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Actualités - REPORTAGES

AGROALIMENTAIRE - LibanLait: un investissement de 20 millions de dollars Un projet financié par un prêt de 7,5 millions de dollars sur sept ans

Partager le risque industriel avec les banques n’est pas encore entré dans les mœurs libanaises. La Société générale libano-européenne de banque (SGLE) et la Banque nationale de Paris intercontinentale (BNPI), ont quand même tenté leur chance en finançant à hauteur de 7,5 millions de dollars sur sept ans la création de LibanLait, un projet agroalimentaire de 20 millions de dollars, soit l’un des plus gros investissements réalisés dans le secteur. Le financement de projets (c’est-à-dire l’octroi de crédits qui seront remboursés par les revenus du projet lui-même par opposition à un financement en capital, le prototype à l’échelle internationale étant Eurotunnel) en est encore au stade embryonnaire au Liban, explique Eliane Tannous, directrice du département investissements de la SGLE. Les réticences proviennent autant des banques que des industriels eux-mêmes. Les premières rechignent à assumer le risque de transformation que nécessite le financement à long terme, car, au Liban, l’essentiel de leurs ressources sont à court terme. Ensuite elles préfèrent ne pas ajouter aux risques liés à leur activité propre, ceux inhérents au projet lui-même, à savoir les risques commerciaux, techniques, politiques, etc. Du côté des milieux d’affaires, la tradition libanaise consiste à demander des crédits à titre personnel plutôt que liés à des dossiers précis. On ne compte plus les constructions d’usines financées par des crédits adossés à des garanties personnelles ou immobilières sans aucun rapport avec le projet lui-même. C’est cette logique que la SGLE souhaite commencer à rompre, à l’instar de quelques autres établissements libanais. La banque a déjà participé à l’un des plus gros financements de ce type réalisés au Liban : celui du réseau Cellis (100 millions de dollars). «Nous nous sommes rendu compte que les lignes de crédits accordées sur un an au maximum sont du court terme déguisé. Regardons la réalité en face, les dépôts sont en fait stables et personne ne rembourserait au bout de deux mois si on le lui demandait», dit Mme Tannous. «Sautons donc le pas, d’autant qu’il est plus gratifiant de financer des projets qui créent de la valeur et contribuent à la croissance économique». Gestion différente des risques Ce raisonnement n’est pas purement philantropique, il repose sur une gestion différente des risques. Celui de transformation est aisément assumé par la trésorerie, dans son aspect liquidités, et, dans son aspect taux, par un recours aux taux variables de préférence. Quant aux risques liés au projet financé, il suppose l’établissement d’une relation nouvelle avec le client, souligne Rabih Abdallah, chargé d’affaires à la SGLE, qui a suivi le dossier LibanLait depuis sa conception. «Si le projet ne réussit pas, la banque ne se rembourse pas, nous demandons donc toute une série d’engagements au client. Il est par exemple obligé de prendre des assurances sur le transport, les vaches, les équipements... il ne peut s’endetter sans consulter la banque et, de manière générale, il doit fournir régulièrement des rapports détaillés sur son activité». Cette dernière partie est la plus délicate, car les industriels ne sont pas encore habitués à rendre des comptes et, au sein des banques, les équipes spécialisées en mesure de suivre les dossiers n’existent pas toujours. «Le marché est en pleine évolution», poursuit M. Abdallah membre de l’équipe de six personnes créée il y a cinq ans par la SGLE pour répondre à ce besoin. «Pour engager de telles sommes, il faut être séduit par le projet, d’ou la nécessité de réaliser ses propres études de marché et ne pas se contenter de celles du client par exemple». Un créneau à prendre Concernant LibanLait, la conviction de Rabih Abdallah se résume en un chiffre : le Liban importe pour 300 millions de dollars de produits laitiers par an. S’il est difficile d’estimer la taille du marché local, faute de statistiques fiables, le simple objectif de substitution des importations est prometteur, explique-t-il. Il existe par ailleurs un créneau à prendre, celui du lait longue conservation UHT, outre le lait frais pasteurisé ou les produits lactés, tels les yaourts ou la labné qui sont déjà commercialisés par de petits producteurs ou des concurrents de LibantLait tels Dairiday ou Daliah. «L’Arabie séoudite, les Emirats, beaucoup de pays arabes produisent et consomment de l’UHT tandis que le Liban en est encore au lait en poudre, le potentiel est énorme», dit M. Abdallah. Quant aux yaourts aux fruits par exemple, leurs prix sont prohibitifs parce qu’ils sont importés, LibanLait qui détient la franchise Candia et Yoplait, souhaite développer les mêmes produits mais à moitié prix, pour une consommation de masse. «Le marché est à créer. À cet égard, l’arrivée de Dairiday et Daliah avant LibanLait est bénéfique, car nous profiterons de la publicité déjà réalisée par eux». À l’issue de deux ans de négociations avec les actionnaires de LibanLait (le président de la société Mohammed Zeidan, majoritaire avec 40% des parts, le directeur-général Mohammed Waked, le groupe d’investissement de la Banque Audi, la famille de Freige qui a apporté le terrain et Ralph Audi, à titre personnel), le montage financier a donc été finalisé sous la forme d’un prêt de sept ans, avec deux ans de grâce, accordé pour moitié par la BNPI et pour moitié par la SGLE, qui a réalisé le montage. Le taux d’intérêt est préférentiel, précise Simon Nasr, le consultant juridique de l’équipe, grâce a l’obtention d’une subvention de l’Etat à hauteur de 5% qui ne s’applique qu’à deux des 7,5 millions de dollars prêtés. Et, si le pari est plus risqué pour les banques, la rémunération est en conséquence. Les commissions s’ajoutent en effet aux taux d’intérêts perçus. La commission de syndication pour le financement de LibanLait s’élève par exemple à 1% du prêt.
Partager le risque industriel avec les banques n’est pas encore entré dans les mœurs libanaises. La Société générale libano-européenne de banque (SGLE) et la Banque nationale de Paris intercontinentale (BNPI), ont quand même tenté leur chance en finançant à hauteur de 7,5 millions de dollars sur sept ans la création de LibanLait, un projet agroalimentaire de 20 millions de dollars,...