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Actualités - CHRONOLOGIE

Golfe - La liberté d'information passée au peigne fin La censure survit à l'avènement de l'espace virtuel

L’Internet et la télévision satellitaire ont ouvert aux sociétés conservatrices arabes du Golfe une grande fenêtre sur le monde, mais la censure n’est pas devenue obsolète pour autant. Un étudiant français dans un de ces pays vient d’en faire l’expérience, en commandant un livre sur la peinture du XVIIe siècle, destiné à expliquer la différence entre art et pornographie dans une thèse sur la pudeur. L’ouvrage est arrivé, mais le nu de Rubens en couverture a été censuré. De la femme sur le dessin, il ne restait plus que le tête, les mains et les pieds. Le reste a été coupé avec des ciseaux. «Il existe encore des zones interdites d’accès» aux populations du Golfe, indique Judith Vidal-Hall, rédactrice en chef de la revue londonienne Index on Censorship. La censure «varie d’un pays à l’autre» de la région, mais elle «évolue dans une marge relativement étroite», ajoute-t-elle. «La tendance n’est pas à l’amélioration», mais la transmission numérique «pourrait apporter certains changements, c’est inévitable», estime-t-elle. L’Internet, considéré ailleurs comme un bastion de la liberté d’expression, est sous l’emprise des compagnies monopolisant les télécommunications dans les pays du Golfe, contrôlées par les États. L’Arabie séoudite, le plus grand des pays du Golfe et le plus strict en ce qui concerne l’information, travaille toujours sur les moyens d’affermir son contrôle de l’Internet, service inauguré cette année. Le Qatar : un cas à part Un cyber-café a ouvert ses portes en février à Djeddah, sur la côte ouest du royaume, mais le personnel est là pour veiller sur les bonnes mœurs. «Nous demandons à nos clientes de nous prévenir et d’arrêter la connexion si, par hasard, elles arrivaient sur un site qui ne respecte pas nos valeurs islamiques», affirme Iftitan Jamal, responsable de la section pour femmes du Café de Paris, où les internautes de chaque sexe surfent à part. Les serveurs Internet des pays du Golfe s’emploient à bloquer systématiquement les sites pornographiques ou jugés hostiles à l’islam, à l’exception de celui du Qatar, où l’accès à l’espace virtuel semble libre. L’invasion du petit écran par les télévisions satellitaires étrangères a suscité également l’inquiétude des milieux conservateurs de ces pays habitués autrefois aux programmes diffusés par les chaînes contrôlées par l’État. Au Koweït, le Parlement est en train de débattre d’un projet qui interdit la réception des «chaînes incompatibles avec les valeurs et les traditions». La publicité doit également être conforme aux critères de pudeur dans le Golfe. De nombreux spots font l’objet d’un montage spécial où les femmes disparaissent ou ne sont montrées que voilées, et certains sont faits exclusivement à destination de la région. Ces adaptations rapportent gros pour les publicitaires, dont le chiffre d’affaires pour l’ensemble des six monarchies arabes du Golfe a totalisé 1,3 milliard de dollars, la moitié en Arabie séoudite. «Les publicitaires ont réalisé l’importance des coutumes locales et c’est une stratégie appréciée par les clients», dit Khamis al-Mouqla, président de la branche bahreinie de l’Association internationale de publicité. Le seuil de tolérance de chaque pays aux photos dévoilant certaines parties du corps varie d’un pays à l’autre. Les revues pornographiques sont strictement interdites et les autres sont vendues librement, mais censurées. Certains censeurs prennent le soin de couvrir une poitrine par un soutien-gorge ou d’allonger une jupe trop courte, à coups de crayon feutre. D’autres, plus expéditifs, passent n’importe comment de l’encre noire sur les parties exposées. En Arabie séoudite, on colle les pages incriminées à d’autres. Le septième art n’y échappe pas non plus. L’intervention des censeurs a été flagrante à la sortie dans les pays du Golfe du film “Le Patient Anglais”. Les scènes intimes ont été expurgées, raccourcissant de plusieurs minutes cette œuvre couronnée par neuf Oscars.
L’Internet et la télévision satellitaire ont ouvert aux sociétés conservatrices arabes du Golfe une grande fenêtre sur le monde, mais la censure n’est pas devenue obsolète pour autant. Un étudiant français dans un de ces pays vient d’en faire l’expérience, en commandant un livre sur la peinture du XVIIe siècle, destiné à expliquer la différence entre art et pornographie dans...