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Actualités - REPORTAGES

TÉLÉCOMMUNICATIONS - Pour une rationalisation de l'exploitation du réseau téléphonique Le conflit persiste entre l'État et les deux opérateurs du réseau GSM

Entre la mise en service du réseau GSM au Liban, l’extension sans cesse croissante de l’utilisation d’Internet et la modernisation des lignes téléphoniques étatiques, le secteur des télécommunications s’est développé d’une manière exponentielle dans le pays au cours des dernières années. Les progrès technologiques se succédant à un rythme effréné, les recettes et les bénéfices mis en jeu dans ce domaine ont gagné en importance, de sorte que les intérêts de l’État, des sociétés privées et des usagers se sont rapidement enchevêtrés. C’est dans un tel contexte que des tiraillements sont apparus récemment entre l’État et les deux sociétés en charge du réseau GSM (téléphone cellulaire). Ces tiraillements, portant sur les conditions d’exploitation des lignes cellulaires, ont été mis en évidence par le rapport rendu public dernièrement par la Cour des comptes. Celle-ci a accusé les deux sociétés en question d’avoir violé les termes du contrat en base duquel le réseau GSM leur avait été confié en concession. Parallèlement, l’État a tenté récemment d’interdire la vente des produits connus sous le nom de «Net2Phone» qui constituent un concurrent sérieux pour le ministère des Postes et Télécommunications puisqu’ils permettent d’effectuer des communications internationales à des prix largement inférieurs aux tarifs étatiques. Qu’en est-il donc de ce dossier des télécommunications, tant en ce qui concerne le cellulaire que l’affaire des liaisons internationales avec l’étranger ? Le problème en rapport avec le réseau GSM est lié à l’interprétation des contrats signés avec les sociétés Cellis et Libancell, en charge du cellulaire. Ce problème a surgi lorsque l’État a voulu reprendre ce qu’il considère comme étant les droits et la quote-part qui devraient lui revenir dans l’exploitation du secteur des télécommunications. Le réseau fixe (étatique) n’assurant pas un rendement suffisant en comparaison à celui du GSM, l’État s’est alors tourné vers les deux opérateurs pour augmenter ses revenus, d’autant que l’usager libanais est, à l’évidence, très attaché à son téléphone portable. Double interprétation de l’anglais Le différend entre le gouvernement et les sociétés en charge du réseau GSM est apparu au grand jour à la suite d’une interprétation divergente du contrat signé avec les deux entreprises. Cette divergence porte plus précisément sur la clause numéro 1.2.1.1. dans l’introduction générale de la section 1. Cette clause stipule, en effet, que le projet GSM a été conçu pour étendre le réseau téléphonique du pays en y ajoutant 250 000 lignes par le biais de deux opérateurs différents. En d’autres termes, pour l’État, il s’agit là du seuil maximal que les deux compagnies pourraient atteindre ensemble. Or au stade actuel, chacun des deux opérateurs cumule un peu plus de 250 000 abonnés. L’interprétation divergente du contrat est due à la traduction que chacune des deux parties fait du document rédigé en anglais. Le texte anglais stipule ce qui suit : «The project has been planned to extend the existing telephone network in the Republic of Lebanon with 250 000 GSM suscribers with 2 different GSM networks» (Clause 1.2.1.1.) L’argumentation avancée sur ce plan par les deux opérateurs est basée sur la clause 1.2.3.2. qui stipule que toute extension de la capacité du réseau, donc du nombre d’utilisateurs, est sujette à l’accroissement de la demande, comme le confirme également la clause 1.2.4.5. Ainsi, si le chiffre initial de 250 000 abonnés a été dépassé par Cellis et Libancell, c’est parce qu’il y a eu une demande justifiant cette augmentation. Celle-ci est, par conséquent, légale et légitime aux yeux des deux entreprises. Pour le directeur général de Cellis, M. Salah Bou-Raad, le respect du contrat est assuré et donc le problème soulevé par le ministère n’est pas justifié. «Notre lecture du contrat, appuyée par des avis juridiques libanais et internationaux, le prouve», souligne M. Bou-Raad. «Une des clauses du contrat précise que l’État désire étendre le réseau à concurrence de 250 000 abonnés par société. Or, une autre clause oblige l’opérateur à suivre la demande». M. Bou-Raad précise également que l’appel d’offres lancé par l’État confiait aux compagnies qui décrocheraient le contrat la tâche de construire un réseau de télécommunications mobile. «L’État nous avait donc obligés, en quelque sorte, dans cette clause (1.2.1.1. de l’introduction générale de la section 1) de mettre en place un réseau dont la capacité minimale est d’au moins 250 000 lignes», indique le directeur de Cellis. «La crainte était que nous ne puissions pas atteindre ce nombre d’abonnés durant les dix ou douze premières années». 250 000 abonnés exigés par l’État Ainsi, l’État cherchait, à terme, à avoir un réseau mobile de grande capacité car à la fin de la période initiale d’exploitation, le réseau deviendra sa propriété. C’est pour cette raison qu’au début des négociations pour l’octroi des licences d’exploitation, l’État avait demandé que le réseau puisse supporter 500 000 lignes. Or, en 1993-1994, l’avenir du marché au Liban n’était pas encore clair, explique M. Bou-Raad qui ajoute que «certains pensaient que le Liban n’aurait pas, à cette période, plus de 100 000 abonnés». «Personne ne croyait à cette époque à une demande aussi forte et le minimum a été ramené à 250 000 lignes», déclare le directeur de Cellis. «D’ailleurs, il n’y a aucun pays au monde qui impose un plafond maximal. À la limite, je peux dire que c’est anticonstitutionnel». M. Bou-Raad souligne, par ailleurs, que l’État sort doublement gagnant dans cette affaire. Il n’a pas contribué aux six cents millions de dollars d’investissements initiaux, mais dans le même temps, il s’assure une recette substantielle tant au niveau des taxes que de sa part des revenus durant toute la durée de l’exploitation du réseau. Sans compter que le réseau lui appartiendra de plein droit après l’expiration du contrat. D’une manière générale, M. Bou-Raad attribue le différend avec le ministère des P. & T. au changement du gouvernement. «Chaque fois qu’il y a un nouveau ministre, on a une période de turbulence, souligne-t-il. C’est classique au Liban». Le directeur de Cellis est convaincu que cette crise est passagère et que l’État, en la personne du ministre des P. et T., se rendra compte de l’erreur commise avec les deux opérateurs sous prétexte d’accroître rapidement et considérablement les revenus de l’État. Pour M. Bou-Raad, la réussite de son entreprise constitue un facteur important pour la relance de l’économie libanaise. «France Télécom au Liban fait partie d’un ensemble, précise-t-il. La contribution de FTML (filiale libanaise de France Télécom) à l’effort général est une condition qui nous semble nécessaire pour le redressement de l’économie». Et d’ajouter qu’aujourd’hui les négociations entre le ministère et les deux opérateurs GSM ont dépassé la phase de turbulence. «La nature même de notre métier nous conduit à résoudre les problèmes par le dialogue et la communication», souligne M. Bou-Raad. Selon lui, les parties concernées ont bien compris qu’il est de l’intérêt de tous de faire avancer rapidement les négociations afin d’aboutir à une vision claire des obligations de chacun. Quant aux éventuels changements à apporter en cas d’accord entre les négociateurs, M. Bou-Raad précise que FTML prévoit une série de mesures qui satisferont non seulement le gouvernement mais surtout l’usager. En attendant, Cellis et LibanCell sont obligés de faire appliquer le récent décret ministériel augmentant de 4 cents le tarif de la minute. Ainsi, la part de l’État devient, au total, de six cents et celle des opérateurs de 4,8 cents la minute alors qu’elle était de 5. L’usager, éternel bouc émissaire Cette augmentation des tarifs, c’est l’abonné qui l’assumera et non les opérateurs, précise Me Nabil Féghali, l’avocat de LibanCell. Ce sont les travailleurs dont le métier nécessite l’utilisation du mobile qui seront le plus affectés par cette augmentation. Me Féghali ne croit pas que l’augmentation des tarifs affectera l’utilisation du cellulaire puisque le principal client est le travailleur qui, pris dans les embouteillages, traite ses affaires par le biais de son portable. L’augmentation de la taxe gouvernementale ne fera donc qu’alourdir les factures des abonnés. Selon Me Féghali, l’État peut accroître les taxes à sa convenance, mais le contrat comporte des clauses donnant également des droits aux opérateurs dans de pareilles situations. En effet, le contrat comporte une clause (4.2. de l’annexe 2) évidente et claire qui stipule que tout déséquilibre financier dans le contrat entraîne des conséquences pour l’opérateur. M. Bou-Raad affirme que le décret imposant une augmentation de quatre cents par minute «entraîne ce déséquilibre financier et donne lieu à certaines requêtes de notre part». Des requêtes qui seront sans doute négociées avec le ministre pour aboutir à un compromis satisfaisant pour toutes les parties concernées, d’autant qu’aucune action ne peut se faire sans l’accord de tous les signataires du contrat. Or, souligne M. Bou-Raad, le récent décret ministériel nous contraint d’appliquer l’augmentation des 4 cents, en attendant que le comité international auquel s’est adressé le gouvernement rende ses recommandations. Pour les sociétés en charge du réseau, toute augmentation des tarifs imposée par l’État doit se faire dans le cadre de négociations qui permettraient une reformulation du contrat dont l’équilibre a été aujourd’hui rompu par le gouvernement, avec toutes les conséquences qui en résultent et qui ne seront connues que dans les mois à venir. Il reste que les responsables des deux sociétés mettent l’accent sur leur volonté de traiter le problème d’une manière positive afin de trouver un nouvel équilibre financier au contrat. Les opérateurs chercheraient à convaincre l’État qu’il a tout intérêt à remplacer la majoration du tarif par une approche susceptible d’augmenter le volume du marché. Pour le patron de Cellis, l’État est un partenaire au sens français du terme. «Le gouvernement, souligne-t-il, a intérêt, pour ce qui a trait au marché du cellulaire, à avoir sa quote-part d’un marché qui s’accroît sensiblement, plutôt qu’un grand pourcentage d’un marché qui diminue en volume». Dans ce cadre, Me Féghali et M. Bou-Raad se déclarent optimistes quant au développement du secteur des télécommunications au Liban. Tous les deux soulignent qu’il revient à leur société de «suivre» le marché. Ils se proposent de vendre au marché le produit qu’il demande «et non pas le produit que nous souhaitons fabriquer». C’est là que se situe toute la différence entre l’approche marketing «one to one» vis-à-vis du client et celle du ministère, aujourd’hui. Pour satisfaire le client, la tendance mondiale actuelle est très claire. Nous nous orientons vers un équilibre dans lequel le téléphone fixe constituera un support pour des données à transmettre, tandis que le téléphone mobile deviendrait le support pour la voix. «Cet équilibre et cette tendance mondiale, nous n’allons pas pouvoir y échapper au Liban», affirme Me Féghali. Un avenir prometteur Le ministère des Postes et des Télécommunications a tout intérêt à encourager le développement de tout ce qui est transmission de données (data et images) en utilisant comme support le téléphone fixe, le téléphone cellulaire étant consacré à la transmission de la voix, soulignent les responsables de Cellis et de Libancell. Pour eux, le monde des télécommunications est aujourd’hui en pleine expansion et subit une véritable révolution depuis l’extension de l’utilisation d’Internet. Le Liban semble être appelé à suivre le mouvement. Demain, de nouvelles normes permettront d’accroître sensiblement le débit sur le réseau. «Nous invitons aujourd’hui le ministère à construire l’avenir ensemble parce que nous avons, tous, intérêt à édifier un réseau susceptible de connaître une très forte croissance. C’est à la portée du Liban», soulignent les responsables des deux sociétés de cellulaire. Pour l’instant, les opérateurs attendent l’avis des experts étrangers avant de décider d’engager leur bataille devant la Chambre de commerce internationale, seule habilitée à arbitrer le conflit, comme le stipule le contrat initial rédigé en langue anglaise.
Entre la mise en service du réseau GSM au Liban, l’extension sans cesse croissante de l’utilisation d’Internet et la modernisation des lignes téléphoniques étatiques, le secteur des télécommunications s’est développé d’une manière exponentielle dans le pays au cours des dernières années. Les progrès technologiques se succédant à un rythme effréné, les recettes et les...