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Actualités - REPORTAGES

PROFESSION - Empailler les animaux , un véritable travail de sculpteur Samir Sidani , la taxidermie dans la peau ...

C’est l’histoire d’un homme passionné de chasse qui a décidé d’apprendre l’art d’empailler les animaux. Facile, direz-vous, il suffit de s’inscrire à une école de taxidermie. Mais voilà le hic. Cette forme d’artisanat n’est point dispensée dans des établissements. La naturalisation est un métier top secret. Avec le courage et la ténacité d’un chasseur, Samir Sidani a sillonné le monde pour recueillir çà et là les secrets de cette profession qu’il pratique depuis 35 ans. À la différence de ses copains qui jouaient aux billes dans la cour d’école, Samir Sidani, lui, jouait avec les crickets et les fourmis. Il se tourna progressivement vers la taxidermie, l’art et la manière de préparer les peaux d’animaux. Après 35 ans d’exercice, Samir Sidani connaît bien son métier. Âmes sensibles s’abstenir. À l’AUB, il y avait un taxidermiste, David Davidian. Il lui avait demandé de lui enseigner cette science. Il avait refusé. Il n’y a pas d’école. Il s’est heurté au secret professionnel. Motus et bouche cousue. C’est un métier qu’on se transmet de père en fils, lui rétorque-t-on. Tenace, Samir Sidani ne s’est pas découragé pour autant. Il déniche un institut aux États-Unis qui enseigne par correspondance le b.a.-ba de la taxidermie. Il étudie le soir et travaille comme coiffeur le jour. Quelques mois plus tard, il obtient son diplôme. Mais reste sur sa soif. Les notions théoriques c’est bien mais il s’agit de savoir les mettre en pratique. Au British Council, il s’est renseigné, on lui a indiqué l’adresse, à Londres, d’une institution, la «Ronald Ward», considérée en son temps comme la plus importante dans ce domaine. Il y propose sa candidature. Mais là aussi, il essuie un refus. Toujours la même réponse : cet art n’est pas enseigné aux étrangers à la profession. «Les Européens sont trop traditionnels, se dit-il. Allons voir de l’autre côté de l’Atlantique». En effet, c’est en Amérique qu’il pourra poursuivre ses études. Retour au Liban en 1968. Il occupe le poste de taxidermiste au Musée des sciences naturelles de l’ AUB. Deux ans plus tard, il se rend à Londres où il travaille au Musée des arts naturels. «J’ai d’abord travaillé sur des petits spécimens, des oiseaux, des rongeurs et, progressivement, on m’a confié les spécimens les plus importants, des grands mammifères», dit-il. Direction Le Caire ensuite où il est chargé de restaurer la collection (600 espèces rares) du prince Youssef Kamal. Il profite de cette escale pour apprendre des notions de chirurgie. Mais c’est au cours d’un long séjour en Hollande qu’il peaufinera la technique d’empailler les animaux. Les différentes techniques ? En taxidermie arabe traditionnelle, on dépouille l’animal et on le plonge dans une solution préparée à base de substances et de poudres… «Mais je n’utilise plus cette technique. Je préfère les mannequins rigides en polystyrène, affirme Samir Sidani. Entre morbidité et sculpture Dans l’esprit des gens, la taxidermie a quelque chose de morbide… «C’est vrai, admet-il, mais ce que ces gens ignorent, c’est que le dépouillage ( le moment où l’ on enlève la peau) ne représente qu’une part très faible du travail, en temps et en intérêt. Pour moi, c’est plus un travail de sculpture qu’autre chose». Comment décide-t-on de la posture dans laquelle on va figer l’animal ? «Cela dépend. Quand on travaille pour un musée, chaque spécimen répond à des contraintes précises liées à l’espace, à la dimension des vitrines, à la hauteur où il est présenté… si les visiteurs doivent arriver par la gauche, on pourra nous demander de lui tourner la tête vers la gauche». Dans le passé, les postures dans lesquelles on immobilisait les animaux n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Cela évolue ? «C’est notre façon de percevoir les animaux qui a changé. Au XIXe siècle, la mode consistait à présenter des scènes de prédation, cela fascinait les gens. Ils voyaient le monde sauvage comme cruel. Aujourd’hui, la conscience des problèmes écologiques a pris le dessus, et cette perception est complètement abandonnée. On ne va pas représenter un loup en train de hurler tout seul derrière sa vitrine. On aurait plutôt tendance, dans les musées, à faire le contraire : montrer l’animal comme victime et l’homme comme prédateur». «Chez les particuliers, les chasseurs ou les amateurs d’animaux empaillés, je décide moi-même de la position de ‘‘ma sculpture”, souligne-t-il. «Dans les zoos ou dans la nature, au cours de mes voyages, j’observe les animaux. Et puis je les imagine dans leurs positions les plus naturelles qui soit», ajoute Samir Sidani. À qui sert de conserver les animaux ? Dans la nature, de nombreuses espèces sont menacées, certaines ont même complètement disparu, et nous avons le devoir d’en conserver une trace, un témoignage. Bien sûr, on pourrait se contenter de faire des fac-similés, des moulages en plastique. Cela ne remplacerait pas le vrai, avec la valeur émotionnelle qu’on leur attribue. Il y a aussi un intérêt scientifique : on n’aurait pas pu faire de l’amplification d’ADN de l’antilope bleue d’Afrique du Sud si nous n’avions pas conservé un spécimen . On se demande souvent si les animaux présentés ont été tués exprès… «C’est arrivé dans le passé, mais c’est bien fini. La dernière grande mission de collecte d’animaux remonte à plus de vingt ans. Aujourd’hui, nous essayons de récupérer les animaux qui meurent dans les zoos ou dans les cirques. Mais ce n’est pas si simple ! La plupart des temps, ils sont envoyés à l’incinérateur. C’est dommage. On laisse perdre toutes sortes d’animaux superbes, alors qu’on pourrait constituer une collection fabuleuse pour les musées ou les réserves. Et, finalement, c’est notre savoir-faire qui est menacé de disparaître».
C’est l’histoire d’un homme passionné de chasse qui a décidé d’apprendre l’art d’empailler les animaux. Facile, direz-vous, il suffit de s’inscrire à une école de taxidermie. Mais voilà le hic. Cette forme d’artisanat n’est point dispensée dans des établissements. La naturalisation est un métier top secret. Avec le courage et la ténacité d’un chasseur, Samir Sidani...