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Ce soir et demain sous la direction de Roger Assaf Huit actrices de l'Iesav "Bonnes" à jouer Genet (photos)
Par GHANDOUR Maya, le 23 avril 1999 à 00h00
Ce soir «les Bonnes» sont au nombre de huit... Les bonnes jouent à Madame. «Les Bonnes» sont sens dessus-dessous. Et dansent sur des musiques de Gershwin, Beethoven. Ce soir, huit actrices mettent en pièces le drame de Genet et s’en approprient les morceaux. Elles sont tour à tour Claire — Solange — Madame. Sur les planches du Monnot, huit étudiantes de l’Iesav, sous la direction de Roger Assaf. Ce soir vendredi 23 et demain samedi 24, 20h30. Les bonnes sont en cage. Les bonnes sont cruelles... Qui est Claire ? Qui est Solange ? Qui est Madame ? «Les Bonnes» se cherchent... elles sont trois corps qui glissent vers nous, trois trajectoires parallèles, trois masques en quête d’identité, elles ne savent pas non plus qui est Solange, qui est Madame, qui est Claire; les bonnes se révoltent. «Les Bonnes» s’échappent, protestent, les bonnes pensent que pour être Madame, il faut tuer Madame. Les bonnes ont la haine. Les bonnes s’aiment. Les bonnes se détestent. L’une est le miroir de l’autre, l’autre est le reflet de l’une. Les deux haïssent Madame. Les deux se substituent à Madame, dans le secret des chambres de bonnes, dans la chambre de Madame, dans ses robes, dans le lit de Madame, dans les étreintes sensuelles avec Monsieur. Bonnes comme un jeu : jeu pervers, jeu exalté, jeu dans le jeu ou bien elles jouaient à jouer à jouer. Voilà une pièce qui montre le théâtre comme tentative brutale et ultime de comprendre l’autre jusqu’à vouloir s’incarner en lui. Si tu n’as pas d’ennemi, tu es toi-même ton ennemi. Lecture rapide du programme signé Roger Assaf. «Madame est bonne !», dit une des bonnes dans les Bonnes. Est-ce un calembour fortuit ou une ambiguïté voulue ? Cette phrase, peut-être anodine, a été pour nous le point de départ d’un jeu théâtral réfractaire à la normalité littéraire. Je ne crois pas que Genet aurait dénoncé l’impertinence de ces jeux profanatoires auxquels se sont livrées nos jeunes actrices, lui qui haïssait le réalisme, le plaidoyer social ou politique, les comédiens conventionnels et la conformité théâtrale. Et le metteur en scène d’ajouter : «Exaltation de l’artifice, de la fausseté, de l’imposture et du travestissement, théâtre antidialectique et antihistorique, où des antihéros démontent dans un antithéâtre les structures de la conscience, de la logique, du langage…» Voilà le spectateur témoin gênant et gêné de ce massacre de l’âme, des corps, de l’être et du non-être. Trois femmes, phénomènes surnaturels, qui crachent, hurlent, vomissent, murmurent ce texte que l’on se permet quelquefois de ne plus entendre pour mieux observer l’attitude, le déplacement, l’acharnement physique de ces monstres à extérioriser leur haine, à mettre en place leurs machinations meurtrières. En fait, on est pris dans un tourbillon d’amour-haine, une relation triangulaire puis collective qui devenait de plus en plus malsaine dans une atmosphère nerveusement insupportable. L’important, tout au long de ce spectacle, c’est l’interaction entre les trois rôles. Les bonnes dont les prénoms sont interchangeables («Madame» les confond toujours) et chacune peut prendre l’emploi de l’autre. «Madame» les envie peut-être un peu, elle le montre lorsque du haut de sa potence elle dit : «Vous avez de la chance, on vous donne vos belles robes, moi, il faut que je les achète». À ce moment précis, «Madame» a comme une jalousie vis-à-vis des bonnes et envie en quelque sorte leur condition qu’elle imagine sans doute avec moins de soucis que la sienne. Ce qui est extraordinaire, c’est le langage des bonnes. Elles parlent sans vulgarité, sans soumission, sans obséquiosité. Leur façon de s’exprimer est, malgré leur condition de subalterne, la même que celle de «Madame». Entre les bonnes aussi existe cette jalousie qui les fait s’observer l’une l’autre. Elles s’épient et ne manquent pas de dévoiler à l’autre tels agissements faits en cachette et surpris. Tout au long du déroulement de la pièce, on a la sensation que chaque personnage pouvait être l’un des deux autres et que, dans la vie, la position sociale est déterminée le plus souvent par le hasard de la condition de sa naissance. Bonnes à tuer. Jalousie, délation, désir d’identification à Madame, tous ces révélateurs d’un amour secret pour leur patronne sont les ressorts de la pièce, encore compliqués par l’amour-haine incestueux qui unit et divise les deux sœurs.
Ce soir «les Bonnes» sont au nombre de huit... Les bonnes jouent à Madame. «Les Bonnes» sont sens dessus-dessous. Et dansent sur des musiques de Gershwin, Beethoven. Ce soir, huit actrices mettent en pièces le drame de Genet et s’en approprient les morceaux. Elles sont tour à tour Claire — Solange — Madame. Sur les planches du Monnot, huit étudiantes de l’Iesav, sous la direction...
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