du paysage de certains quartiers de la capitale. C’est ici que les hommes se donnent rendez-vous pour un narguilé, une partie de cartes ou de trictrac, ou pour parier aux courses. Au café de Gemmayzé, comme dans tous les cafés de la ville, on joue pour de l’argent, parfois même quand l’argent manque pour une tasse de café. Qu’importe la somme, l’essentiel est de miser. Bien qu’il semble glauque pour certain, le café de Gemmayzé a un cachet particulier. Une histoire propre. Plafond élevé et murs aux couleurs défraîchies donnent l’impression que ce lieu a toujours existé. Les tables de marbre et de fer forgé ainsi que le carrelage multicolore n’ont pas changé depuis l’ouverture. Durant la guerre, le décor a subi quelques modifications : des paravents en bois ont été remplacés pour donner place à des portes coulissantes en aluminium. Et depuis les années quatre-vingts, l’éclairage est au néon. Au-dessus du comptoir en zinc, la liste des prix est affichée. Ici, on sert du café, du thé dans des verres, des sodas, des bières et des narguilés. Certains habitués arrivent avec leur casse-croûte, généralement une tartine de labné, ou un petit sac de fruits. On raconte qu’avant la construction de l’immeuble al-Samadi, où le café de Gemmayzé est situé, il y avait là une personne qui servait à l’ombre d’un toit en paille du café et des narguilés aux habitants du quartier. «C’était il y a bien longtemps ; à l’époque des Ottomans», indique Assaad Abou Chakra qui fréquente le café de Gemmayzé depuis 1942. Coiffeur au cours de la journée, il passe ici tous ses après-midi. «Je dois voir mes amis tous les jours ; et puis je viens pour jouer et pour m’amuser», dit-il. Assaad est interrompu par un homme assis à la table d’à-côté. «Chut, on joue pour de l’argent», dit-il. En effet, quand on joue au trictrac en pariant, il faut du silence, deux joueurs et une personne qui surveille les dés. Les hommes, âgés en moyenne de soixante-cinq ans, doivent donc se concentrer pour ne pas perdre. Jouent-ils pour des dizaines ou pour des centaines de dollars ? Non loin de la ligne du tramway Au café de Gemmayzé, il n’y a ni femmes ni jeunes hommes. «Rares sont les jeunes qui s’intéressent aux cafés de quartier, tandis que les femmes n’ont pas leur place ici», indique Assaad. Un habitué renchérit : «Elles ne fument pas le narguilé, ne savent pas jouer aux cartes et puis leur place est à la maison». Jean Georges Sfeir habite au-dessus du café de Gemmayzé. «Je suis né ici il y a 64 ans», dit-il. Employé de banque, il a commencé à fréquenter les lieux en 1960, à la mort de son père. «Dans un an, je prendrai ma retraite et je passerai mes journées ici», indique-t-il en plaisantant. Quand il était élève au Collège du sacré-cœur (situé à quelques mètres), en rentrant à la maison, il achetait de la glace, servie au café, et regardait de loin les grandes personnes jouer aux cartes et fumer le narguilé. Le café de Gemmayzé, à proximité duquel était située la ligne de tramway Dora-Basta, ouvrait de 7 heures à 1 heure du matin. On y servait aussi des plats de mezzé et de l’arak pour 60 piastres. L’endroit grouillait de monde à longueur de journée. Actuellement, le matin seuls quelques irréductibles se rencontrent très tôt pour le petit déjeuner. Généralement, celui-ci est formé de galettes au thym commandées chez le boulanger. «Maintenant, c’est uniquement en week-end qu’il y a une petite foule», note Jean. «Généralement, en fin de semaine, on joue aux courses, le paroli (bureau de mise situé hors de l’hippodrome) est à deux pas», révèle Assaad. «Il y a bien longtemps, la mise était de quelques piastres ; maintenant il faut compter en milliers de livres», poursuit-il. Mis à part le décor, les montants des mises et les horaires d’ouverture, qu’est-ce qui a changé au café de Gemmayzé ? «Les serveurs sont devenus plus gentils car les personnes qui fréquentent l’endroit se font rares. Autrefois, il fallait faire la queue à l’entrée», indique Assaad, en soulignant que «les trois quarts des clients sont morts». Ceux qui restent continuent de se donner rendez-vous au café populaire de Gemmayzé. Parfois même, on remarque de nouveaux venus : de jeunes gens qui passent quelques heures à jouer aux échecs, au trictrac ou aux cartes, ainsi que des groupes de visiteurs – jeunes filles et jeunes hommes – qui viennent pour découvrir l’endroit.
Il y a le Palais de verre à New York, la Galerie des glaces au château de Versailles, la salle de verre au ministère du Tourisme… Il y a aussi les cafés populaires de Beyrouth, appelés communément les cafés de verre (Kahwet el-Ezaz), qui tirent probablement leur nom de leurs baies vitrées donnant sur la rue. Immuables, ils font partie du paysage de certains quartiers de la capitale....
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