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Actualités - REPORTAGES

IRAK - Les 62 ans du raïs célébrés faste Les témoignages massifs de fidélité à Saddam , un défi à l'Occident

Il n’y a qu’en Irak que l’anniversaire du président est célébré comme une fête nationale. Mais il n’y a qu’en Irak que les nourrissons continuent à mourir de malnutrition pour cause d’embargo décrété par les Nations unies il y a près de neuf ans. Se sentant rejeté par la communauté internationale, le peuple irakien cherche à rappeler au monde son existence en multipliant les festivités, les congrès et les manifestations d’envergure, toujours centrés autour du président Saddam Hussein. En Occident, certains appelleraient cela un culte de la personnalité. Mais, ici, c’est surtout l’identification massive d’un peuple combatif et fier à son chef, pour défier ceux qui le pourchassent. On l’espérait à Tikrit, sa ville natale, on l’attendait pour l’inauguration du nouveau barrage sur un affluent du Tigre, on était même sûr qu’il inaugurerait la nouvelle cité Saddamiyé, une sorte de complexe touristique qui, vu du ciel, forme les lettres du prénom du président ; mais Saddam Hussein qui fêtait mercredi son soixante-deuxième anniversaire ne s’est montré nulle part, sauf en soirée, à la télévision, dans un de ses palais. Si la déception des journalistes est grande, le peuple, lui, est habitué à ne voir son chef qu’en photo, statue ou effigie. Éternel présent-absent, il occupe toutes les conversations et hante les esprits, et il est impossible de l’oublier un instant puisque toutes les réalisations, toutes les constructions lui sont dédiées et sont baptisées à son nom. C’est donc le vice-président du chef de l’État, Taha Yassine Ramadan, qui a présidé la cérémonie de l’inauguration de Saddamiyé, en présence de la plupart des responsables du régime. Mais le véritable spectacle était ailleurs, à Tikrit : en Irak, on veut voir un signe du destin dans le fait que la ville natale du président est la capitale de la province de Salaheddine al-Ayoubi. D’ailleurs, la plupart des statues édifiées en hommage au président le représentent en cavalier guerrier, à l’instar de son célèbre ancêtre Salaheddine. L’image de Salaheddine À deux heures de route de Bagdad, Tikrit semble surgi d’un rêve, avec ses avenues gigantesques, ses arbres bien rangés, l’ordre et la propreté qui y règnent alors qu’autour ce ne sont qu’étendues plus ou moins désertiques, en tout cas très peu peuplées. La ville n’est certes pas grande, mais son infrastructure semble démesurée. Les rues sont vides, les habitants préférant soit rester chez eux, soit se mobiliser pour la cérémonie. Les mesures de sécurité sont très strictes, barrages de contrôle, survol d’hélicoptère – de vieilles Alouettes – et entrées sévèrement filtrées. L’immense complexe est déjà plein. Au premier rang de la tribune des officiels, une délégation soudanaise, ainsi que les rares diplomates encore en poste à Bagdad, dont l’ambassadeur de Yougoslavie et son épouse très décolletée. De l’autre côté, ce sont les nombreux invités du pays, des délégations venues de plusieurs pays arabes, de Bulgarie, de Hongrie, de Russie, de Suisse, d’Italie etc. C’est le vice-président du Conseil de la révolution, Izzat Ibrahim, qui préside la cérémonie à partir d’une tribune en marbre blanc. C’est d’ailleurs lui qui coupera le gigantesque gâteau d’anniversaire qui fera le bonheur des milliers de présents, dont certains entasseront plusieurs morceaux dans des sacs en plastique. C’est aussi lui qui lèvera le voile sur une nouvelle effigie de Saddam Hussein en Salaheddine. Mais auparavant, il assistera à des danses, à un défilé militaire et à un autre, populaire, représentant tous les mohafazats et toutes les tribus du pays, qu’il se contentera de saluer de la main. Le parti du président, le Baas, est aussi très présent à cette cérémonie. Le père du peuple Le spectacle de ces jeunes, de ces vieux, de ces femmes en robe longue scandant avec frénésie des slogans d’amour et de fidélité au président a quelque chose d’impressionnant. D’autant que dès qu’elles repèrent les photographes, les personnes qui défilent hurlent de plus belle, avec une passion non feinte. Pour ces gens simples, qui se sentent bafoués par la communauté internationale, Saddam Hussein est tout désormais, et ce n’est pas par hasard qu’il est représenté dans toutes les postures et assumant toutes les fonctions possibles et imaginables. On le voit tantôt en cavalier combattant, tantôt en militaire et tantôt en bon père de la patrie. Mais il est aussi photographe, bâtisseur, homme politique, économiste, amateur de téléphones, devant le ministère des P et T, et attaché aux enfants dans les grandes circonstances. Son anniversaire de naissance est donc un grand jour et, si les bureaux sont ouverts normalement, tout le monde cherche à regarder la télévision ou à écouter la radio (officielle) pour connaître les détails des festivités. À Tikrit, le travail est même suspendu l’après-midi pour permettre aux habitants de se rendre dans les tentes dressées sur les bas-côtés de la route, afin de présenter leurs vœux. Les festivités se prolongent aussi dans la soirée. Une coupe est ainsi décernée à l’équipe nationale championne de football et, dans la plupart des villes, des danses et des spectacles sont organisés. Une seule contrainte : pas la moindre goutte d’alcool, puisqu’il a été interdit il y a deux ans, pour des raisons à la fois politiques et sociales. Mais, même sans alcool, les Irakiens auront su s’amuser ce soir. Des pauses de ce genre, ils en ont bien besoin, leur quotidien étant devenu si morne, si frustrant et surtout, si misérable.
Il n’y a qu’en Irak que l’anniversaire du président est célébré comme une fête nationale. Mais il n’y a qu’en Irak que les nourrissons continuent à mourir de malnutrition pour cause d’embargo décrété par les Nations unies il y a près de neuf ans. Se sentant rejeté par la communauté internationale, le peuple irakien cherche à rappeler au monde son existence en multipliant...