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Actualités - CHRONOLOGIE

Algérie - Interrogations pressantes après une élection présidentielle controversée Bouteflika devra s'atteler aux dossiers sensibles

Pourvue de son premier président civil à l’issue d’une élection hautement controversée, l’Algérie se retrouve confrontée à des interrogations pressantes qu’Abdelaziz Bouteflika devra lever rapidement s’il ne veut pas devenir un chef d’État de transition. Affirmant jouir d’une légitimité populaire, que lui contestent les leaders de l’opposition, le président élu a devant lui plusieurs dossiers essentiels auxquels il devra s’atteler après sa prise de fonction, qui pourrait intervenir dans une dizaine de jours. 1. Quelle position vis-à-vis des islamistes ? Au cours de sa campagne, Bouteflika s’est prononcé, comme tous les autres candidats, en faveur de la «réconciliation nationale», après sept ans de violences qui ont fait plus de 70 000 morts. Contrairement à certains de ses rivaux, il n’est pas favorable à une amnistie totale et estime que «ceux qui ont du sang sur les mains devront répondre de leurs actes devant la justice». Le nouveau président pourrait tirer profit du consensus existant au sujet de la lutte armée, y compris au sein du Front islamique du salut (Fis), pour tenter de porter le coup de grâce aux maquisards du Groupe islamique armé (GIA), auteur d’attentats limités, sinon sporadiques, ces derniers mois. Il ne semble guère pressé en revanche d’autoriser à nouveau le Fis, hors-la-loi depuis février 1992. Il pourrait toutefois faire un geste en direction des leaders de la formation islamiste toujours emprisonnés ou en résidence surveillée, à charge pour eux de faire allégeance à la constitution en pérennisant la trêve observée depuis près de deux ans par l’Armée islamique du salut (AIS), le bras armé du Front. 2. Quelle recomposition politique? Au-delà de la fraude électorale et des alliances de circonstance, le paysage politique algérien sort profondément modifié du scrutin de jeudi. Déchirés entre de multiples tendances, le Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique) et le Rassemblement national démocratique (RND), la formation bâtie de toutes pièces par et pour le président sortant Liamine Zéroual, pourraient voir leurs rangs s’éclaircir considérablement si ce n’est disparaître pour le dernier nommé. Car plusieurs candidats ont bien l’intention de créer leur propre formation et, en premier lieu, l’ancien ministre des Affaires étrangères Ahmed Taleb Ibrahimi, arrivé officiellement deuxième du scrutin avec 12,53 % des suffrages. Islamisant, Taleb Ibrahimi a bénéficié du soutien du Fis, qui cherchera à se réinsérer dans le jeu politique en se dissolvant dans le nouveau parti, ce qui permettrait d’ailleurs au nouveau président de ne pas avoir à trancher sur ce délicat dossier. L’ancien Premier ministre réformiste, Mouloud Hamrouche, dont la campagne a souffert de l’absence d’un appareil politique, est décidé lui aussi à lancer sa formation. Ces deux hommes sont issus du FLN, tandis qu’un autre candidat, l’ancien conseiller de Zéroual, Mokdad Sifi, semble résolu à quitter le RND pour disposer de sa propre structure. 3. Quelles réformes économiques? Plus encore que la violence, devenue finalement “résiduelle”, la crise économique et sociale que traverse le pays constitue peut-être le dossier le plus épineux du nouveau chef de l’État. Avec un taux de chômage de 30 %, qui atteint plus de 80 % chez les jeunes, un coût de la vie de plus en plus cher et une classe moyenne en déliquescence, les ingrédients sont là pour une explosion sociale que la résignation ou l’abattement de la population ont jusqu’à présent prévenue. Bon élève du Fonds monétaire international (FMI), l’Algérie tire 96 % de ses revenus extérieurs du pétrole et du gaz. M. Bouteflika a laissé entendre – sans être plus explicite – qu’il souhaitait mettre un terme à cette monoculture économique, notamment en relançant l’agriculture, un secteur délaissé par son mentor politique, le défunt président Houari Boumédiène. 4. Quelle place pour l’Algérie dans le monde ? Tout au long de sa campagne, M. Bouteflika a joué auprès des électeurs la carte du nationalisme algérien, fustigeant à tour de rôle la France, ancienne puissance coloniale, le Maroc voisin, Israël et les États-Unis. Il n’est pas dit que le président adoptera le ton du candidat, mais sa vive mise au point vendredi aux «préoccupations» exprimées par Paris et à la «déception» affichée par Washington devant les conditions du scrutin confirment ce qu’il appelle lui-même son «nationalisme pointilleux». «Les gens de Paris devraient s’occuper de leurs problèmes», a-t-il dit, tout en se montrant plus conciliant à l’égard des États-Unis. «Les Américains évaluent à leur juste valeur la politique et le business. Je suis prêt à aller loin avec ce pays dans la coopération», a déclaré le président élu. Au lendemain de son élection, Abdelaziz Bouteflika n’a pratiquement rien dévoilé de ses intentions et pour cause : il semble vouloir prendre son temps et observer d’abord les contours du paysage politique. Sa décision de conserver le Premier ministre Smaïl Hamdani jusqu’au sommet de l’OUA, organisé au mois de juillet par l’Algérie, sa promesse de ne pas dissoudre l’Assemblée nationale dans un avenir proche, ni de modifier la constitution, sont autant de marques de son attentisme. Mais il lui faudra ne pas confondre attentisme et immobilisme, s’il veut éviter une rapide marginalisation que lui promettent déjà certains observateurs. «Je suis persuadé qu’il ne gouvernera que pendant une brève période de transition. Les pressions de l’opposition seront si fortes qu’il ne disposera pas d’une grande marge de manœuvre», pronostique l’avocat et sénateur non inscrit Mokrane Aït Larbi. «Je lui donne au maximum un an», prédit-il.
Pourvue de son premier président civil à l’issue d’une élection hautement controversée, l’Algérie se retrouve confrontée à des interrogations pressantes qu’Abdelaziz Bouteflika devra lever rapidement s’il ne veut pas devenir un chef d’État de transition. Affirmant jouir d’une légitimité populaire, que lui contestent les leaders de l’opposition, le président élu a...