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(SPECIAL) Contrôle public et modernisation réglementaire: nuisibles reports
Par MELKI Roger, le 25 mars 1999 à 00h00
Les compagnies d’assurances opérant au Liban sont soumises à une loi promulguée par le décret (9812 du 4/5/68) et devenue caduque. Le secteur d’assurances relève directement du ministère de l’Économie et du Commerce et est placé sous sa tutelle. Un Conseil national d’assurances a bien été créé de par la loi, mais ses attributions sont très limitatives et l’essentiel de la décision reste concentrée entre les mains du ministère de Tutelle, qui en assure la présidence. D’ailleurs, l’essentiel des travaux de ce conseil est réduit à l’examen des questions qui lui sont transmises par le ministère de l’Économie et du Commerce et se rapportant aux problèmes d’assurance, de réassurance, de capitalisation, d’épargne et de fonds «mutuels». Théoriquement, ce conseil peut présenter au ministère de l’Économie toute proposition se rapportant directement au fonctionnement des organismes d’assurances relative aux dispositions fiscales, aux conditions générales des contrats, à la gravité des risques, etc. Mais dans les faits, cet organisme reste peu actif. Faiblesse du tuteur De ce fait, toute action réelle pour la modernisation et la dynamisation du secteur dépend d’un ministère très faiblement doté en structures et en ressources financières et humaines, qui coiffe de nombreux services, allant de la protection du consommateur en passant par la gestion des silos du port de Beyrouth, à celle de l’Office des céréales et de la betterave sucrière et qui, bien sûr, est soumis aux pressions et aux aléas politiques traditionnels. L’une des priorités de tous les ministres qui se sont succédé à ce poste a été la modernisation de la loi sur les assurances. Pratiquement, tous étaient conscients de l’urgence de la réforme, avaient leur vision du secteur et ont présenté un projet de loi de sa réorganisation. La longévité de l’ancien ministre M. Yasine Jaber lui a même permis de transmettre son projet au Parlement où, malheureusement, il est toujours sous étude. Les promesses de son approbation définitive par la Chambre se sont multipliées au cours des deux dernières années. Mais malgré les amendements apportés au texte original, les engagements des uns et des autres n’ont pas été tenus. Le changement ministériel de novembre dernier ne fera que retarder encore plus une nouvelle loi à laquelle les assureurs ne croient plus et qui, pourtant, sans elle aucun redressement sérieux ne peut être entrepris. En fait, si l’adoption d’une nouvelle réglementation pour le secteur des assurances est nécessaire, elle est loin d’être suffisante. En effet, il ne s’agit point d’adopter une loi-cadre globale et générale, mais de mettre en place un système de contrôle efficace et souple pouvant garantir les intérêts de tous les intervenants, consommateurs et assureurs, pour redonner à ce secteur la crédibilité qui lui fait largement défaut. Contrôle à géométrie variable Promesse de paiement virtuel moyennant un versement immédiat, la prestation d’assurance suppose que l’entreprise qui s’engage ainsi reste à la hauteur de ses engagements jusqu’au moment où elle sera appelée à effectuer le paiement convenu. Aussi, dans tous les pays, les pouvoirs publics ont-ils institué une réglementation et un contrôle très strict des compagnies et des opérations d’assurances. Le contrôle relève du droit public. Il revêt plusieurs formes: Contrôle d’établissement: aucune entreprise d’assurance, quelle que soit sa forme juridique, libanaise ou étrangère, ne peut commencer une exploitation ou la développer si elle n’a pas au préalable obtenu l’autorisation du ministère de l’Économie national. Cet agrément n’est jamais général; il est accordé pour une ou plusieurs branches. Il s’effectue a posteriori: on examine les résultats réalisés grâce aux statistiques que doivent fournir les sociétés. Même l’autorisation peut être retirée, totalement ou partiellement, par l’autorité de contrôle, notamment en cas d’infraction aux dispositions et à la réglementation en vigueur. Il est administratif: il est exercé par des fonctionnaires relevant du ministère de l’Économie. Il est permanent: il a lieu tout au long de l’existence de la société (en Europe tous les mois, au Liban tous les 3 mois). Il est actif: des clauses types peuvent être imposées aux sociétés, des tarifs peuvent être fixés ou encore des mesures financières préconisées. La faiblesse de ce contrôle public a été à l’origine de nombreuses irrégularités de la part des assureurs, dont certains ont refusé de dédommager des assurés qui ont pourtant continué à souscrire aux polices et souvent à des taux très élevés. Les interprétations limitatives de clauses ou des exceptions très vagues inscrites dans les contrats sont souvent évoquées pour éviter la couverture des éventuels sinistres. De tels comportements ne sont certes pas de nature à améliorer l’image de marque du secteur. De leur côté, certains assurés, et en l’absence d’un contrôle public strict, multiplient les évaluations excessives ou les fausses déclarations dans le but de gonfler sinistres et indemnisations. Les relations de tensions et de méfiance ne se limitent pas aux rapports entre assureurs et assurés mais s’étendent aussi aux conventions contractuelles avec les assureurs étrangers, qui ne cachent pas leur méfiance et aussi leur déception vis-à-vis du marché et des assureurs libanais. C’est pourquoi d’ailleurs, un grand nombre de compagnies libanaises ne trouvent plus de réassureurs de premières catégories et sont obligées de se rabattre sur des réassureurs moins cotés, ou de ne pas se réassurer du tout, ce qui n’arrange guère les choses. Là encore, le ministère de l’Économie est supposé contrôler la bonne couverture de réassurance mais, dans les faits, les compagnies d’assurance ne sont guère inquiétées si leurs couvertures sont insuffisantes ou non conformes aux normes de la profession. Cet handicap de réglementation est doublé par l’insuffisance des ressources humaines et techniques dont dispose le ministère de l’Économie. Ce dernier a eu recours ces dernières années aux services d’intervenants externes pour apprécier la situation du secteur. Dans ce cadre, le ministère a fait appel, en 1997, à un actuaire international pour auditer les comptes de l’ensemble de la profession et se faire ainsi une meilleure idée des problèmes auxquels se heurte le secteur. Ce rapport n’a pas été publié, mais les fuites y relatives ne semblent guère favorables à la majorité des compagnies libanaises. L’organisation des banques : un exemple à suivre Compte tenu de cette situation de blocage, et en l’absence de moyens réels, réglementaires et techniques, pour assurer un bon contrôle, certains professionnels suggèrent de confier le contrôle du secteur des assurances à la Banque du Liban et à la Commission de contrôle des banques. Il ne s’agit pas seulement de dépasser un simple blocage administratif, mais aussi de dynamiser un secteur supposé être un opérateur principal du marché financier. En effet, aux côtés des banques, le secteur des assurances canalise une grande partie de l’épargne et permet surtout de générer une très forte trésorerie à long terme. En plus, on constate que le secteur bancaire s’intéresse de plus en plus à celui des assurances où il intensifie ses investissements. L’existence de masses financières considérables, influentes sur l’économie nationale, exige donc une intervention de la Banque du Liban, car l’absence de règles relatives à la gestion financière des sociétés constituerait un grave danger de désordre sur le plan économique. Des tentatives sont suggérées par le biais de regroupements professionnels pour assainir la profession. Le cadre idéal à cette approche serait l’ACAL, mais compte tenu de l’accumulation des problèmes, il serait très difficiles d’introduire des changements qui ne seraient pas du goût de nombreux contrevenants ou défaillants, membres de cette association. Il s’agit en fait de fixer des règles déontologiques strictes auxquelles adhéreraient volontairement les compagnies d’assurances. Cette labelisation des produits et des méthodes d’exploitation assurerait une garantie aux souscripteurs trop méfiants à l’heure actuelle. Les normes ISO 9000 sont applicables aussi aux assureurs, mais elles ne semblent point intéresser les compagnies libanaises à l’heure actuelle. Risque-t-on de voir un jour pointer un regroupement des assureurs affichant les normes internationales et soumis aux règles d’arbitrage les plus strictes pour rassurer une clientèle sceptique? La formule est séduisante. Reste bien sûr l’association ou le partenariat avec des assureurs étrangers internationaux qui, eux, apporteraient la crédibilité dont ont besoin les assureurs libanais. Cette troisième voie semble être la plus réaliste. Mais ceci est une autre histoire.
Les compagnies d’assurances opérant au Liban sont soumises à une loi promulguée par le décret (9812 du 4/5/68) et devenue caduque. Le secteur d’assurances relève directement du ministère de l’Économie et du Commerce et est placé sous sa tutelle. Un Conseil national d’assurances a bien été créé de par la loi, mais ses attributions sont très limitatives et l’essentiel de la décision reste concentrée entre les mains du ministère de Tutelle, qui en assure la présidence. D’ailleurs, l’essentiel des travaux de ce conseil est réduit à l’examen des questions qui lui sont transmises par le ministère de l’Économie et du Commerce et se rapportant aux problèmes d’assurance, de réassurance, de capitalisation, d’épargne et de fonds «mutuels». Théoriquement, ce conseil peut présenter au ministère de...