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Actualités - REPORTAGES

URBANISME - Des dossiers gelés depuis trois décennies Les " jardins fantômes" d'Achrafieh

Des décisions municipales de la ville de Beyrouth, dont la plus ancienne remonte à 1970, stipulent la création de deux jardins publics dans la région d’Achrafieh. Trois décennies plus tard, les projets sont toujours suspendus. La raison avancée officiellement est le manque de moyens de la municipalité qui se trouve incapable de payer les expropriations très élevées. Cela veut-il dire que les dossiers sont définitivement enterrés ? La région d’Achrafieh, bien qu’ayant connu ces dernières années un essor remarquable, reste pauvre en espaces verts. Des mères promènent leurs bébés entre les tuyaux d’échappement. Les quelques trottoirs étroits sont envahis par les voitures trop nombreuses. Le béton gagne rapidement du terrain, comme partout ailleurs. Le seul jardin public d’envergure est celui de Sioufi, récemment réhabilité. Mais il n’est pas proche de toutes les localités. Pourtant, la décision de créer deux jardins publics dans la région a été prise par le conseil municipal de la ville. M. Antoine Jazzar, ancien membre du conseil municipal, se souvient des péripéties d’une entreprise qu’il a suivie de près et qui s’est terminée en queue de poisson. «Dans les années 1970-1971, le conseil municipal de la ville de Beyrouth, sous la présidence d’Amine Beyhom, a adopté un programme global et équilibré pour l’aménagement de jardins publics dans la capitale», raconte-t-il. «Deux jardins d’une superficie importante ont été prévus à Achrafieh : l’un au niveau de la place Sassine et de la tour Rizk, et l’autre dans la rue Saydé». «Durant le mandat du conseil municipal présidé par Chafik Sardouk, l’administration n’a pas exécuté les projets», poursuit M. Jazzar. «La décision de les annuler a donc été prise». M. Jazzar déclare avoir lui-même proposé deux jardins de remplacement à Achrafieh. Le projet a été accepté. «Le 7 mars 1996, le conseil municipal a pris la décision de consacrer deux terrains à des jardins publics», dit-il. «Le premier se trouve sur la propriété numéro 618, le second sur les propriétés numéros 5 313, 591 et 925. Une décision en ce sens a été communiquée par le président du conseil municipal le 12 juin 1996 au ministre des Affaires municipales et rurales, et le 12 juillet 1996 à la direction de l’Urbanisme». «Depuis cette date, ajoute M. Jazzar, malgré tous mes efforts, je n’ai jamais pu connaître le sort de ces deux dossiers ni les mener à bon port, c’est-à-dire au ministère des Affaires municipales pour, dans une seconde étape, les présenter au Conseil des ministres. Les informations que j’ai reçues en réponse à mes questions étaient toujours, pour le moins, imprécises». Des arbres centenaires Pourquoi ces dossiers sont-ils restés bloqués ? La décision municipale concernant l’aménagement de ces deux jardins n’ayant pas été approuvée par le ministère, l’expropriation n’a pas eu lieu. Elle deviendra de plus en plus difficile à mesure que le temps passe. Des habitants vivant à proximité de l’un des terrains, rue Abdel Wahab el-Inglizi, et qui ont désiré garder l’anonymat, ont milité pendant quatorze ans pour obtenir sa transformation en jardin public. La réponse qu’ils ont invariablement eue concernait un manque d’argent. Cela a été confirmé à L’Orient-Le Jour par Mlle Roula Ajouz, membre de l’actuel conseil municipal, qui s’est renseignée sur la question. «L’obstacle principal à la création de ces jardins est le manque d’argent», dit-elle. «Le budget de la municipalité est déjà très réduit. Si l’expropriation de terrains au beau milieu de la capitale coûte des millions de dollars, nous ne pouvons pas nous en charger malgré toute la bonne volonté du monde». Le manque de moyens indéniable de la municipalité a-t-il été la seule raison qui a gelé ce projet pendant trois décennies ? Les intérêts et les influences ont-ils joué un rôle ? Pourtant, à voir le terrain de la rue Abdel Wahab el-Inglizi (qui appartient à M. Robert Mouawad), on se dit qu’il est dommage de ne pas le transformer en espace public. D’une superficie d’environ 2 000 mètres carrés, il est plat et est bordé par trois rues. Mais il possède un autre atout de taille : il est couvert d’arbres gigantesques et centenaires. De plus, il se trouve dans une région complètement envahie par le béton et qui s’accommoderait d’un espace vert. Au quartier St-Pauli dans la banlieue de Hambourg en Allemagne, la seule solidarité populaire a pu sauver un terrain destiné à la construction et en faire un parc public. Les habitants, qui ont réhabilité bénévolement le terrain, ont compris que la qualité de vie dans une ville dépend aussi de la proximité d’espaces verts. Le militantisme des habitants d’un quartier de la capitale libanaise pour une cause similaire serait-il voué à l’échec ?
Des décisions municipales de la ville de Beyrouth, dont la plus ancienne remonte à 1970, stipulent la création de deux jardins publics dans la région d’Achrafieh. Trois décennies plus tard, les projets sont toujours suspendus. La raison avancée officiellement est le manque de moyens de la municipalité qui se trouve incapable de payer les expropriations très élevées. Cela veut-il dire...