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Actualités - REPORTAGES

(Supplément) La bourse de Beyrouth : à quand la reprise ?

S’il s’agissait de caractériser l’activité sur la Bourse de Beyrouth par quelques mots, un consensus se formerait autour de stagnation, tension, attente, dépression et manque de liquidité. En effet, entre le mois d’août de cette année et le mois d’août de 1998, la capitalisation boursière a chuté de 26,8%, de USD 2,37 milliards, à USD 1,7 milliard. Le nombre d’actions échangées mensuellement est passé en-dessous de la barre du million, reflétant une offre souvent supérieure à la demande. Même les banques, secteur favorisé de l’économie libanaise, ont vu leurs titres s’engager sur le trend descendant sur lequel semble s’être engagée l’économie libanaise en général. Un marché en veilleuse La tendance baissière quasi généralisée qui illustre les performances boursières des derniers mois a d’abord poussé les analystes à dénoncer la conjoncture politique et économique défavorable, mais l’insistance de la crise souligne aujourd’hui clairement l’existence de facteurs justificatifs structurels qui ne peuvent plus être ignorés si les autorités cherchent effectivement à relancer l’économie et à raviver le marché des titres libanais. Bien entendu, l’impact préjudiciable des déficiences structurelles n’exclut pas que des événements spécifiques aux entreprises affectent les mouvements des prix. À titre d’exemple, nous citons les conséquences défavorables qu’a eu la non distribution de dividendes sur les prix des actions de Solidere, ou encore les variations effrénées des actions Byblos et BLC avant, durant, et après la fusion manquée des deux banques. Pourtant, le plus souvent sur le marché libanais, c’est moins l’information micro-économique qui influence l’offre et la demande que des facteurs économiques généraux, ou encore des décisions gouvernementales spécifiques, encourageantes ou inquiétantes. De mois en mois, les chiffres reflètent un désintéressement accru des investisseurs, soit encore un gel des échanges attribué à l’attente d’évolutions positives. Au lieu de prises de bénéfices, le marché témoigne plutôt d’opérations de «cut loss». En effet, les plus anxieux de voir s’effondrer leurs portefeuilles ont déjà vendu pour minimiser leurs pertes. Il s’agit généralement d’acteurs à profil de spéculateurs plutôt que d’investisseurs. Pour ces intervenants, la perspective de court terme prime et le long terme est rarement envisagé. Pour les investisseurs aux comportements moins impulsifs, le marché beyrouthin traverse actuellement une crise justifiée par la dépression économique générale du pays. Les valeurs boursières seraient donc globalement sous-estimées actuellement. Ce serait, pour les plus optimistes, le temps d’acheter et d’attendre que surviennent des jours meilleurs. Un marché miné par des déficiences fondamentales S’il est indéniable que le marché des titres libanais, et en particulier le marché boursier, est en veilleuse actuellement, il est toutefois prévisible qu’un retournement de conjoncture ne provoquerait pas de reprise fulgurante. En effet, le marché des capitaux libanais souffre de faiblesses structurelles qui minent son développement et sapent, pour le moment, tout espoir de voir se développer un marché émergent internationalement attractif et à potentiel fortement prometteur. Un cadre légal très incomplet. Tout d’abord, le cadre légal et réglementaire relatif à l’activité boursière et aux marchés des titres demeure très insuffisant malgré les efforts de réglementation effectués par la Banque centrale. Des lois désuètes ne répondent plus aux mécanismes et aux exigences des marchés modernes, tandis que plusieurs activités financières dont le concept est importé des marchés les plus développés ne sont régies par aucune loi ni réglementation. Une commission avait pourtant été formée il y a quelques années dans le but de préparer des textes de lois censés mettre à jour le cadre légal dépassé en matière de finance. Des activités tels que le crédit-bail, les cartes de paiement, la bancassurance, la fiducie, les produits dérivés ou la titrisation étaient alors prévues au menu. La plus grande part de ces projets de loi sont aujourd’hui en suspens, les blocages législatifs étant une spécificité libanaise bien connue. Bloquées par ces défaillances légales, les institutions financières libanaises et étrangères opérant au Liban se retrouvent forcées de confiner leurs activités aux limites relativement étroites des activités financières traditionnelles. Par ailleurs, l’inexistence d’un filet de sécurité rassurant décourage l’investisseur potentiel, surtout étranger, qui n’est prêt à faire des placements relativement risqués que si les fondements du marché lui procurent un minimum de sécurité. Une lutte permanente contre des données défavorables. Mis à part les déficiences réglementaires générales, le marché des titres libanais, et notamment le marché boursier, est constamment assujetti aux méandres de la politique libanaise et régionale, sans compter que les capitaux en sont constamment détournés du fait des taux d’intérêts toujours alléchants servis sur une dette publique aux dimensions alarmantes, malgré la baisse continue des taux entamée récemment, entamée dans le cadre d’une politique monétaire qui se veut stabilisatrice, voire stimulante. Cet effet d’éviction de l’investissement privé et d’absorption de la liquidité du marché est d’autant plus nocif pour le développement du marché boursier que les sociétés cotées en Bourse ne sont qu’au nombre de treize, et que le financement par les marchés se limite à moins d’une vingtaine de sociétés dont les titres se négocient sur la Bourse de Beyrouth, sur des Bourses européennes, ou encore sur le marché de gré à gré libanais. Le problème du financement du secteur privé et de son développement est d’ailleurs encore plus exacerbé du fait de la gestion risquée des ressources bancaires, une gestion souvent implicitement acceptée par la BDL malgré les risques évidents qu’elle implique. En effet, bon nombre de banques commerciales et de banques d’affaires de la place n’hésitent pas à recourir au «mismatching» entre leurs ressources et leurs emplois, afin de maximiser les rendements de leurs placements, parfois même au détriment de la sécurité des dépôts. Des fonds à relativement court terme sont ainsi détournés du secteur privé pour être placés en titres de dette publique. La transparence en tête des priorités Comment s’étonner de la réticence des investisseurs étrangers lorsque l’information disponible sur le marché est une denrée rare, et que les entreprises, à l’instar de l’administration publique, ne font preuve que d’une transparence superficielle ? Un marché en panne d’information. L’état précaire de l’infrastructure libanaise constitue, en effet, une des raisons majeures derrière les blocages dans le développement du marché boursier, et du marché des titres en général. La transparence fait foncièrement défaut dans le pays, autant au niveau du secteur public qu’au niveau du secteur privé. Les analystes s’accordent tous à dire que le marché des titres libanais est un marché inefficace. Un marché efficient serait, de manière simplifiée, un marché où les évolutions des prix des titres reflètent des évolutions survenues au niveau d’un ou plusieurs des éléments censés affecter les prix. On cite par exemple des modifications au niveau de l’équipe dirigeante d’une entreprise, la déclaration de pertes ou de profits, les perspectives d’une fusion ou d’une acquisition, la mise en place de nouvelles technologies de production, etc. En d’autres termes, pour qu’un marché soit réellement efficient, le public doit être au courant d’un maximum d’évolutions, de changements et de tendances, qu’il s’agisse d’éléments micro-économiques, sectoriels, macro-économiques ou encore politiques, locaux et internationaux. L’information reste pourtant une matière première rare sur le marché libanais. Sa disponibilité, cependant, rassure l’investisseur potentiel, et cela est d’autant plus vrai si l’information et les opérations boursières sont réglementées et contrôlées par une commission des opérations de Bourse, gendarme indépendant du marché des titres. Délits d’initiés, opérations frauduleuses, offres publiques d’achat, fusions, etc. seraient alors tous surveillés. Aucune structure du type de la COB française ou de la SEC américaine n’existe pourtant au Liban, et bien que les autorités prévoient en principe un projet dans ce sens, l’action se fait attendre et l’assainissement du marché libanais des capitaux est constamment partie remise. Une vision brouillée de l’étranger? Questionnés sur les avantages et les inconvénients du «rating» des entreprises libanaises, les professionnels affirment souvent que ces entreprises sont généralement sous-évaluées par les agences internationales de rating, étant donné la règle générale adoptée par ces agences qui consiste à ne pas attribuer à une entreprise, quelle qu’elle soit, une note supérieure à celle attribuée au pays. Mais l’opacité des entreprises n’y serait-elle pas pour quelque chose ? Cela dit, le pouvoir attractif de nos titres nationaux serait donc plafonné par les titres de dette publique. Pour certains banquiers de la place, cela justifie les campagnes de promotion (road shows) souvent effectuées par les banques à l’étranger, pour hisser leur image à un niveau suffisamment rassurant et attrayant pour les investisseurs étrangers a priori mal renseignés, surtout les investisseurs institutionnels. Ces derniers sont d’ailleurs souvent présentés comme étant la solution incontournable, la source ultime de capitaux nécessaires pour la relance du marché boursier libanais. Technicité et produits nouveaux à la rescousse du marché La modernisation et l’extension du cadre légal régissant le marché financier national engendreraient sans doute une prolifération, sur le marché, de nouveaux instruments financiers élaborés qui seraient autant de nouveaux débouchés pour l’épargne nationale. Fonds de placement, organismes de placements collectifs en valeurs mobilières, fonds de pension, produits dérivés, sont tous au nombre des nouveautés bienvenues sur notre marché en manque d’animation. Plusieurs de ces produits canaliseraient l’épargne nationale vers les secteurs productifs locaux, pompant des capitaux dans l’économie et contribuant par conséquent au développement du secteur privé. Le législateur pourrait même envisager d’introduire dans la réglementation des conditions pour assurer un minimum de placements locaux et donc une exploitation nationale des fonds. Bien entendu, les préliminaires ne sont pas à négliger. Du point de vue technique, il est probable que, malgré le professionnalisme de certains opérateurs du marché, le soutien d’institutions financières étrangères soit sollicité via des partenariats. De telles initiatives ne feraient d’ailleurs que renforcer la crédibilité des institutions libanaises sur le plan international. Par ailleurs, le système déjà approuvé de cotation continue devrait être mis en place afin de garantir une information continue et en temps réel sur le plan des transactions boursières. La cotation continue contribuerait largement à la transparence du marché et limiterait sans doute les interventions d’initiés et les rachats par les entreprises elles-mêmes de leurs propres actions. Pour le moment, il s’agirait d’une pratique répandue destinée à soutenir artificiellement le cours des titres. Du point de vue des procédures, il semble aussi impératif de dématérialiser les transactions et de les simplifier. La révision de la réglementation de la Midclear (la société nationale de compensation des titres) devrait aussi permettre d’améliorer la confiance générale en cette institution afin de promouvoir les prises en pension et les dépôts de titres lorsque ces derniers changent de main. Le concept de départ Le développement du marché des titres libanais, et notamment le marché boursier, reposera fondamentalement sur la culture des épargnants nationaux en matière de placements financiers. Le Libanais demeure assez mal renseigné quant aux possibilités de placement qui lui seraient offertes, et il agit généralement en spéculateur impatient adepte du «hit and go». Ce serait aux institutions financières de la place de promouvoir les produits qui seront disponibles sur le marché une fois un cadre légal adéquat mis en place. La transformation des banques commerciales en supermarchés financiers et leur rapprochement des sociétés financières du marché sont d’ailleurs un premier pas vers ce rapprochement du client. Pour certains experts, l’attraction justifiée de capitaux étrangers ne serait qu’une étape ultérieure à la promotion du marché titres auprès des épargnants et investisseurs locaux. C’est cette première réussite qui entraînerait le flux entrant de capitaux étrangers, privés et institutionnels, surtout si le processus de privatisation est lancé convenablement. La stimulation du marché viendrait alors de l’intérieur.
S’il s’agissait de caractériser l’activité sur la Bourse de Beyrouth par quelques mots, un consensus se formerait autour de stagnation, tension, attente, dépression et manque de liquidité. En effet, entre le mois d’août de cette année et le mois d’août de 1998, la capitalisation boursière a chuté de 26,8%, de USD 2,37 milliards, à USD 1,7 milliard. Le nombre d’actions échangées mensuellement est passé en-dessous de la barre du million, reflétant une offre souvent supérieure à la demande. Même les banques, secteur favorisé de l’économie libanaise, ont vu leurs titres s’engager sur le trend descendant sur lequel semble s’être engagée l’économie libanaise en général. Un marché en veilleuse La tendance baissière quasi généralisée qui illustre les performances boursières des derniers mois a...