Actualités - ANALYSE
PLAN QUINQUENNAL - Le point de vue de l'un de ses auteurs , Charbel Nahas Un document final allégé
Par RIZK Sibylle, le 03 juillet 1999 à 00h00
Le plan quinquennal finalement présenté au Parlement comporte une quarantaine de pages de moins que celui soumis début juin à la commission ministérielle chargée du projet qui l’avait alors approuvé. L’économiste Charbel Nahas a travaillé à l’élaboration du document pendant plus de quatre mois, en collaboration avec M. Makram Sader, secrétaire général de l’Association des banques, et, évidemment, en concertation permanente avec les différents ministères concernés. Il détaille pour «L’Orient-Le Jour» les passages que le gouvernement a choisi de ne pas retenir. Sur le bureau de l’économiste Charbel Nahas, un épais document porte sa signature et celle de Makram Sader, secrétaire général de l’Association des banques. Il s’agit de la version en 120 pages environ du plan quinquennal, tel qu’il avait été approuvé par la commission ministérielle formée par le Premier ministre Sélim Hoss et les ministres des Finances, de l’Economie et du Commerce, de l’Information, des Travaux publics et de la Culture. Ce sont également des copies de cette version dont des extraits ont été largement publiés par la presse et qui ont circulé dans les milieux économiques. La version officielle finale, remaniée par le gouvernement avant sa présentation au Parlement, comporte environ 80 pages. Annotées une par une au crayon mine, dans la marge, M. Nahas explique quelles parties ont été modifiées après les arbitrages ministériels. Un certain nombre d’analyses et de tableaux expliquant la situation actuelle ont été élagués comme, par exemple, l’explication de «l’effet ciseau» de l’accumulation des déficits budgétaires primaires (hors service de la dette) sur la dette elle-même : si le déficit n’est pas stabilisé une année x, il sera plus difficile de le stabiliser l’année suivante et encore plus l’année d’après. Plus le déficit primaire augmente, plus le poids de la dette par rapport au PIB augmente et plus la stabilisation est difficile. Autre analyse absente du plan quinquennal final, celle du mode de financement de la dette et ses répercussions dans le domaine financier. «De l’étude de l’impact de la structure du financement de la dette sur le bilan des banques, il ressort que le risque public a très fortement augmenté dans ces bilans, que ce soit en devises ou en livres libanaises», explique M. Nahas, puisque les émissions internationales en devises se retrouvent en fin de compte à hauteur de 80% dans les bilans des banques, celles en livres libanaises l’étant en totalité. Le gonflement de la sphère financière dans le pays, dû à ce phénomène d’endettement excessif de l’État, a été résumé dans un schéma qui montre l’extrême concentration des revenus au profit de certains gros déposants : 22,7 % du PIB est accaparé par ceux-ci sous forme d’intérêts. Ce prélèvement financier remarquable a des répercussions dans toute la structure des coûts, poursuit l’économiste, qui déplore que ce point n’ait pas davantage été retenu. La masse monétaire absorbée par la dette «Nous avons également essayé de diagnostiquer les effets de la politique monétaire et tenté de dessiner une politique monétaire alternative. Ceci est passé par une analyse de la corrélation quasi totale entre l’accroissement de la masse monétaire en livres libanaises et celui de la dette publique en livres libanaises, mais cette partie du texte ne figure plus dans le document pourtant élaboré en étroite collaboration avec la commission ministérielle», poursuit M. Nahas. Un graphique réalisé à partir des statistiques de la Banque centrale montre ainsi que la masse monétaire est absorbée à 95 % par la dette publique, «ce qui revient à dire que la livre ne fonctionne pas comme une monnaie au sens économique du terme en dehors du cercle du financement de la dette». C’est ce phénomène qui témoigne par ailleurs de la dollarisation de l’économie et non pas les chiffres avancés concernant les pourcentages des dépôts en dollars. Parallèlement, l’étude soulignait la détérioration constante du taux de couverture de la masse monétaire en livres qui est passé d’environ 150 % en 1991 à 40 % aujourd’hui (or compris). Le plan initial examinait aussi le déficit structurel de la balance des paiements courants, couvert essentiellement par l’afflux de capitaux à court terme. Le pays doit ainsi en permanence essayer de conserver tous les capitaux courts accumulés et attirer un supplément annuel de l’ordre de 3,5 milliards de dollars, ce qui pèse sur deux choses : l’économie pâtit de la tendance à la hausse des taux d’intérêt et le pays demeure en situation de dépendance financière, avec un risque croissant de sortie des liquidités, dit M. Nahas. «Nous voulions souligner ce risque et proposer des mesures correctives qui touchent le niveau de consommation, le niveau des importations, etc». Fort taux d’inactivité féminine L’étude détaillée de la structure démographique du pays, point considéré fondamental par M. Nahas, étant donné que la main-d’œuvre est un facteur de production essentiel, a également été réduite. L’un des graphiques supprimés montre que le solde net annuel des sorties du territoires libanais est passé de 24 000 en 1991 à 150 000 en 1998, ce qui signifie que l’émigration nette représente le double de l’accroissement de la population libanaise. L’examen de la pyramide des âges révèle aussi qu’entre 25 et 30 % de la tranche d’âge des 20-24 ans sont inactifs et représentent donc des candidats potentiels au départ. On note en outre un taux d’inactivité de près de 70 % chez les femmes, ce qui devait justifier la proposition d’un ensemble de mesures spécifiques sur les horaires scolaires, la législation du travail, etc. pour encourager la féminisation du travail, estime M. Nahas. Suppression de la mention concernant l’imposition des plus-values foncières dans le cadre de la réforme de l’impôt sur le revenu, réduction des paragraphes concernant les mécanismes de privatisation, les mécanismes de subvention et la mesure de leur impact… La liste des modifications décidées est longue. De sources proches du gouvernement, on met en avant la volonté de concision qui a présidé à l’opération de résumé, tout en affirmant, que sur l’essentiel, le plan demeure le même : il vise à entamer une réforme fiscale et monétaire. Charbel Nahas, qui ne remet nullement en question la décision politique, estime toutefois dommage que l’ensemble des données du problème qui se posent au Liban ne soient pas présentées. «De façon générale, beaucoup de points qualifiés de détails donnaient selon nous un contenu aux titres généraux de la réforme. En fait on est passé d’un plan relativement précis, avec un calendrier, à de grandes orientations».
Le plan quinquennal finalement présenté au Parlement comporte une quarantaine de pages de moins que celui soumis début juin à la commission ministérielle chargée du projet qui l’avait alors approuvé. L’économiste Charbel Nahas a travaillé à l’élaboration du document pendant plus de quatre mois, en collaboration avec M. Makram Sader, secrétaire général de l’Association des...
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