Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

RENCONTRE - Promouvoir une éducation du goût Jacques Puisais : Halte à l'appauvrissement sensoriel

Dans le cadre du salon professionnel de l’hôtellerie Horeca qui se tient actuellement au Beirut Hall, un invité de choix, Jacques Puisais, président de l’Institut français du goût depuis 1976. Dans les années 60, le chimiste Jacques Puisais, docteur en sciences de l’Université de Poitiers, développe une méthode d’analyse sensorielle à usage de laboratoire. «Au départ, je cherchais à mettre au point une méthode d’examen sensoriel complémentaire aux analyses chimiques, physiques et micro-biologiques des aliments que j’effectuais dans mon laboratoire de Tours», précise-t-il. «Car à cette époque, je considérais qu’on n’avait pas le droit de donner une valeur économique à un aliment sans tenir compte de sa valeur sensorielle». En 1964, cette méthode est rendue publique. «Progressivement, elle est sortie du laboratoire pour aller dans la rue. Il fallait s’intéresser au consommateur, le sortir de son désert», indique Jacques Puisais. «Nous avons donc commencé notre travail auprès des cuisiniers, des gens de la restauration. En leur apprenant à mieux maîtriser cette approche sensorielle. Ensuite, nous nous sommes tournés vers les enfants, puis vers le grand public». «Car on se rendait compte», poursuit-il, «que les gens avaient du mal à s’exprimer sur leur émotionnel, alimentaire en particulier. Et par conséquent, que certains mots se perdaient». L’objectif de cette campagne était donc - et reste - de favoriser la communication de l’homme avec des éléments, avec lui-même et avec les autres. Vocabulaire Jacques Puisais insiste sur l’importance des mots. «Il faut savoir attribuer un mot à une émotion», dit-il. «Si les sensations se perdent, les mots qui servent à les décrire se perdent aussi. Et la langue s’appauvrit». L’Institut français du goût a donc pour rôle de promouvoir cette éducation au goût, dans les écoles mais aussi chez les adultes. «C’est en fait un réseau plutôt qu’une institution», précise Jacques Puisais, «avec des formateurs et des instituteurs formés sur toute la France». En France, cent mille enfants ont bénéficié de l’enseignement de Jacques Puisais. À travers des campagnes entreprises à l’initiative de M. Puisais, puis relayées par les autorités de l’Education nationale : des équipes de spécialistes et de grands chefs se rendent dans les écoles maternelles puis primaires de toutes les régions pour lutter contre l’appauvrissement sensoriel. Les professeurs, notamment ceux des écoles hôtelières, sont eux aussi contactés. Leurs élèves deviendront un jour des directeurs d’hôtel ou des professionnels dans le domaine de l’hôtellerie. «Nous espérons que tous, par un phénomène de démultiplication, contribueront à enrichir à nouveau le registre de nos perceptions, de nos émotions gustatives», ajoute Jacques Puisais. «D’ailleurs toutes les écoles hôtelières de France sont aujourd’hui équipées d’un mini-laboratoire d’analyse sensorielle». Pavillon Le 26 avril, l’Institut français du goût installera, au Futuroscope de Poitiers ( 3 millions de visiteurs par an), un pavillon sur le goût. «Ce sera la première fois qu’une sensibilisation sur le corps sera organisée. L’idée étant que les gens se réveillent et «vivent» leur corps». Autre manifestation importante, organisée chaque année en France par «un ensemble de gens de bonne volonté» : Les journées du goût. «Elles ont lieu dans les écoles, à la rentrée, et durent une semaine», précise Jacques Puisais. «Ces journées ont l’avantage de rapprocher toutes les personnes qui forment la chaîne alimentaire du consommateur, notamment de l’enfant». C’est aussi l’occasion pour les enfants de voir – souvent de découvrir- un grand nombre de choses à l’état naturel. Un véritable poulet par exemple. Le vin Le vin est la deuxième casquette de Jacques Puisais, qui habite Chinon, «le pays de Rabelais, où on aime bien marier le sec et l’humide». Il explique que «s’il n’y avait pas eu la démonstration, par le vin, de la relation entre le milieu et le produit, je ne me serais jamais donné à fond, comme je l’ai fait, dans le domaine de l’analyse sensorielle». Pour lui, la vigne est une plante fabuleuse. «Dans un verre de vin, il y a autant d’air que de terre», dit-il. Avant Beyrouth, Jacques Puisais a passé quelques jours à Cuba, où il a marié… un cigare et un cognac. «Car tant qu’à faire de la fumée, mieux vaut qu’elle soit sympathique», dit-il dans un sourire. «Idem pour l’alcool. Il serait bête de le boire uniquement pour en avoir la violence, sans l’environnement». Jacques Puisais se félicite d’avoir «fait entrer» le goût au ministère français de la Culture. «Le goût est une source de création», dit-il, «et même, pour moi, un art, car on ne peut traduire les émotions gustatives que par des mots». Et de conclure que «le goût permet de mieux vivre l’instant, sachant qu’un instant ne peut jamais être revécu». Une sage et savoureuse leçon de vie.
Dans le cadre du salon professionnel de l’hôtellerie Horeca qui se tient actuellement au Beirut Hall, un invité de choix, Jacques Puisais, président de l’Institut français du goût depuis 1976. Dans les années 60, le chimiste Jacques Puisais, docteur en sciences de l’Université de Poitiers, développe une méthode d’analyse sensorielle à usage de laboratoire. «Au départ, je...