Actualités - CHRONOLOGIE
LIVRES - Etuardo Manet a la nostalgie du Liban " D'amour et d'exil " . ou le destin tragique d'un homme
Par AQUEISS Lody, le 30 avril 1999 à 00h00
Eduardo Manet n’est pas inconnu au Liban. Déjà en 1972, il avait mis en scène une pièce de Gabriel Boustany Aladin in memoriam. Plus tard, à l’École des Lettres, Marie-Claude Assaf avait monté sa pièce (Les Nonnes) que Roger Blin avait créée en 1968 à Paris tout comme on se souvient encore de sa pièce Eux mise en scène par Antoine Moultaka avec Alain Plisson. Eduardo Manet est heureux d’avoir des projets au Liban qu’il aime et dont il a la nostalgie. Il envisage de mettre en scène une pièce de Gabriel Boustany L’Émir et La Lady (Lady Stanhope). Il projette une double version, une double troupe. Ludmilla Michael serait pressentie pour le rôle principal. En attendant, à Paris, son dernier roman D’Amour et d’Exil, paru chez Grasset, retient toutes les attentions. Le roman commence par une longue tirade sur l’exil : subtiles différences entre le mot «émigré» et celui d’«exilé», l’exilé étant cet être transplanté malgré lui par un impératif brutal, enchaîné à sa rage d’impuissance. Ce sont là les paroles de son parrain qui reviennent à la mémoire du personnage principal du livre, Leonardo Esteban, le Cubain révolutionnaire, exilé volontaire au pays basque français. Construction cinématographique Cette réminiscence amorce le récit construit tout en flash-back continus, déroutants à première lecture. Une construction savante, ou malhabile peut-être, plutôt cinématographique, car Eduardo Manet, l’auteur d’origine cubaine, et français d’adoption tardive, est tout à la fois homme de théâtre et de cinéma ainsi que romancier. Si le livre se compose du récit de la confrontation de Leonardo Esteban avec ses propres convictions, le refus d’une situation politique, économique et sociale, la remise en question de sa conception de la révolution à laquelle il avait toujours cru, et de sa crise de foie en cette même révolution, il est également le récit d’une histoire d’amour passionnée et passionnante entre deux êtres d’une dimension remarquable, qui s’aiment et se déchirent, s’attirent, se rejettent, se méfient l’un de l’autre, cherchent à se connaître à travers le temps et les événements qui les unissent et les séparent, dans un parcours passionnel où les sentiments s’entrechoquent avec les impératifs politiques, où le suspense tient le lecteur en haleine jusqu’aux dix dernières pages du livre. Quel destin tragique que cet homme qui a toujours cru et lutté pour la justice sociale qu’il considérait plus importante que la liberté et qui finit par s’apercevoir et comprendre bien plus tard que c’était le contraire ! Pour lui, c’est alors le départ, l’exil volontaire, à la recherche de sa propre identité, à la recherche de lui-même et des vraies valeurs dans le pays pour lequel il a eu le coup de foudre, le pays basque français. Celui de son parrain et père adoptif. En douze chapitres qui représentent deux semaines, l’auteur réussit le tour de force de bâtir ce roman en faisant raconter à Leonardo sa vie à son ancienne maîtresse d’il y a 11 ans, Berta Maria Diaz, envoyée en France par les services de renseignements cubains pour faire parler Leonardo, essayer de comprendre pourquoi il a prolongé son séjour en France et négocier son retour à Cuba. Pathétique rencontre Et Leonardo raconte. Pendant quinze jours il raconte. Que de passages émouvants dans ces onze chapitres, que d’émotions, d’humour, de dérision. Que de distance avec les événements lui faudra-t-il pour parvenir à les raconter! Ainsi, le récit de sa rencontre avec un personnage extraordinaire, Antonio Altuna, le Basque, catholique communiste, condamné à mort par les sbires de Franco, qui s’était réfugié à Cuba en croyant à la révolution cubaine. Leonardo avait neuf ans et arrivait de Santiago avec sa mère à La Havane. Pathétique rencontre qui décide de l’avenir de Leonardo Esteban et de sa mère et qui va changer complètement leur vie. Comment ne pas mentionner l’émotion particulière et l’humour dans la description de la première rencontre de Leonardo Esteban avec Berta Maria Diaz, description qui est aussi un formidable hommage à la femme cubaine. «Elle était entrée dans sa vie comme un ouragan, une irruption volcanique dans un obscur cocktail d’ambassades d’un de plus archaïques pays de l’Est. Quel étonnement que de voir cette “mulâtresse de chez nous, eye-liner Max Factor, lipstick Elizabeth Arden, tissu léger montrant le corps, longue jupe fendue à mi-cuisse, distance et sophistication d’une star américaine des années 30 et 40. Rita Hayworth dans Gilda” — de voir cette mulâtresse en pleine campagne de séduction, rayonnante d’énergie et de santé, un de ces spécimens uniques que seule notre île peut produire». Tout au cours de ces deux semaines, Leonardo raconte et s’interroge. Le problème se pose : l’amour sera-t-il plus fort pour que Berta abandonne sa famille, ses fonctions, son idéal politique ? Restera-t-elle avec lui ? Repartira-t-il avec elle ? La réalité ne sera révélée qu’à la fin, donnant au lecteur le plaisir de la découvrir. Un film tiré de ce roman donnerait au spectateur un plaisir infini.
Eduardo Manet n’est pas inconnu au Liban. Déjà en 1972, il avait mis en scène une pièce de Gabriel Boustany Aladin in memoriam. Plus tard, à l’École des Lettres, Marie-Claude Assaf avait monté sa pièce (Les Nonnes) que Roger Blin avait créée en 1968 à Paris tout comme on se souvient encore de sa pièce Eux mise en scène par Antoine Moultaka avec Alain Plisson. Eduardo Manet est...
Les plus commentés
Naïm Kassem : Le Hezbollah est prêt à coopérer avec l’armée
Timing, causes, enjeux : comment l’offensive rebelle a bouleversé la donne en Syrie
Massad Boulos : L’accord entre Israël et le Liban prévoit le désarmement du Hezbollah